SHERBROOKE, Québec — Stephen Callaghan, un soi-disant expert de la sécurité ferroviaire et témoin clé de la poursuite, a été appelé à la barre le 21 novembre dans le cadre du coup monté par le gouvernement canadien et les patrons du rail contre le conducteur de trains Tom Harding. Harding est sous le coup de 47 chefs d’accusation de négligence criminelle ayant causé la mort, en lien avec le déraillement et l’explosion d’un train de pétrole en juillet 2013 qui ont fait 47 victimes et incendié le centre-ville de Lac-Mégantic.
Le contrôleur de train Richard Labrie et Jean Demaître, ancien petit directeur des opérations de la Montreal, Maine and Atlantic Railway sont jugés en même temps que Harding qui est membre de la section locale 1976 des Métallurgistes unis. S’ils sont déclarés coupables, ils pourraient faire face à la prison à vie.
Stephen Callaghan est un ancien inspecteur du Bureau de la sécurité des transports du gouvernement fédéral. Il a également été superviseur pour la compagnie ferroviaire Quebec, North Shore and Labrador, où il a participé, pour la première fois au Canada, à la mise en œuvre d’opérations avec « équipage d’une seule personne. » La seule autre compagnie de chemin de fer à avoir obtenu une permission du gouvernement pour cette procédure était la Montreal, Maine and Atlantic.
Après la catastrophe de Lac-Mégantic, Callaghan a été embauché par la police provinciale du Québec comme enquêteur. Les accusations portées contre Harding, Labrie et Demaître reposaient sur son rapport.
S’accompagnant de tableaux, de graphiques et de photographies, Stephen Callaghan a déclaré au jury que la catastrophe était due au fait que Tom Harding n’a pas activé un nombre suffisant de freins à main avant de laisser le train sans surveillance.
Tom Harding avait conduit le train de pétrole de 72 wagons et l’avait garé sur la voie principale à Nantes, comme c’était la procédure normale, sur une pente au-dessus de Lac-Mégantic. Comme il l’avait déjà fait plusieurs fois auparavant, il a appliqué plusieurs freins à main. Il a dit en avoir mis sept ce soir-là. Il a alors laissé la locomotive de tête en marche avec ses freins pneumatiques indépendants, persuadé que cette combinaison allait bien sécuriser le train.
Alors que Tom Harding dormait, un incendie s’est déclaré dans le moteur de la locomotive principale. Les pompiers volontaires ont éteint le moteur de la locomotive pour éteindre les flammes. Ils sont partis lorsqu’un officier de la Montreal, Maine and Atlantic sur les lieux leur a dit que tout était en règle. Tom Harding, qu’on a appelé à propos de l’incendie, s’est porté volontaire pour revenir et s’assurer que tout allait bien. On lui a dit que ce n’était pas nécessaire et qu’il devrait aller se recoucher. Le moteur de la locomotive étant arrêté, la pression dans les freins a peu à peu diminué et le train a dévalé la pente menant à Lac-Mégantic, a déraillé et a explosé.
Réveillé par l’explosion, Harding a risqué sa vie pour aider les pompiers à détacher et déplacer des wagons-citernes avant qu’ils n’explosent. Plusieurs personnes à Lac-Mégantic considèrent Tom Harding comme un héros et sont convaincues que les grands patrons de la Montreal, Maine et Atlantic auraient dû être inculpés, de même que les hauts fonctionnaires de l’agence fédérale Transports Canada, qui avaient donné la permission d’opérer avec un équipage d’une seule personne afin d’augmenter les profits de la compagnie, ce qui a entraîné l’érosion de la sécurité sur ce chemin de fer.
L’évolution du coup monté
Immédiatement après le désastre, le grand patron de la Montreal, Maine and Atlantic, Ed Burkhardt, a dit que Tom Harding avait fait tout ce qu’il fallait. Un autre responsable de l’entreprise l’a appelé un héros et l’a décrit comme « une personne très consciencieuse. » Mais quelques jours plus tard, le coup monté a commencé et Burkhardt a accusé Harding de ne pas avoir actionné assez de freins à main.
En mai 2014, guidée par le « rapport » d’investigation de Stephen Callaghan, qui n’a fait aucun reproche à Burkhardt ni aux autres dirigeants de l’entreprise, l’unité spéciale de la police du Québec est arrivée au domicile de Tom Harding à Farnham, l’a arrêté et l’a fait défiler, menotté, jusqu’au tribunal de Lac Mégantic.
Mais le rapport indépendant du Bureau de la sécurité des transports lui-même a conclu qu’aucun individu n’était seul responsable de la tragédie et que quelque 18 facteurs différents, y compris une sécurité défaillante de la Montreal, Maine and Atlantic, ont contribué à ce qui s’est passé. Les patrons du rail ont attaqué le rapport, parmi eux le PDG d’alors du Canadien Pacifique, Hunter Harrison, qui a maintenu que le Bureau de la sécurité des transports avait « réagi de façon excessive » et que Harding était seul responsable.
Lors du contre-interrogatoire de Thomas Walsh, l’avocat de Tom Harding, Stephen Callaghan a été obligé d’admettre que l’utilisation de freins à air pour sécuriser les freins à main est une pratique normale et répandue des conducteurs de locomotives.
Lorsque le président du tribunal supérieur du Québec, Gaétan Dumas, a demandé à Stephen Callaghan s’il savait ce qui avait causé le feu dans la locomotive de tête, « l’expert » a dit qu’il ne savait pas. Mais le rapport du Bureau de la sécurité des transports a affirmé explicitement que la locomotive avait pris feu à cause de réparations non conformes de la compagnie du rail.
Un certain nombre d’habitants de Lac Mégantic sont venus pour assister au procès, y compris des dirigeants de la Coalition des citoyens pour la sécurité ferroviaire. « Le rapport du Bureau de la sécurité des transports montre que Tom Harding n’est pas responsable de ce qui s’est passé, » a déclaré au Militant Robert Bellefleur, le porte-parole de la Coalition qui a assisté à la déposition de Stephen Callaghan. « Il y en a encore beaucoup qui souffrent à Lac Mégantic et ceux qui en sont responsables ne sont pas dans le box. »
Le rapport du Bureau de la sécurité des transports est la grande question dont personne ne peut parler au tribunal, car il est interdit d’y faire référence devant le jury. Dans une audience avant le procès, le juge Gaétan Dumas a rejeté sans explication la demande que le rapport soit soumis comme preuve pour la défense. Il a refusé de permettre à la défense de faire témoigner des enquêteurs du bureau de la sécurité.
Le procès continuera jusqu’en janvier 2018. « À mesure que le procès avance, nous ferons éclater de plus en plus la vérité afin que le jury ait la possibilité d’évaluer la situation dans son ensemble, » a expliqué Thomas Walsh au Militant.
Des messages de soutien à Thomas Harding et à Richard Labrie devraient être adressés à la Section locale 1976 des Métallos, 2360, rue De Lasalle, Suite 202, Montréal, QC Canada H1V 2L1. Des copies de ces messages doivent être envoyées à Thomas Walsh, 165, rue Wellington N., Suite 310, Sherbrooke, QC, Canada J1H 5B9. Courriel : thomaspwalsh@hotmail.com.