Déterminée à mettre fin aux restrictions sévères aux droits à l’avortement, une majorité importante en Irlande a voté en faveur de l’abrogation du huitième amendement à la constitution du pays, le 25 mai. L’amendement « reconnaît le droit à la vie de l’enfant à naître » et interdit aux femmes l’accès à l’avortement.
Pendant des décennies, des milliers de femmes qui pouvaient se le permettre ont voyagé pour avoir des avortements à l’étranger, tandis que d’autres ont été forcées de choisir entre acheter illégalement des pilules d’avortement en ligne ou accoucher.
La foule qui attendait devant le château de Dublin le 26 mai a jubilé à l’annonce des résultats définitifs : 66,4 pour cent avaient voté oui. Le taux de participation a été de 64 pour cent. En fin de compte, 39 des 40 circonscriptions électorales ont voté oui par de grandes majorités. La seule exception, la circonscription de Donegal dans le nord-ouest, a voté pour maintenir l’amendement mais par un vote de seulement 52 pour cent.
Le premier ministre irlandais, Leo Varadkar, a déclaré que son gouvernement allait proposer une loi autorisant l’avortement, mais avec une limite de 12 semaines de grossesse ou 24 semaines, dans des circonstances « exceptionnelles ».
Le vote reflète des changements profonds dans l’attitude des femmes et des hommes envers la lutte pour les droits des femmes. Ces changements découlent de l’intégration des femmes dans la force de travail. Cela s’est produit en Irlande comme dans beaucoup d’autres parties du monde capitaliste.
Le nombre de femmes qui travaillent a bondi de 20 pour cent depuis 1993 en Irlande. Les restrictions sur la vente des moyens de contraception ont été abandonnées en 1993, le divorce a été légalisé en 1996, des votes en 1992 et 2002 ont modifié la loi de façon à autoriser l’avortement si une femme était considérée comme suicidaire, et le mariage gai a été légalisé par un vote de 62 pour cent en 2015.
Une campagne large
« Ce résultat est plus grand que l’Irlande. Nous savons que le monde nous regarde, au moment où il devient plus difficile ailleurs d’avoir accès à l’avortement, » a soutenu Linda Kavanagh, porte-parole de la Campagne pour les droits à l’avortement, une organisation membre de la coalition qui a dirigé les efforts pour abroger l’amendement.
Le combat s’est intensifié suite à la mort de Savita Halappanavar, une dentiste de 31 ans, le 28 octobre 2012, après que les autorités de l’hôpital de l’Université de Galway ont refusé de lui donner un avortement. Elle ressentait des douleurs extrêmes quand elle est allée à l’hôpital, alors qu’elle faisait une fausse couche. Elle a développé une septicémie et plusieurs de ses organes ont cessé de fonctionner, mais les autorités de l’hôpital ont refusé de lui sauver la vie.
En quelques semaines, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes d’Irlande. Quelque 10 000 personnes ont manifesté à Dublin, à l’occasion de sa mort, contre les restrictions onéreuses de l’avortement dans la constitution.
En septembre et en octobre 2017, des manifestations à Dublin, Belfast et Londres ont contribué à augmenter l’appui en faveur d’une modification de la loi. Plus de 30 000 personnes ont alors manifesté à Dublin.
En réponse au soutien grandissant en faveur de la campagne pour le droit à l’avortement, Varadkar a annoncé le référendum le 29 janvier. Depuis, des milliers de femmes et d’hommes ont fait campagne en tenant des tables dans les centres-villes et en faisant du porte-à-porte.
Marissa McMahon, qui travaille à Belfast, a fait le voyage avec d’autres personnes qui vivent en Irlande du Nord jusqu’en république irlandaise pour faire campagne pendant deux semaines à Drogheda du côté « Ensemble pour le oui. » « On ne savait pas vraiment à quoi s’attendre en faisant du porte-à-porte dans des milieux ruraux et ouvriers, » a-t-elle avoué au Militant dans une entrevue téléphonique le 27 mai. « Mais nous avons été bien accueillies, nous n’avons jamais reçu un « non » sans compromis, sans possibilité de discussion. Au contraire, les femmes sortaient pour nous raconter leurs histoires personnelles. »
Après l’annonce du résultat du référendum, John McGuirk, un porte-parole pour la campagne Sauvez le 8, a déclaré que son groupe continuerait de lutter contre l’accès des femmes à l’avortement « si et quand des cliniques d’avortement ouvriront en Irlande. »
« Le Nord vient ensuite »
« La pression est sur le Nord maintenant, a dit McMahon. Lorsque j’ai marché dans le centre-ville de Belfast hier soir avec mon chandail en coton ouaté « Abrogez », toutes sortes de gens m’ont accueillie, et beaucoup de jeunes hommes en particulier m’ont salué chaleureusement. »
La loi de 1967 sur l’avortement a rendu l’avortement largement accessible en Grande-Bretagne sous le Service de santé national. Mais la loi ne s’applique pas en Irlande du Nord, où les femmes qui veulent se faire avorter peuvent faire face à la prison à vie et les médecins qui les opèrent, à cinq ans de prison. Cela a pour résultat que des centaines de femmes voyagent vers la Grande-Bretagne à chaque année.
Dès que le résultat du référendum a été connu, l’Alliance Party, le Social Democratic and Labour Party et Sinn Fein ont appelé à changer la loi en Irlande du Nord, alors que le Democratic Unionist Party reste contre. En avril, le conseil de ville de Belfast a décidé de décriminaliser l’utilisation des pilules abortives.
Des centaines de personnes ont participé à une manifestation à l’hôtel de ville de Belfast le 28 mai en demandant le droit à l’avortement en Irlande du Nord. Elles scandaient : « Nos corps, nos vies, notre droit de décider. »