Le projet de Donald Trump de réduire les troupes en Syrie et Afghanistan suscite un débat

Terry Evans
le 14 janvier 2019

Le 19 décembre, le président Donald Trump a annoncé son intention de retirer les troupes US de la Syrie et de réduire de moitié les forces de Washington en Afghanistan. Cette décision a poussé certains membres de son gouvernement et les libéraux pro-guerre, autant démocrates que républicains, à demander le maintien des troupes.

Au cours de l’élection présidentielle, Donald Trump a fait campagne en promettant de retirer les troupes US de ces « guerres sans fin. » Il a texté le 31 décembre : « Je fais juste ce que j’ai dit que j’allais faire. »

Une telle décision ne signifie pas que les dirigeants US ont l’intention de renoncer à la défense de leur position au Moyen-Orient et en Asie du Sud. Ils ont une série de bases ; quelque 50 000 hommes ; un dispositif massif de missiles, des bombes et de l’artillerie ; des centaines d’avions de guerre, et la cinquième flotte tous déployés là-bas.

Le 31 décembre, Donald Trump a indiqué à Fox News que Washington resterait pleinement engagé en Syrie et dans la région. « Nous avons d’autres bases dans la région, a-t-il souligné. En particulier, nous en avons une en Irak. »

L’intervention des dirigeants US en Syrie fait suite à deux guerres en Irak et à leurs 17 ans de guerre en Afghanistan. Dans chaque conflit, ils ont agi en se berçant de l’illusion qu’ils avaient gagné la guerre froide et qu’ils pouvaient ainsi imposer des gouvernements serviles quand ils le voulaient. Mais les guerres de Washington en Irak ont favorisé l’effondrement de l’ordre imposé par les impérialistes au Moyen-Orient. Les dirigeants US n’ont pas non plus réussi à vaincre les Talibans et à étendre le pouvoir du gouvernement afghan à l’ensemble du pays.

Ce sont les travailleurs qui subissent le plus lourdement les conséquences dévastatrices de la guerre civile syrienne, tout comme les effets des efforts des dirigeants iraniens pour accroître leur influence contre-révolutionnaire en envoyant leurs forces militaires et leurs milices supplétives dans les conflits en Syrie, en Irak et au Yémen.

Le Parti socialiste des travailleurs réclame depuis longtemps le retrait immédiat de toutes les forces US d’Afghanistan, de Syrie et d’autres régions du Moyen-Orient. Dans une déclaration intitulée « Solidarité avec les travailleurs de Syrie, » publiée dans le Militant en 2016, Alyson Kennedy, candidate à la présidence du parti, a affirmé : « Les travailleurs syriens ont besoin d’espace pour se mobiliser en action politique, apprendre dans la lutte, se transformer, de victimes en acteurs conscients de l’histoire. Toutes les forces impérialistes et capitalistes qui interviennent en Syrie aujourd’hui constituent des obstacles à ce cours. Nous nous opposons à l’implication des dirigeants américains dans la guerre en Syrie et en Irak et nous demandons à Washington, ses alliés et les autres pays, de Londres et Paris à Moscou, Ankara et Téhéran, de retirer immédiatement leurs avions de guerre, navires et troupes. »

Le rôle des dirigeants US dans la guerre en Syrie

Washington s’est appuyé sur les Unités de protection du peuple kurde (YPG) pour mener le combat sur le terrain afin de chasser l’État islamique de ses bastions syriens. Les dirigeants US ne voulaient pas payer le prix politique des morts et des blessés en déployant ses propres forces terrestres. À la place, ils ont fourni des armes et une couverture aérienne aux YPG et ont stationné leur petit déploiement de troupes dans des zones de l’est de la Syrie contrôlées par les YPG. Les Kurdes sont un peuple opprimé qui s’est battu pour ses droits nationaux contre les dirigeants d’Iran, d’Irak, de Turquie et de Syrie.

Pendant la guerre civile syrienne, les YPG ont créé une zone autonome kurde que le gouvernement syrien a promis de reprendre. Leur territoire se trouve à la frontière de la région à majorité kurde de la Turquie.

Ankara menace de faire la guerre aux Kurdes

Avec l’annonce du retrait de Trump, les YPG ont craint qu’elles seraient la cible d’attaques des dirigeants capitalistes de la Turquie. Le gouvernement du président turc Recep Tayyip Erdogan a rassemblé des troupes et des chars d’assaut à la frontière et a promis d’envahir la région et de détruire les YPG, craignant que leurs gains n’encouragent les Kurdes en Turquie à accroître leurs efforts pour y gagner l’autonomie.

Dans la foulée de l’annonce de l’administration Trump de la décision de se retirer, le gouvernement turc a dit qu’il allait suspendre sa menace d’attaquer les YPG. Près de 300 soldats du gouvernement syrien ont été déployés aux portes de Manbij vers la fin décembre, alors que les YPG ont appelé le gouvernement syrien à défendre la ville contre la menace d’assaut d’Ankara. Pour le moment, les avions et hélicoptères de combat de la coalition dirigée par les États-Unis continuent de survoler la région et le conseil militaire de Manbij, dirigé par les YPG, contrôle la ville.

L’administration américaine presse le régime turc de retirer ses menaces d’invasion et de prendre une plus grande responsabilité pour assurer la « stabilité » de la Syrie. Lorsque Trump a dit à Erdogan au téléphone qu’il comptait se retirer, il a dit, selon le Washington Post : « C’est à vous. »

Les 2000 soldats dont le retrait de Syrie a été annoncé par Washington ne sont pas nécessaires pour l’effort du gouvernement américain contre les dirigeants iraniens et leur influence militaire croissante. Le 1er janvier, Trump a envoyé son secrétaire d’État, Mike Pompeo, pour rencontrer le président israélien Benjamin Netanyahou dans le but de planifier une plus grande collaboration dans la région.

« La campagne contre l’État islamique continue, nos efforts pour contrer l’agression iranienne continuent et notre engagement pour la stabilité du Moyen-Orient et la protection d’Israël continue de la même manière, » a promis Pompeo à Netanyahou.

Quelques jours après l’annonce du retrait des troupes, le 25 décembre, les dirigeants israéliens ont bombardé un entrepôt d’armes contrôlé par la garde révolutionnaire iranienne près de Damas, la capitale syrienne.

Et les dirigeants américains réussissent à forcer leurs rivaux capitalistes à suivre leurs sanctions croissantes contre l’Iran, qui ont grandement affecté les exportations pétrolières du pays. La hausse subséquente des prix des produits de base a frappé de plein fouet les travailleurs.

Au sein de sa propre administration, des voix s’élèvent, parmi ceux qui sont en désaccord avec son cours général, contre l’annonce du retrait par le président. Le secrétaire de la Défense James Mattis a démissionné.

Le sénateur républicain Lindsey Graham a aussi dénoncé ce projet en affirmant que c’est un « gros cadeau » à Téhéran et aux dirigeants iraniens qui tentent d’étendre leur influence.

Trump a apaisé certains de ces détracteurs en affirmant que le retrait des États-Unis se ferait « lentement », qu’il prendrait au moins quatre mois, pour assurer que ce soit fait de manière « calme et ordonnée. » Après avoir rencontré Trump le 30 décembre, Lindsay Graham a retiré ses critiques.

Autant l’administration que ses adversaires qui demandent plus d’intervention militaire directe défendent les intérêts prédateurs des dirigeants capitalistes américains.