La crise économique à l’origine des manifestations dans les villes d’Iran

Terry Evans
le 15 janvier 2018

Dans le sillage d’années de difficultés économiques exceptionnelles, de guerres de Téhéran, en Syrie et en Irak, ainsi que de hausse récentes de prix, des manifestations quotidiennes par des travailleurs et des jeunes se sont étendues dans tout l’Iran à la fin de décembre. Certains participants ont scandé des slogans en opposition à l’ayatollah Ali Khamenei. D’autres ont appelé à la chute du régime bourgeois dominé par les chefs religieux. Selon la presse du 3 janvier, plus de 20 personnes ont été tuées dans les affrontements avec les autorités.

Réalisant que les dures réalités auxquelles font face les travailleurs attisaient les manifestations, le gouvernement a d’abord freiné les agressions brutales de la police et du corps des Gardes révolutionnaires contre les manifestants. Le taux de chômage des jeunes atteint 40 pour cent.

La contestation a commencé le 28 décembre à Machhad. Le gouvernement a présenté un budget comprenant une augmentation de 50 pour cent des coûts du carburant et l’élimination de millions de dollars en subventions qui réduisaient le coût des besoins fondamentaux d’environ 30 millions de personnes, soit plus du tiers de la population. En même temps, il proposait une hausse de 20 pour cent des dépenses militaires, ce qui élèverait le budget de défense à 11 milliards de dollars. Le London Times a indiqué que les manifestations se sont étendues dans 40 villes, grandes et petites, au cours des deux jours suivants, y compris à Téhéran, la capitale.

Les conséquences de la crise capitaliste mondiale, aggravée par des années de sanctions imposées par Washington et ses alliés, ont durement frappé les travailleurs et les agriculteurs. Le président iranien Hassan Rouhani a négocié un accord avec Washington pour ralentir le développement du programme nucléaire de Téhéran en échange de la levée de quelques sanctions. Cet accord a suscité parmi les travailleurs l’espoir d’un amortissement de la crise économique.

Hassan Rouhani a été réélu président en mai dernier grâce à cette attente, à son engagement à relancer l’économie de Téhéran et à ses promesses d’empêcher le retour de l’inflation rampante. Malgré de nouveaux échanges commerciaux, notamment avec Boeing et Airbus, le niveau de vie des travailleurs a continué à décliner.

Ces conditions ont alimenté le mécontentement vis-à-vis des deux tendances parmi les chefs religieux au pouvoir dans le pays, celle dirigée par l’ayatollah Ali Khamenei et l’autre par Hassan Rouhani. Les chefs religieux ont consolidé la domination capitaliste lors d’une contre-révolution suivant le soulèvement des travailleurs en 1979, qui a renversé le shah, un proche allié de Washington.

Le 29 décembre, les protestations ont gagné Kermanshah, une ville majoritairement kurde dans l’ouest de l’Iran. Des manifestations y ont été organisées en novembre pour s’opposer à l’aide dérisoire du gouvernement aux victimes du tremblement de terre qui a tué 436 personnes et détruit 12 000 maisons.

Hassan Rouhani a déclaré le 31 décembre que les Iraniens étaient « complètement libres » de protester. Les manifestants ont toutefois été confrontés au gaz lacrymogène, aux canons à eau et aux arrestations de la part de la police.

À Téhéran et dans d’autres villes, certains manifestants auraient revendiqué la destitution du guide suprême Khamenei.

Les guerres de Téhéran aggravent la crise économique

Au cours des guerres en Syrie et en Irak, les forces de la Garde révolutionnaire et des milices soutenues par Téhéran ont joué un rôle clé en repoussant les tentatives du peuple syrien de renverser la dictature de Bachar al-Assad, un allié de Téhéran, et ont contribué à étendre l’influence de Téhéran dans la région.

Mais le poids régional croissant de Téhéran, qui vise à faire avancer les intérêts des dirigeants contre-révolutionnaires et des capitalistes iraniens, s’accompagne d’une détérioration des conditions de vie de millions de travailleurs au pays. Plusieurs manifestations ont été marquées par la dénonciation des interventions étrangères par les dirigeants iraniens. Certains manifestants ont scandé : « Oubliez la Syrie, pensez à nous » et « Oubliez la Palestine. »

Téhéran prétend à tort qu’il soutient les droits nationaux palestiniens et tente d’attribuer tous les maux en Iran à des complots du gouvernement d’Israël. En fait, Téhéran aide à financer le Hamas, le groupe islamiste anti-ouvrier qui dirige la bande de Gaza.

Téhéran a également accordé 4,6 milliards de dollars de crédits au régime Assad entre 2013 et 2015. Le nombre de morts parmi les forces soutenues par l’Iran qui opèrent en Syrie et en Irak a fortement augmenté après 2015 et comprend au moins 500 Iraniens.

Le 2 janvier, l’ayatollah Khamenei a accusé Washington, Tel Aviv et leurs alliés de fomenter les manifestations. Le lendemain, des manifestations pro-Khamenei se sont déroulées à Téhéran et dans d’autres villes où les participants scandaient : « Nous ne laisserons pas notre leader seul, » a rapporté Reuters.

Le major-général Mohammad Ali Jafari, commandant des Gardiens de la révolution, a annoncé qu’il déployait ces forces dans les provinces d’Ispahan, Lorestan et Hamadan, où certaines des plus grandes manifestations ont eu lieu, pour faire face à « la nouvelle sédition. »

Parallèlement, le gouvernement Rouhani a pris des mesures pour tenter de désamorcer les manifestations pour des concessions économiques en renonçant aux mesures pour augmenter les prix du carburant.