Le procès des travailleurs du rail victimes d’un coup monté au Québec se déroulera en septembre

Beverly Bernardo
le 15 mai 2017

SHERBROOKE (Québec) — Au cours d’une audience de cinq jours qui a débuté le 10 avril, le juge de la Cour supérieure, Gaétan Dumas, a décidé que le procès de l’ingénieur de locomotive Tom Harding et du répartiteur Richard Labrie commencera ici le 11 septembre. Les travailleurs du rail sont victimes d’un coup monté par le gouvernement canadien pour le déraillement et l’explosion d’un train de pétrole brut à la dérive de la Montreal, Maine and Atlantic en juillet 2013, au centre-ville de Lac-Mégantic, une ville de 6 000 habitants près de la frontière entre le Québec et le Maine. Tom Harding et Richard Labrie sont membres de la section locale 1976 du syndicat des Métallos. Jean Demaître, ancien responsable de l’entreprise, fait également partie des accusés.

Tous les trois font face à 47 chefs d’accusation de négligence criminelle et pourraient être condamnés à une peine de prison à vie si trouvés coupables. La catastrophe a tué 47 personnes et a nivelé le centre-ville.

Lorsque Tom Harding a appris le déraillement, qui a eu lieu au milieu de la nuit pendant qu’il dormait, il s’est précipité sur le site et a risqué sa vie pour aider les pompiers à dépressuriser les freins sur certains des wagons-citernes qui n’avaient pas encore pris feu afin de pouvoir les déplacer. Tom Harding est considéré comme un héros par un grand nombre de personnes de la ville qui pensent que les patrons, et non les travailleurs du rail, devraient se retrouver au banc des accusés.

Le juge a pris ses décisions sur les motions de l’avocat de Tom Harding, Thomas Walsh, à partir de preuves qui ne peuvent être divulguées par les médias, dont le rapport du Bureau de la sécurité des transports du gouvernement sur les causes du déraillement.

« Ce n’est pas inhabituel, a soutenu Tom Walsh. Cela vise à empêcher les jurés potentiels de se faire des opinions avant le procès. »

Au cours d’une audience antérieure en janvier, Le juge a statué que la compagnie de chemin de fer en faillite, et liquidée depuis, et qui n’a pas d’actifs ou de conseil juridique, sera jugée séparément sur des accusations similaires. « La poursuite n’a absolument aucune intention de s’en prendre à la MMA, a déclaré Thomas Walsh. Ils veulent s’en prendre à Tom Harding. Les accusations portées contre la MMA sont seulement une façade. »

« Aucune date n’a encore été fixée pour le procès de la MMA, » a-t-il ajouté.

Un exposé publié dans le Globe and Mail de Toronto et le rapport officiel du Bureau de la sécurité des transports ont clairement démontré que c’est le mépris pour la sécurité de la part des patrons des chemins de fer, en quête de profits, et la complicité de l’organisme fédéral Transports Canada qui sont responsables du désastre.

Le Globe a montré que, dans le cadre d’une politique stricte de la Montreal, Maine and Atlantic conçue pour sauver du temps et de l’argent, Harding a été empêché d’activer les freins automatiques lorsqu’il a garé le train, ce qui aurait empêché ce dernier de rouler dans Lac-Mégantic cette nuit-là. Et Transports Canada a permis à l’entreprise ferroviaire de faire rouler ses trains pétroliers dangereux avec un « équipage » réduit à une seule personne.

« Le procès en septembre va clairement mettre en évidence la responsabilité pénale des hauts dirigeants de la MMA, de Transport-Canada et du ministère du Transport qui étaient tous au courant des manquements aux règles élémentaires de la sécurité ferroviaires de la MMA et qui n’ont rien fait pour les corriger, » a affirmé au Militant le 21 avril Robert Bellefleur, porte-parole de la Coalition des citoyens et des groupes pour la sécurité ferroviaire à Lac-Mégantic. « C’est ce que permet la loi C-21. »

Adoptée après la catastrophe de la mine de charbon de Westray en 1992 en Nouvelle-Écosse qui a tué 26 mineurs sans qu’un seul responsable de l’entreprise soit inculpé, la loi C-21 a étendu la responsabilité criminelle pour négligence dans le code pénal fédéral afin de rendre les dirigeants d’entreprise plus facilement responsables des blessures et des décès au travail. Elle a été adoptée après un tollé public par les familles des mineurs, leur syndicat et la publication d’un rapport officiel qui a mis le doigt directement sur la négligence des patrons.

« La population sera-t-elle protégée de tragédies comme celle de Lac-Mégantic si les trois employés sont déclarés coupables? Non, » a expliqué au Militant Anne-Marie Saint-Cerny, une écrivaine qui travaille sur un livre à propos de la catastrophe de Lac-Mégantic, après avoir assisté à l’audience. « Le système de protection du public au Canada, mis en place par le gouvernement, consiste à laisser les compagnies s’occuper de notre sécurité. Or les compagnies ont le profit en priorité, pas notre sécurité. C’est aussi vrai en 2017 qu’en 2013.

« La lutte contre le coup monté à l’endroit de Harding et Labrie est importante pour les travailleurs au Canada et au-delà, » a souligné Philippe Tessier, candidat de la Ligue communiste à la mairie de Montréal, après l’audience. «Je fais campagne pour gagner des appuis afin de vaincre le coup monté contre ces deux travailleurs ferroviaires dans le cadre de la lutte en cours des travailleurs du rail pour la sécurité, pour eux-mêmes et pour tous ceux qui vivent et travaillent le long des voies ferrées. »

Les messages à l’appui de Harding et Labrie peuvent être envoyés aux Métallos, section locale 1976, 2360, De Lasalle, suite 202, Montréal, QC Canada H1V 2L1. Des copies doivent être envoyées à Thomas Walsh, 165, rue Wellington N., bureau 310, Sherbrooke, QC, Canada J1H 5B9.