BÉCANCOUR, Québec — « Nous nous battrons pour nos droits. Dans la lutte, nous avons la possibilité de rencontrer d’autres travailleurs et de consolider notre combat, » a dit Danny Pilotte, un ouvrier de fonderie qui fait partie de plus d’un millier de travailleurs d’aluminium mis en lock-out par ABI Bécancour. Il s’adressait aux membres de la Ligue communiste sur le piquet de grève le 4 mars. L’usine est la deuxième fonderie d’aluminium en importance au pays et fait partie d’une importante industrie exportatrice.
Les travailleurs, membres de la section locale 9700 des Métallurgistes unis, sont en lock-out depuis le 11 janvier. Les patrons d’Alcoa et de Rio Tinto, les copropriétaires de l’usine, exigent des concessions à l’égard du régime de pension, de l’ancienneté et d’autres modalités. L’entreprise cherche à accentuer les divisions entre les jeunes travailleurs et les travailleurs expérimentés en ne respectant pas l’ancienneté lors de l’attribution des tâches.
Les représentants du gouvernement du Québec ont exercé des pressions sur les patrons et les travailleurs pour parvenir à un accord et rétablir la pleine production. Toutefois le 8 mars, l’entreprise a annoncé qu’elle avait retiré son offre définitive de contrat, rejetée massivement par les travailleurs à la veille du lock-out.
« L’usine a besoin de changements fondamentaux pour prospérer à long terme, » a prétendu la directrice de l’usine Nicole Coutu. Elle accuse le syndicat d’avoir employé des moyens de pression durant les négociations qui auraient entraîné « la détérioration des conditions d’opération » de l’usine. Elle a appelé les officiers syndicaux à collaborer avec l’entreprise afin d’accroître la productivité et la compétitivité.
Les menaces de Washington d’imposer des tarifs punitifs sur les importations d’aluminium du Canada ont augmenté les pressions sur les propriétaires de l’entreprise. Puis, l’administration de Donald Trump a exempté les exportateurs canadiens des tarifs pour le moment. Quelque 80 pour cent de la production d’aluminium du Canada est exportée vers les États-Unis.
Les patrons d’ABI sont parvenus à convaincre un juge complaisant de limiter à 15 le nombre de travailleurs qui sont en même temps sur la ligne de piquetage et de restreindre leur capacité de parler aux conducteurs de camions et à d’autres travailleurs qui entrent dans l’usine.
Le syndicat a fait appel à d’autres travailleurs et gagne une large solidarité. La Confédération des syndicats nationaux (CSN) de Baie-Comeau a récemment fait un don de 30 000 $. Unifor, le plus important syndicat du secteur privé au Canada, la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) et d’autres sections locales des Métallos ont également fait des contributions. Les 400 travailleurs de l’usine de fabrication d’autobus Micro Bus Bird de Drummondville se sont engagés à contribuer 1 000 $ par semaine.
« Le personnel de direction d’ABI opère l’une des trois lignes de production, » a expliqué au Militant le président de la section locale 9700, Clément Masse. « L’arrêt de deux chaînes de production coûte environ 100 millions de dollars à ABI. »
De nombreux travailleurs pensent que le lock-out vise également à faire pression sur le gouvernement du Québec afin d’obtenir des tarifs d’électricité encore plus bas pour l’entreprise. Les propriétaires de la fonderie ont déjà un avantage sur leurs concurrents des États-Unis en raison des prix de l’électricité relativement moins élevés grâce à l’abondance d’hydroélectricité ici. Les patrons d’ABI veulent faire encore mieux.
« Pour eux, la question des tarifs d’électricité justifie probablement ce lock-out, » a dit Clément Masse.
Le lock-out a un impact sur le Québec. L’industrie de fusion primaire d’aluminium au Canada emploie 10 000 travailleurs. En 2017, les dix fonderies du Canada, soit neuf au Québec et une en Colombie-Britannique, ont produit 3,2 millions de tonnes d’aluminium. Depuis janvier, le lock-out de Bécancour a réduit de 10 pour cent la production mensuelle d’aluminium au Canada.
Il s’agit de la deuxième fermeture d’ABI depuis l’ouverture de l’usine en 1986. Une grève de plusieurs mois en 2004 avait porté sur la défense de l’ancienneté, la classification des emplois, le contrôle du régime de retraite et l’opposition à la sous-traitance.
« Les patrons essaient d’abaisser les conditions de tous les travailleurs, » a déclaré Steve Montambault, technicien de laboratoire à l’usine. « En 2004, nous avons dit non à la sous-traitance. Les travailleurs les plus expérimentés nous ont soutenus quand nous sommes tous sortis. Nous ferons de même pendant ce lock-out. Nous voulons défendre les jeunes travailleurs afin qu’ils obtiennent les mêmes conditions que nous avons obtenues. »