Le 11 août, un groupe d’environ 250 suprémacistes blancs et néo-nazis ont marché avec des torches sur le campus de l’Université de Virginie à Charlottesville en scandant : « White lives matter » (la vie blanche compte) ; « Sang et sol, » un slogan utilisé par Adolf Hitler ; « Vous ne nous remplacerez pas » et « Les Juifs ne nous remplaceront pas. »
Le lendemain, ces voyous de l’extrême-droite se sont joints au rassemblement « Unite the Right » (Unissons la droite) de quelques 500 personnes à Charlottesville, prétendument organisé pour s’opposer au retrait d’une statue du général confédéré Robert E. Lee. Les organisateurs avaient affirmé que l’action serait le plus grand rassemblement de ce genre depuis des décennies. Le gouverneur de la Virginie, Terry McAuliffe, a déclaré l’état d’urgence, mais les voyous de la droite et des dizaines de soi-disant combattants antifascistes, tous les deux armés, ont manifesté et se sont lancés dans une série d’affrontements sanglants.
Après que les flics ont annulé le rassemblement, un des néo-nazis a transformé sa voiture en une arme et a foncé dans un groupe de contre-manifestants, tuant Heather Heyer et blessant 19 autres personnes.
Le Parti socialiste des travailleurs s’est opposé aux actions racistes et se tient aux côtés de ceux qui s’opposent à leur perspective anti-ouvrière.
Les suprémacistes blancs ont été surpassés en nombre à plus de deux contre un par les contre-manifestants. Cependant, bien en vue dans la contre-manifestation, on retrouvait des groupes qui défendent le point de vue faux et dangereux que de petits groupes qui confrontent l’extrême-droite les armes à la main peuvent mettre fin au racisme et au fascisme.
Parallèlement à cela, les médias capitalistes libéraux, les politiciens du Parti démocrate, quelques politiciens républicains et la gauche petite-bourgeoise se sont servis des actions de la droite et la violence mortelle qui en a résulté pour blâmer le président Donald Trump, et surtout les travailleurs qui l’ont élu, pour ce qui s’est passé. Ils voient tout dans la politique d’aujourd’hui sous l’angle de comment destituer ou mettre en accusation Donald Trump.
Ils ont prétendu que les suprémacistes blancs sont la « base » de Trump, calomniant la classe ouvrière, en particulier les travailleurs qui sont caucasiens, comme arriérés, racistes et réactionnaires.
Solidarité Cville, une coalition de clergé et de militants radicaux basée à Charlottesville, avait exigé que le conseil municipal interdise le rassemblement raciste. Le conseil a annulé leur permis de se rassembler dans le parc Emancipation où se trouve la statue de Lee et il a dit aux organisateurs de tenir le rassemblement à un mile de là. L’American Civil Liberties Union (importante organisation de défense des droits civiques) a contesté le déplacement, affirmant qu’il était inconstitutionnel parce qu’il était fondé sur l’opposition aux idées des organisateurs. L’ACLU a prévalu.
Solidarité Cville a appelé à une contre-manifestation. Parmi ceux qui se sont joints à eux, il y avait des radicaux de la classe moyenne de partout au pays, ainsi que d’autres, y compris les antifa, l’abréviation de groupes antifascistes ; Refuse Fascism ! ; et divers groupes anarchistes qui préconisaient des attaques physiques pour empêcher ou saboter l’action de droite.
Il y avait des groupes des deux côtés des manifestations portant des armes semi-automatiques, pistolets, aérosols chimiques et autres armes.
Dès 10h30, les combats avaient déjà commencé. Ensuite, une vingtaine de contre-manifestants ont formé une ligne et se sont servis d’une grande barricade en bois pour essayer de bloquer un groupe de suprémacistes blancs qui s’approchaient du parc armés de boucliers et de matraques de bois. Une mêlée a éclaté lorsque les racistes se sont heurtés à des groupes organisés et armés de façon similaire.
En réponse à ceux qui critiquaient l’inaction de la police, le gouverneur Terry McAuliffe, un démocrate, a déclaré que les manifestants « étaient mieux équipés que notre police d’État. »
Les contre-manifestants ont scandé « Go the f–k home ! » (Rentrez chez vous) et les militants de droite ont répondu en criant « Go the f–k back to Africa ! » (Retournez en Afrique.)
Une étudiante de l’Université de Virginie, Isabella Ciambotti, était avec les contre-manifestants. « Ce que j’ai vu sur Market Street n’avait pas l’air de résistance, » a-t-elle écrit dans le New York Times. « C’était comme si chaque individu passait sur la foule sa propre accumulation de peur et de frustration. »
Isabella Ciambotti a dit qu’elle a vu « un contre-manifestant arracher une boîte à journaux du trottoir et la lancer à des manifestants de droite. »
Une agression l’a particulièrement troublée. « Un homme beaucoup plus âgé, également avec le groupe de la droite, a été jeté au sol dans la mêlée. Quelqu’un a soulevé un bâton au-dessus de sa tête et l’a battu. J’ai alors crié et j’ai couru avec plusieurs autres étrangers pour l’aider à se remettre sur pieds. »
Plus tard, elle s’est jointe à un groupe qui criait aux militants de droite qui marchaient devant: « Sortez de notre ville ! » « Une femme de leur groupe s’est tournée vers moi, m’a regardée droit dans les yeux et a dit : « J’espère qu’un n…r te violera. » »
Peu de temps après, le néo-nazi James Alex Fields Jr. a utilisé sa voiture pour tuer Heather Heyer, une membre des Travailleurs industriels du monde, et blesser 19 autres personnes. Fields a été arrêté et a été inculpé de meurtre.
Les libéraux blâment les travailleurs qui ont élu Trump
Les libéraux méritocratiques et les gens de la gauche blâment le président Trump et les travailleurs qui ont voté pour lui pour ce qui s’est passé. Une rubrique de Colbert King dans le Washington Post du 12 août a été intitulée : « Ce sont vos gens, président Trump, » une des nombreuses variantes dans les médias libéraux de l’opinion selon laquelle les groupes racistes et de droite sont sa « base ».
« Nous avons un milliardaire-président fanatique qui a fait très peu pour la classe ouvrière blanche dont le ressentiment a alimenté sa montée, » a écrit Michael Dyson dans New York Times du 12 août. « Le seul vestige de cette direction auquel ils peuvent s’accrocher est le folklore du sentiment nationaliste blanc et la passion xénophobe qui leur offrent un réconfort psychique mais peu de stabilité financière. »
Le Workers World Party présente une variante plus extrême de cette vision déformée.
« Une section importante de l’extrême-droite au sein de la classe des milliardaires a fait appel à la manipulation des médias et aux manoeuvres financières pour envoyer un des leurs à la Maison-Blanche, » a-t-il soutenu dans un communiqué public. « Cela a encouragé la racaille la plus raciste, anti-immigré, antimusulman, antisémite, misogyne, suprémaciste masculin et meurtrière de cette société capitaliste en décomposition. »
Mais il n’est tout simplement pas vrai qu’il y a une montée du racisme ou du sentiment anti-immigrant et antimusulman au sein de la classe ouvrière aux États-Unis.
Au contraire, il y a moins de racisme, de bigoterie ou de sexisme chez les travailleurs aux États-Unis aujourd’hui qu’à n’importe quel moment de l’histoire des États-Unis. Les conquêtes historiques du mouvement pour les droits des Noirs dans les années 1950, 1960 et au début des années 1970 ont porté un dur coup à la ségrégation de Jim Crow, ont repoussé le racisme et changé les États-Unis à tout jamais.
Le président Trump n’a pas été élu par des travailleurs racistes du Sud qui bouillonnent de colère devant le démantèlement des statues de Robert E. Lee. Il a été élu par des travailleurs du Wisconsin, de la Pennsylvanie, de la Virginie-Occidentale, de l’Ohio, du Michigan et d’autres régions dites de la Rust Belt [la Ceinture de rouille] qui ont voté pour Barack Obama en 2008 et 2012, en quête de changements alors qu’ils se trouvent au beau milieu d’une catastrophe sociale engendrée par la crise du capitalisme. En 2016, ils se sont ralliés à Trump, à son engagement à « drainer le marais » à Washington, à son dédain pour la « rectitude politique » et à sa promesse de défendre la classe ouvrière. Est-ce que ceux qui ont soutenu Obama sont soudainement devenus des racistes ?
Les experts méritocratiques insistent pour dire que Trump vient au secours de l’extrême droite. Le 15 août, un article intitulé « Trump donne aux suprémacistes blancs une impulsion sans équivoque, » est paru à la une du quotidien New York Times.
Après les affrontements armés par certains éléments des deux côtés des manifestations, Trump a condamné « le plus vigoureusement possible, cette représentation flagrante de la haine, de la bigoterie et de la violence venant de plusieurs côtés. » La Maison-Blanche a complété cela peu de temps après, en disant: « bien sûr ceci comprend les suprémacistes blancs, le KKK, les néo-nazis et tous les groupes extrémistes. »
Toutefois, d’un article à l’autre, d’un éditorial à l’autre, le Times, le Washington Post, les politiciens anti-Trump des deux partis et d’autres insistent sur le fait qu’il s’est associé à des réactionnaires de tout genre. Lorsque dans un communiqué de presse le sénateur républicain Lindsey Graham a déclaré que Trump n’avait pas été assez franc dans sa condamnation des racistes à Charlottesville, le président a répondu.
« Lindsey Graham, toujours en quête de publicité, a affirmé faussement que j’ai dit qu’il y avait une équivalence morale entre le KKK, les néo-nazis et les suprémacistes blancs, et des gens comme Heather Heyer, » a écrit Trump sur Twitter le 17 août. « Un mensonge dégoûtant. »
Trump n’est pas attaqué sans relâche parce qu’il constitue une menace pour la domination capitaliste. C’est un baron capitaliste de l’immobilier, un milliardaire dont l’objectif est de défendre les intérêts de sa classe. Il est attaqué parce que les libéraux méritocratiques voient derrière les travailleurs qui l’ont élu les batailles de classe à venir.
Observant les choses uniquement à travers l’objectif de démettre Trump de ses fonctions, les derniers héros de la gauche sont les PDG milliardaires et les banquiers d’investissement qui ont démissionné de la table ronde des gens d’affaires de la Maison-Blanche.
Le danger des antifas pour la classe ouvrière
Certains des groupes impliqués dans la contre-manifestation ont dévoilé un plan d’action qui combine la bravade téméraire avec un mépris pour la classe ouvrière.
Le New York Times a publié une photo d’un certain nombre de membres armés d’un groupe appelé Redneck Revolt lors de la contre-manifestation.
Le groupe a lancé un « Appel aux armes pour Charlottesville » qui soutient en conclusion : « Aux fascistes et à tous ceux qui se tiennent avec eux, nous vous verrons en Virginie. » Ils affirment que de « laisser les fascistes s’organiser publiquement et sans les mettre en cause équivaut à monter la garde pendant qu’ils construisent une bombe. »
L’idée que des petits groupes radicaux peuvent écraser dans l’oeuf le racisme et le fascisme en les confrontant physiquement n’est pas nouvelle. Mais elle est dangereuse pour la lutte contre la violence raciste et pour la classe ouvrière.
La seule façon de contrecarrer leur poison est de mobiliser la classe ouvrière. La stratégie des antifas, Redneck Revolt, et d’autres du genre est de se substituer à la classe ouvrière, une recette qui ne peut conduire qu’au désastre. Non seulement elle transforme les travailleurs en spectateurs au lieu de participants actifs à leur propre libération, mais elle donne au gouvernement et aux flics une arme pour s’attaquer aux droits politiques si cruciaux pour la classe ouvrière parce qu’ils nous permettent de discuter, de débattre et d’agir.
L’aventurisme est un piège mortel pour le mouvement ouvrier. Peut-être que cette fois-ci les flics ont manqué d’armes face aux manifestants, mais vous pouvez être sûr que cela ne se répétera pas.
En fait, le plus grand danger pour les droits politiques de la classe ouvrière aux États-Unis aujourd’hui ne provient pas de petits groupes de suprémacistes blancs ou fascistes. Comme le montre Charlottesville, ces derniers ont incapables de mobiliser plus de quelques centaines de personnes. Leurs idées racistes, anti-ouvrières et de casseurs violents n’ont pratiquement aucun appui parmi les travailleurs.
Le danger pour les droits des travailleurs provient plutôt des libéraux et des radicaux petits bourgeois qui appellent aujourd’hui à des combats armés avec les réactionnaires. Et ceux dont les efforts pour empêcher les réunions sur les campus universitaires à travers le pays, de Berkeley, en Californie, Olympia, à Washington, jusqu’à Burlington, au Vermont, ont donné aux administrations universitaires et aux flics une opportunité en or. Ils appellent à jeter par la fenêtre les droits durement acquis par la classe ouvrière.
Dans une chronique parue le 17 août dans le Times, K-Sue Park, étudiant en études critiques de la Faculté de droit de l’UCLA, dénonce l’ACLU [l’Association américaine de défense des droits civiles] pour avoir contesté l’interdiction de rassemblement imposée à la droite à Charlottesville.
« Nous vous avons remplacé »
Des milliers de personnes, y compris de nombreux étudiants, bouleversées par les rassemblements de la suprématie blanche, le meurtre de Heather Heyer et les incursions de l’extrême-gauche, se sont mobilisées pour une vigile à la chandelle organisée de bouche à oreille au campus de l’Université de Virginie le 16 août. Cette vigile était beaucoup plus grande que toutes les actions des jours précédents.
Les participants à cette vigile sont revenus sur les pas de ceux qui avaient participé au ralliement des suprémacistes blancs qui avaient scandé : « Les Juifs ne nous remplaceront pas. ». Un participant a affiché une photo de la vigile avec la légende : « Nous vous avons remplacés. »