Conférence des travailleurs militants de 2018

Construire le mouvement syndical, construire le Parti socialiste des travailleurs

Terry Evans
et John Studer
le 9 juillet 2018

OBERLIN, Ohio – « Pénétrer plus profondément au sein de la classe ouvrière, agir à partir de la crise politique croissante des dirigeants capitalistes, construire le mouvement syndical, construire le Parti socialiste des travailleurs (SWP) » pouvait-on lire sur la grande banderole accrochée au-dessus de la tribune lors de la Conférence des travailleurs militants de 2018. Organisé par le Parti socialiste des travailleurs, l’événement annuel s’est tenu du 14 au 16 juin à Oberlin, dans l’État de l’Ohio.

« Cette année, notre banderole comporte une ligne supplémentaire : « Construire le mouvement syndical, » a dit Jack Barnes, le secrétaire national du SWP, aux près de 400 participants dans son rapport politique à la séance d’ouverture de la conférence. « Ce sera l’axe de travail des fractions syndicales du parti pour aller de l’avant. » Les membres du SWP effectueront ce travail en même temps qu’ils feront campagne chaque semaine en allant porte à porte dans les quartiers ouvriers avec le journal The Militant et des livres sur la politique ouvrière et participeront aux luttes sociales et politiques menées dans l’intérêt des travailleurs.

Cette ligne supplémentaire sur la banderole n’aurait pas sonné vraie l’an dernier, a dit Barnes, avant la vague de luttes syndicales des enseignants qui a commencé au début de 2018 et inspiré les travailleurs dans le pays, gagné un large soutien et obtenu quelques victoires. Après des décennies d’attaques contre la classe ouvrière par un patronat poussé par la crise croissante de son système capitaliste, les enseignants et d’autres travailleurs commencent à riposter. Au cours des semaines qui ont précédé la conférence, des participants des États-Unis et du Canada sont allés avec des camarades de travail et d’autres syndicalistes exprimer leur solidarité à des luttes syndicales et des actions de protestation sociale. En participant à de telles activités, le parti recrute de nouveaux membres.

Tout autour de la salle, des dizaines de panneaux colorés illustraient les luttes des enseignants en grève, ainsi que d’autres développements et questions politiques clés aux États-Unis et dans le monde — de la Corée à l’Europe et au Moyen-Orient. Les présentations montraient les expériences traversées par les membres du SWP et des Ligues communistes sœurs en faisant campagne pour promouvoir un programme et un cours d’action révolutionnaires ouvriers.

Les panneaux ont également abordé les thèmes discutés dans deux autres présentations faites par des dirigeants du SWP au cours de la conférence : « La propriété privée, l’oppression des femmes et la voie ouvrière vers l’émancipation  » par Mary-Alice Waters et « La révolution et la culture prolétarienne » par Dave Prince, ainsi que lors des cours et des discussions informelles à l’heure des repas et ailleurs.

En plus d’ateliers de discussion sur les principales présentations, il y a aussi eu des cours sur « La lutte de classe, le communisme et la question juive : de la Palestine et Israël à l’Iran » ; « La libération des Noirs et le mouvement ouvrier » ; et « L’héritage politique de la révolution et de la direction communiste à la Grenade. »

Jack Barnes a placé les nouvelles ouvertures dans le mouvement syndical aux États-Unis dans le contexte de changements importants dans la politique et la lutte de classe à l’échelle internationale. Il s’est concentré sur les développements récents dans la péninsule coréenne, les guerres en cours et les rivalités capitalistes au Moyen-Orient, les relations des dirigeants américains avec Moscou, et la désintégration qui s’accélère du G-7, de « l’Union » européenne et d’autres pactes impérialistes et institutions « mondiales » qui s’effritent.

Le présent article se concentre sur ces événements et leur signification pour les luttes des travailleurs. La semaine prochaine, en plus de poursuivre ce compte-rendu de la politique américaine et mondiale, le Militant décrira les autres présentations, discussions et perspectives pour le travail du parti abordées lors de la conférence du SWP et de la réunion qui a suivi de son Comité national.

US, hors de Corée !

Les perspectives ouvertes par le sommet de Singapour entre le président Donald Trump et le chef de l’État nord-coréen Kim Jong-un, conclu deux jours avant la conférence du SWP, sont bonnes pour la classe ouvrière, a dit Jack Barnes — non seulement aux États-Unis et en Corée, mais au Japon, en Chine, dans le Pacifique et dans le reste du monde.

Le Parti socialiste des travailleurs fait campagne depuis des décennies pour exiger que les dirigeants américains retirent leurs troupes, leurs avions et leurs bombes de Corée et mettent fin à leurs sanctions impérialistes brutales contre le peuple et le gouvernement de Corée du Nord. « Il n’y a qu’une Corée ! » explique le SWP, cherchant à éduquer les travailleurs aux États-Unis et ailleurs dans le monde sur l’occupation et la partition sanglantes de la Corée par Washington en 1945, avec la complicité de Moscou. Après la victoire de la révolution vietnamienne en 1975 et l’unification de l’Allemagne dans les années 1990, la Corée reste la dernière nation sur terre dont la population a été séparée de force lors de la division du butin à la fin de la seconde guerre mondiale impérialiste.

Le SWP appelle depuis longtemps à l’arrêt des manœuvres militaires annuelles conjointes de Washington et de la Corée du Sud, reconnues à juste titre par le président Trump lors du sommet de juin comme des « jeux de guerre » et des « provocations », suscitant des hurlements de protestation de la part des libéraux du Parti démocrate et de certains politiciens républicains. Le 22 juin, le gouvernement américain a indéfiniment suspendu ces jeux de guerre avec Séoul.

Donald Trump a également évoqué le retrait d’une partie des 28 500 soldats américains stationnés en Corée du Sud, une proposition qu’il avait initialement soulevée lors des élections de 2016, en échange de mesures par le gouvernement nord-coréen pour pour démanteler son programme de missiles nucléaires. Le SWP appelle, a dit Jack Barnes, à « une péninsule coréenne, un Japon et des espaces aériens et maritimes avoisinants sans armes nucléaires. »

Barnes a attiré l’attention sur un tableau remis à tous les participants de la conférence qui détaille les arsenaux nucléaires dans le monde, allant de Washington (quelque 6 450 têtes nucléaires) à la Corée du Nord (entre 10 et 20, selon les estimations). Selon le tableau, l’ogive la plus récente testée par la Corée du Nord est 10 à 15 fois plus puissante que la bombe américaine qui a annihilé au moins 100 000 personnes à Hiroshima en 1945 (dont au moins 20 000 Coréens ; la plupart y avaient été amenés de force pour servir de main-d’œuvre à bon marché aux dirigeants coloniaux japonais de la Corée).

Les mesures déjà prises par Washington depuis le sommet de Singapour, a expliqué Jack Barnes, « donnent de l’espace et du temps à la classe ouvrière, » tout comme le feront toutes autres mesures en ce sens. Elles ont un impact positif sur les travailleurs au Japon, qui ont une mémoire vivante des attaques nucléaires des dirigeants US contre Hiroshima et Nagasaki et s’opposent à la présence d’armes nucléaires en Asie, aussi bien en Corée que sur la flotte de sous-marins US qui sillonnent le Pacifique.

Guerre et conflit de classes au Moyen-Orient

Les dirigeants US, a dit Jack Barnes, cherchent aussi à négocier des accords au Moyen-Orient, à la fois avec des gouvernements bourgeois rivaux de la région et avec les dirigeants capitalistes montants à Moscou, qui y ont leurs propres intérêts économiques, politiques et militaires, en particulier en Syrie.

La présente administration de la Maison-Blanche, a dit Jack Barnes, a cessé d’agir à partir de la fausse prémisse que « les dirigeants US peuvent dominer le monde sans opposition parce qu’ils ont gagné la guerre froide, » un principe qui a guidé toutes les dernières administrations démocrates et républicaines. Washington conserve une supériorité militaire massive contre les autres puissances mondiales. Mais il ne peut plus imposer la volonté du capital US par des guerres sanglantes, des guerres qui ont maintenant duré plus de 17 ans, de la Syrie à l’Afghanistan. Au contraire, l’administration actuelle cherche à faire avancer les intérêts impérialistes US en prenant des pas pour mettree fin à certains des conflits de longue date et en freinant quelque peu son ardeur, du moins pour le moment.

C’est le cours suivi par Washington, par exemple, en cherchant à conclure un accord avec les gouvernements israélien et russe pour mettre fin à la guerre civile syrienne de huit ans, qui permettrait de restaurer un semblant de stabilité et de promouvoir leurs intérêts de classe distincts mais mutuels. Au cours de ce long conflit sanglant, le régime clérical bourgeois à Téhéran a progressivement déployé aux quatre coins de la Syrie ses forces armées et des milices associées — ce qui comprend au Liban l’organisation et milice Hezbolllah, créée et contrôlée politiquement par les dirigeants de l’Iran — dans le but de défendre la tyrannie de Bashar al-Assad et d’y consolider la position des dirigeants iraniens. Téhéran vise à utiliser cette position pour contrôler un vaste territoire et y exercer une influence politique et militaire lui permettant d’étendre son emprise contre-révolutionnaire à travers l’Irak, la Syrie et le Liban jusqu’à la Méditerranée et les frontières de la Turquie et de l’Arabie saoudite.

Depuis 2015, Moscou et les forces soutenues par Téhéran ont réussi à maintenir le régime d’Assad. Les groupes d’opposition armés en Syrie, dont l’État islamique, ont été repoussés, entre autres sous l’impact des efforts des forces militaires kurdes dans le nord-est de la Syrie, aidées dans les airs et au sol par Washington. En même temps, ces victoires militaires ont affaibli les liens qui unissaient les intérêts de classe temporairement convergents mais conflictuels de Moscou et Téhéran.

Au cours des derniers mois, le président russe Vladimir Poutine a rencontré le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et convenu que les dirigeants israéliens peuvent frapper les forces soutenues par Téhéran — ce qui comprend non seulement Hezbollah, mais aussi les soldats iraniens — lorsque celles-ci s’approchent trop près de la frontière israélienne ou qu’elles commencent à accumuler ou transporter de grandes quantités de missiles et autres armes. Washington, Tel-Aviv et leurs alliés au Moyen-Orient font tous pression, séparément et autant que possible ensemble, pour mettre fin à la présence militaire de Téhéran en Syrie.

Le 18 juin, des bombardements aériens du gouvernement israélien ont tué et blessé en Syrie des dizaines de membres de la milice chiite Kataeb Hezbollah soutenue par Téhéran, sans réponse de Moscou. En mai, une frappe aérienne similaire qui a directement détruit des forces iraniennes, encore une fois sans réponse militaire de Moscou, a été effectuée par le gouvernement israélien alors que Netanyahou revenait d’une rencontre avec Poutine en Russie.

En échange de son silence sur les frappes aériennes du gouvernement israélien, a dit Jack Barnes, Moscou cherche à négocier avec Washington une garantie lui permettant d’agrandir la base militaire russe situé au port libre de glace de Tartous en Syrie, essentiel à la marine de guerre de Russie, et les installations de sa base aérienne voisine. Quelques jours après la conférence du SWP, le conseiller à la sécurité nationale US John Bolton a été dépêché à Moscou pour préparer le terrain en vue d’un sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine (annoncé conjointement par les deux gouvernements au moment d’aller sous presse pour plus tard cet été).

La classe dirigeante iranienne agit contre les travailleurs d’Iran et sa politique étrangère est une extension de ce cours contre-révolutionnaire à l’intérieur du pays, a dit Barnes. Mais les dirigeants de Téhéran « ne sont ni suicidaires ni irrationnels. Ils peuvent eux aussi être contraints à chercher une nouvelle entente avec Washington, puis, si ça marche, avec Tel-Aviv. »

Washington a aussi envoyé, a dit Barnes, le beau-fils du président Trump et conseiller à la Maison-Blanche Jared Kushner en Israël, en Arabie saoudite et en Égypte à la fin juin pour y discuter des prochaines étapes pour faire avancer son plan de paix au Moyen-Orient.

Malgré les intentions des dirigeants US, ces initiatives en Corée, à Moscou et au Moyen-Orient peuvent avoir des résultats positifs pour la classe ouvrière et les autres travailleurs en ouvrant un espace politique dont ils ont grandement besoin pour s’organiser ; pour acquérir une expérience de lutte de classe contre leurs classes dominantes capitalistes respectives ; pour renforcer les liens de solidarité ouvrière par-delà les divisions nationales et religieuses fomentées par l’impérialisme ; et pour franchir des pas vers la construction d’une nouvelle direction ouvrière.

 

La semaine prochaine, le mythe du soi-disant G-7 et de l’« Union » européenne ; la « guerre commerciale » ; les libéraux US, la « résistance » et un cours ouvrier face aux attaques contre les droits des travailleurs, des femmes, des Noirs et des immigrants ; et beaucoup plus encore sur la Conférence des travailleurs militants de 2018 du SWP.