La loi sur « l’État-nation » est un revers dans la lutte pour la reconnaissance d’Israël et d’un État palestinien

Seth Galinsky
le 13 août 2018

L’adoption le 19 juillet par une Knesset fortement divisée de la loi sur « l’État-nation du peuple juif » est un revers pour les travailleurs de toutes nationalités en Israël et dans la lutte pour la reconnaissance d’Israël et pour un État palestinien indépendant. Elle a été adoptée par seulement 62 voix contre 55.

La nouvelle loi, promue par le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou, affirme que « Le droit d’exercer l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est réservé au peuple juif. » Les opposants soutiennent que cela contredit les autres lois fondamentales d’Israël, qui servent de constitution, et la Déclaration d’indépendance de 1948, qui stipule qu’Israël « assurera l’égalité complète des droits sociaux et politiques à tous ses habitants, sans distinction de religion, de race ou de sexe. »

Des centaines de milliers d’Arabes ont été chassés de leur terre au cours du processus de création d’Israël après la fin de la seconde guerre mondiale impérialiste. Israël a été créé après l’Holocauste nazi qui a tué six millions de Juifs. Les dirigeants capitalistes des États-Unis et de la Grande-Bretagne ont facilité ce massacre en refusant d’admettre sur leur sol les Juifs qui tentaient de fuir vers leurs côtes, avant et après la guerre.

Les Arabes qui sont restés à l’intérieur des frontières du nouvel État ont pu utiliser ces garanties et la Déclaration d’indépendance pour combattre la discrimination dans l’emploi, le logement et les services gouvernementaux, et pour lutter pour les droits politiques et démocratiques.

Aujourd’hui, environ 21 pour cent des quelque neuf millions d’habitants d’Israël sont des Arabes, y compris des citoyens palestiniens d’Israël, des Bédouins et des Druzes.

La nouvelle loi relègue également l’arabe, qui a été pendant 70 ans l’une des deux langues officielles d’Israël, à un « statut spécial, » tout en affirmant que cela « ne nuit pas » à son utilisation.

Elle dit que le gouvernement « encouragera et favorisera » ce qu’il appelle « le développement de colonies juives. » Ceci est considéré comme un feu vert pour interdire aux citoyens arabes et autres citoyens non juifs d’Israël d’acheter des terres ou de louer des appartements dans les villes juives.

La loi réaffirme que Jérusalem « entière et unie » constitue la capitale d’Israël.

Contrairement à l’affirmation de Nétanyahou selon laquelle la loi est nécessaire pour garantir l’existence d’Israël en tant que patrie juive, Israël a été dès le début un lieu de refuge pour les Juifs partout où ils sont confrontés aux discriminations et aux persécutions, ce qui est déjà codifié dans la loi.

Dans un éditorial du 25 juillet, le Jerusalem Post a posé la question : « Avions-nous vraiment besoin d’une loi qui énonce l’évidence, mais aussi qui érode davantage le sentiment d’appartenance des minorités d’Israël au pays ? »

La nouvelle loi « nous divise »

La loi a fait l’objet de protestations. Des milliers de citoyens juifs et arabes d’Israël ont défilé à Tel Aviv le 14 juillet sous une banderole disant : « C’est notre patrie à tous. » Les 20 organisations qui ont appelé à manifester ont publié une déclaration disant : « La loi incite, embrouille et divise les citoyens de l’État d’Israël les uns contre les autres. »

Des membres de la coalition dirigeante de Nétanyahou, y compris le ministre des Finances Moshe Kahlon, se sont opposés à la loi. Benny Begin, un membre éminent du Likoud, le parti au pouvoir de Nétanyahou, s’est abstenu.

« Nous n’avons pas de problème avec le peuple juif et nous n’avons pas de problème avec le fait que l’État d’Israël est la patrie du peuple juif, mais qu’en est-il de nous ? » a demandé Akram Hasson, un membre de la Knesset qui est druze et dont le parti Kulanu fait partie de la coalition au pouvoir. La loi brise « l’espoir d’une même ligne de départ pour mes enfants et les enfants juifs. »

Tout en écartant les autres critiques de la loi, Benjamin Nétanyahou est préoccupé par l’opposition druze. Bien qu’ils ne forment que deux pour cent de la population d’Israël, les Druzes, de langue arabe, ont été un élément important de l’armée israélienne depuis sa fondation.

De nombreux Druzes, qui croient que leur rôle dans l’armée leur donne droit à un traitement spécial, sont indignés. La loi révèle la réalité que les Druzes, tout comme les Palestiniens et les Bédouins, sont considérés comme des citoyens de deuxième classe.

« Lorsque nous portons l’uniforme, ils nous traitent bien, » a dit l’ancien combattant Hisham Asad à Haaretz. « Après avoir quitté l’armée, nous ne sommes que de sales Arabes. »

Benjamin Nétanyahou s’est réuni avec les dirigeants de la communauté druze après le vote pour entendre leurs objections et pour « réaffirmer notre partenariat spécial, » a-t-il déclaré. Mais il refuse jusqu’à présent d’envisager une modification à la loi.

Huit anciens commissaires de police israéliens et 70 commissaires adjoints à la retraite ont envoyé une lettre au ministère demandant que la loi soit modifiée afin d’inclure les Druzes. Trois anciens chefs d’état-major et des dizaines d’officiers supérieurs à la retraite de l’armée d’Israël ont signé une lettre similaire.

Le 30 juillet, des milliers de personnes se sont rassemblées pour protester contre la loi sur la place Habima à Tel-Aviv. « Personnellement, je crois qu’on ne peut avoir un État démocratique si les minorités ne sont pas traitées sur un pied d’égalité, » a affirmé à Haaretz Chai Margolis, âgé de 16 ans, qui est venu avec un groupe d’amis du centre du pays.

Le gouvernement US met de l’avant un plan de « paix »

Quelques semaines avant le vote de la Knesset, Jared Kushnet est allé en Jordanie, en Égypte, au Qatar, en Israël et en Arabie saoudite, dans l’espoir d’obtenir de ces gouvernements qu’ils fassent pression sur les autorités palestiniennes afin qu’elles prennent en considération les initiatives du président Donald Trump pour négocier la paix dans la région. Dans une entrevue du 24 juin avec le journal palestinien Al-Quds, Jared Kushner a dit que le plan de Donald Trump, qui n’a pas encore été publié, pourrait proposer que Jérusalem-Est soit la capitale de l’État palestinien.

Il a continué l’offensive diplomatique de la Maison-Blanche avec un article d’opinion qu’il a corédigé dans le Washington Post du 19 juillet et où il met l’accent sur la détresse de la bande de Gaza, qui est dirigée par le groupe réactionnaire islamiste Hamas. Les dirigeants du Hamas ont organisé des provocations à la frontière entre la Cisjordanie et Israël, qui ont mené à des représailles sanglantes de la part de Tel Aviv.

« Soixante-dix années après la création d’Israël, a écrit Jared Kushner, il serait sage que le Hamas reconnaisse que l’existence d’Israël est une réalité permanente. »

La Maison-Blanche a également envoyé un message au président de l’autorité palestinienne de la Cisjordanie Mahmoud Abbas. « Ne laissez pas votre direction rejeter un plan qu’elle n’a même pas encore vu, » a-t-il dit à Al-QudsJared Kushner a déclaré que si une entente est conclue entre les dirigeants israéliens et palestiniens, la porte serait ouverte aux investissements à grande échelle « publics et privés » qui bénéficieraient aux résidents des territoires palestiniens.