Porto Rico : « Le colonialisme cause le plus de dommage »

Seth Galinsky
le 16 octobre 2017

« Les ouragans ont causé beaucoup de dégâts, mais pas autant que le colonialisme, » a soutenu le combattant pour l’indépendance Rafael Cancel Miranda par téléphone de San Juan, à Porto Rico, le 28 septembre. « Nous avons souffert sous l’ouragan du colonialisme yankee depuis plus de 100 ans. »

L’ancien prisonnier politique faisait référence à l’exploitation des ressources naturelles et de la main-d’œuvre des travailleurs de la colonie US par Washington, qui transfert la richesse aux entreprises US et soutire encore plus de profits pour payer la dette de 74 milliards de dollars du régime colonial aux obligataires.

Bien que Washington ait envoyé des milliers de soldats et le personnel de l’Agence fédérale de gestion des urgences (Federal Emergency Management Agency), la restauration des services, la réouverture des routes et l’approvisionnement en nourriture, eau, électricité et carburant avancent très lentement.

« Pas loin d’où je vis, il y a un immeuble de 10 étages pour les retraités. Il n’y a pas d’électricité. Ils ne peuvent pas avoir d’eau, » a décrit Rafael Cancel Miranda. C’est pire en dehors de San Juan dans les villes et les zones rurales. Deux semaines après la tempête, de nombreuses zones rurales n’avaient pas reçu d’eau ou de nourriture.

« C’est une tragédie en particulier pour les travailleurs et pour ceux qui ont peu de ressources économiques, » a-t-il poursuivi.

C’est une histoire similaire dans toutes les colonies et les semi-colonies des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et des Pays-Bas dans les Caraïbes, car les puissances impérialistes et les régimes coloniaux travaillent pour soutirer encore plus de richesses des travailleurs et des agriculteurs.

Les relations sociales capitalistes transforment les effets de catastrophes comme les ouragans Harvey, Irma et Maria, ou les tremblements de terre au Mexique, en catastrophes pour les travailleurs.

Et, comme à Porto Rico, les travailleurs et les agriculteurs du reste des Caraïbes sont ravagés par les effets désastreux causés par la crise économique capitaliste mondiale et exacerbés par les riches détenteurs d’obligations qui exigent le paiement des dettes.

Avant qu’Irma et Maria ne frappent, le trésor des Îles Vierges US « avait à peine assez d’argent pour financer le gouvernement pendant trois jours, » a rapporté le New York Times. Le taux de chômage était plus du double de celui de la moyenne US. La dette de près de 2 milliards de dollars était plus élevée per capita que celle de Porto Rico. Son système de retraite était sur le point de faire faillite. Et le gouvernement colonial avait épuisé les fonds mis de côté pour secourir les victimes des ouragans et autres catastrophes naturelles afin de faire face à d’autres dépenses.

Barbuda a été détruite à presque 90 pour cent par la tempête et l’ensemble de ses 1800 résidents ont dû être évacués vers Antigua, avec l’aide du gouvernement vénézuélien. Gaston Browne, premier ministre de l’ancienne colonie britannique d’Antigua-et-Barbuda, a demandé un moratoire sur sa dette de 15,8 millions de dollars au Fonds monétaire international. Mais le FMI a dit qu’il préfèrerait prêter plus d’argent au gouvernement.

Certaines des îles des Caraïbes jouent un rôle particulier dans le monde capitaliste pour escroquer d’énormes profits. Les irrégularités fiscales et autres échappatoires dans les îles Vierges britanniques signifient que plus de 400 000 entreprises capitalistes dans le monde entier sont enregistrées dans ce pays, avec quelque 1500 milliards de dollars d’actifs. Bien que les travailleurs de la colonie britannique soient confrontés à une catastrophe causée par l’ouragan qui a entraîné la destruction d’au moins 70 pour cent des maisons et des autres bâtiments, les affaires profitables des abris fiscaux ont été opérationnelles en quelques jours.

Rafael Cancel Miranda a décrit le carnage auquel devaient faire face les travailleurs de Porto Rico avant les ouragans. « Mon frère, la vérité est que même avant l’ouragan Maria, il y avait des enfants qui allaient au lit avec la faim au ventre, a-t-il affirmé. Il y avait des centaines, peut-être des milliers de vendeurs de rue aux feux de circulation. C’est ça la magie d’être une colonie. »

Et beaucoup de dégâts « auraient pu être évités, » a-t-il soutenu. Au cours de la dernière décennie, le régime colonial a licencié des milliers de travailleurs du gouvernement, y compris de la compagnie d’électricité qui réduisait les coûts d’entretien pour payer sa dette.

Pas d’électricité pendant des mois

Plus de 80 pour cent des lignes électriques ont été détruites par l’ouragan Maria a dit le 30 septembre au Militant, Angel Figueroa Jaramillo, président de UTIER, le syndicat des travailleurs de l’électricité. Et à l’extérieur de San Juan il n’y avait pratiquement plus de service téléphonique. « Le gouvernement et la compagnie d’électricité ne s’étaient pas préparés pour l’ouragan, a-t-il affirmé. Les travailleurs, les ouvriers des lignes, étaient prêts pour rétablir le système mais la compagnie n’a pas fourni les équipements, les matériels, les câbles, les grues et les transports nécessaires. »

Pendant les deux semaines qui ont suivi l’ouragan, des milliers de containers de nourriture, des marchandises de Walmart et d’autres compagnies ont obstrué les ports à cause d’un manque de carburant et de place dans les entrepôts alors que des milliers de gens manquaient de produits de première nécessité. Des conducteurs se sont présentés au palais des congrès à San Juan en réponse à l’appel lancé par le gouvernement local, pour être finalement éconduits.

Selon CNBC, ce n’est pas avant le 30 septembre que des camions en quantités suffisantes ont finalement commencé à arriver au port et rattrapé le retard pour faire de l’espace et permettre à l’aide supplémentaire d’arriver.

Le président Donald Trump et le maire de San Juan Carmen Yulín Cruz se sont livrés un combat à distance pour savoir qui était le plus responsable pour la désorganisation et le manque de progrès dans le redressement de Porto Rico. En fait, les deux avaient raison. À aucun niveau le gouvernement, de Washington à Porto Rico, n’était préparé ou mobilisé pour répondre aux besoins des travailleurs. Quand Trump a visité l’île le 3 octobre, les deux ont souri et se sont serré la main.

Cuba révolutionnaire montre la voie

Par un saisissant contraste, le gouvernement révolutionnaire de Cuba a dirigé les travailleurs et les agriculteurs pour préparer l’arrivée de l’ouragan, minimiser les pertes en vie et en biens, y compris en évacuant 1,8 million de personnes avant que les ouragans n’atteignent la terre. La reconstruction est en cours. Le 29 septembre, le gouvernement a signalé que près de 100 pour cent de l’électricité avait été rétablie après la réparation de 3 600 pylônes, de plus de 2 000 km de lignes électriques et de plus de 1300 transformateurs.

Pour reconstruire les plus de 14 000 maisons détruites et les 23 500 endommagées, le gouvernement offre des crédits et fournit et subventionne les matériaux de construction. Beaucoup de champs sont déjà replantés avec des cultures à croissance rapide.

La Centrale des travailleurs cubains (CTC) a appelé à une mobilisation nationale de travail volontaire, le 7 octobre, pour « redoubler nos efforts afin d’effacer aussi rapidement que possible les traces de cet événement destructeur. »

Quand les travailleurs et les agriculteurs ont fait une révolution en 1959, dirigée par Fidel Castro et le Mouvement du 26 juillet, ils ont pris le contrôle du gouvernement et commencé à se mobiliser pour satisfaire à leurs besoins. Ils se sont transformés eux-mêmes dans ce processus. Ils se sont sentis responsables les uns des autres et ont offert leur solidarité et tout ce qu’ils ont à leur disposition pour d’autres personnes en détresse. Tout en menant la lutte pour restaurer l’électricité à Cuba, le gouvernement révolutionnaire a offert d’envoyer quatre brigades d’électriciens et un hôpital mobile totalement équipé avec 39 médecins pour aider Porto Rico. Les dirigeants US n’ont pas répondu.

« Nous avons entendu parler de l’offre de Cuba, » a dit Rafael Cancel Miranda. Jaramillo, le dirigeant syndical de l’électricité, a lui aussi affirmé en avoir entendu parler.

Il faudra peut-être six mois avant que la totalité de Porto Rico ait de l’électricité. Porto Rico et Cuba montre la différence entre capitalisme et socialisme, a dit Cancel Miranda. « À Cuba, les travailleurs sont unis. Ils s’étaient préparés à l’avance, les abris étaient prêts. Ils ne dépendaient de personne d’autre qu’eux-mêmes. »