Un forum à New York discute de la crise politique au Venezuela et revendique : États-Unis, bas-les-pattes !

Seth Galinsky
le 25 février 2019

NEW YORK — « Il y a une crise profonde au Venezuela aujourd’hui. En partant du président Donald Trump jusqu’au Congrès des partis Démocrate et Républicain, Washington tente de tirer parti de cette situation pour renverser le gouvernement d’une nation souveraine, » a soutenu le dirigeant du Parti socialiste des travailleurs, Paul Mailhot, lors d’un Forum ouvrier du Militant  le 9 février. Le forum s’intitulait « Crise au Venezuela : quelle voie en avant pour les travailleurs ? »

« Rien de bon pour les travailleurs ne peut ressortir de ce que le gouvernement US fait au Venezuela. Nous devons dénoncer l’intervention de Washington, » a expliqué Paul Mailhot.

Mais les enjeux vont bien au-delà de l’ingérence US, a-t-il précisé. L’impérialisme US n’a pu progresser que grâce au gouvernement dirigé par Nicolás Maduro et par Hugo Chávez avant lui. Ce gouvernement a miné la confiance en soi, la conscience politique et la combativité des travailleurs, dont les luttes remontent à plusieurs dizaines d’années.

Au Venezuela, l’industrie pétrolière dominée par les États-Unis a été nationalisée en 1976 sous le gouvernement de Carlos Andrés Pérez, a expliqué Paul Mailhot. C’était un sous-produit d’une montée du mouvement ouvrier. En février 1989, une rébellion provoquée par une tentative des dirigeants capitalistes d’augmenter le prix du carburant jusqu’à 80 pour cent a été noyée dans le sang par le gouvernement social-démocrate de Carlos Andrés Pérez. 

En 1992, Hugo Chávez, à l’époque un lieutenant-colonel, a été emprisonné pour avoir tenté de renverser le gouvernement Pérez. Au milieu d’un soulèvement populaire en 1998, Hugo Chávez a été élu président. Quelque 700 000 partisans ont assisté à son dernier rassemblement électoral.

Tenter de faire en sorte que le capitalisme serve le peuple

Paul Mailhot a rappelé que Washington avait d’abord tenté de travailler avec Hugo Chávez et de le transformer en défenseur fiable de ses intérêts. Lorsque celui-ci s’est rendu à New York en 1999, des responsables US ont donné un marteau à Hugo Chávez pour qu’il signale la fin de la session à la Bourse de New York.

Pour faire face aux pressions exercées par le mouvement de masse des travailleurs et des agriculteurs au Venezuela, Hugo Chávez ne s’est pas avéré le dirigeant accommodant que la classe dominante US espérait. Il s’est présenté comme un dirigeant fort, au-dessus des classes sociales rivales, qui pouvait utiliser son pouvoir pour « servir le peuple. » Son parcours différait de celui du Mouvement du 26 juillet à Cuba sous la direction de Fidel Castro lors de sa révolution de 1959 :la transformation révolutionnaire des relations sociales par la mobilisation des travailleurs dans leurs propres intérêts de classe.

Paul Mailhot a évoqué une interview de Hugo Chávez en 2009, où on lui a demandé quelle différence il y entre la révolution cubaine et ses perspectives pour le Venezuela. « Fidel est communiste. Je ne le suis pas, a répondu Chávez. Fidel est un marxiste-léniniste. Je ne le suis pas. » Chávez a utilisé les revenus tirés des vastes dépôts de pétrole du Venezuela pour financer des programmes d’aide sociale. Chávez, puis son successeur Maduro, ont utilisé le gouvernement pour tenter de règlementer et gérer le capitalisme, plutôt que de mobiliser et diriger les travailleurs pour renverser les relations capitalistes et prendre leur avenir en main. Chávez a toutefois commis le crime ultime aux yeux de Washington de développer des liens de solidarité profonds avec Cuba révolutionnaire. Lors d’une campagne d’alphabétisation en 2003, il s’est tourné vers le gouvernement révolutionnaire cubain. Cuba a envoyé des dizaines de milliers de médecins pour aider à dispenser des soins dans les zones rurales populaires et reculées. Sous les gouvernements Chávez et Maduro, le Venezuela a envoyé à Cuba du pétrole dont elle avait tant besoin.

Les travailleurs du Venezuela cherchaient à faire progresser leurs luttes. À la Foire internationale du livre au Venezuela, en novembre 2007, Mary-Alice Waters, dirigeante du Parti socialiste des travailleurs et présidente des éditions Pathfinder, a été invitée à ouvrir une table ronde sur le thème : « Les États-Unis : une révolution possible, » qui était aussi le thème de la Foire. Un débat houleux s’est poursuivi pendant cinq jours. (Le compte-rendu de cette discussion est reproduit dans Une révolution socialiste est-elle possible aux États-Unis ? ) 

Mary-Alice Waters a expliqué que pour les travailleurs et les agriculteurs du Venezuela, le défi central était de renverser le régime capitaliste. Elle a dit que c’était « un fait indiscutable que ce qui sera l’équivalent au Venezuela de l’insurrection de masse des travailleurs à Cuba, qui a culminé le 1er janvier 1959, soit le triomphe de la révolution, se trouve devant nous, pas derrière. » Lorsque les prix du pétrole étaient élevés, certaines des contradictions sociales étaient masquées, mais cette orientation de Chávez et Maduro a inévitablement entrainé une aggravation de la crise économique et politique.

De nos jours, de nombreux travailleurs trouvent que leurs conditions de vie sont dévorantes et démoralisantes. Ils passent des heures à faire la queue pour trouver de la nourriture et d’autres produits de première nécessité, dont une inflation massive fait exploser les prix. La faim est généralisée. Les médicaments sont rares. Le crime est monnaie courante. Des millions de personnes ont fui le pays.

Dans ces circonstances, les rassemblements appelés par le président de l’opposition Juan Guaidó, ont attiré de grandes foules, plus importantes que ceux appelés à soutenir Maduro. Et ils ont attiré une participation des quartiers ouvriers. La situation actuelle au Venezuela est dangereuse pour les travailleurs et pour Cuba, la cible ultime de Washington. Cuba a maintenu sa solidarité altruiste avec le peuple vénézuélien, a poursuivi Paul Mailhot. Des dizaines de milliers d’internationalistes cubains sont toujours au Venezuela. Cuba prend la défense de la souveraineté du peuple vénézuélien contre les ingérences étrangères. 

Le gouvernement américain et Guaidó, celui que Washington a choisi pour remplacer Maduro, diffament et blâment Cuba pour toutes les violences au Venezuela. « Nous avons la responsabilité de nous exprimer et de répondre à ces mensonges, a maintenu Paul Mailhot. En même temps, au Venezuela aujourd’hui, il faut tirer des leçons de la révolution cubaine et prendre des mesures pour faire progresser l’organisation indépendante, la conscience de classe, la confiance en soi et la discipline des travailleurs. La révolution cubaine montre ce que les travailleurs sont capables de faire lorsqu’ils construisent un parti et une direction révolutionnaires dans le feu de la lutte. »