Les barons du rail coupent dans la formation et la sécurité pour augmenter les profits

Roy Landersen
le 22 avril 2019

Les patrons du transport des marchandises par rail en Amérique du Nord coupent dans la durée et la qualité de la formation, réduisent la taille des équipages et font rouler des trains beaucoup plus longs pour économiser et augmenter leurs profits sans égard aux risques pour la sécurité des travailleurs du rail et des communautés avoisinantes.

La Conférence ferroviaire des Teamsters du Canada, le syndicat qui organise les travailleurs du rail du pays, affirme que la formation des nouveaux conducteurs a été coupée de moitié à trois mois, sans faire l’expérience d’opérer dans des conditions hivernales. Le syndicat a demandé à Transports Canada, l’agence gouvernementale responsable de la réglementation dans le rail, d’intervenir. Mais l’agence, qui agit normalement comme complice des patrons du rail, a dit que la formation réduite « ne pose aucun problème de sécurité. »

Un article de CBC publié en mars 2017 et massivement diffusé aujourd’hui révèle à quel point le Chemin de fer Canadien Pacifique impose une formation gravement amputée. L’article a reçu un intérêt renouvelé quand d’autres patrons du rail ont suivi.

L’article en anglais qui porte le titre : « « Ils ont peur » : Des travailleurs du CP affirment que les conducteurs novices sont mal préparés pour un travail dangereux, » décrit un quasi-désastre ayant impliqué un train du Canadien Pacifique de plus de 27 000 tonnes et de deux kilomètre et demi de long qui a dévalé une pente en Colombie Britannique.

Le nouveau conducteur ne s’était pas assuré d’avoir suffisamment de pression dans les freins pour cette descente raide. Le chef de train, qui lui avait plusieurs années d’expérience, a neutralisé les commandes et appliqué les freins d’urgence juste à temps.

En 2013, le Canadien Pacifique a commencé à exiger que ses travailleurs de bureau et ses gérants se forment et se qualifient pour être des conducteurs et chefs de train. La compagnie déclare qu’elle a besoin d’eux en cas d’urgences, de manque de main d’œuvre … et de grèves.

Contrairement aux conducteurs syndiqués, qui doivent d’abord travailler pendant deux ans comme conducteurs, les travailleurs de bureaux et les gérants passent directement à l’instruction en classe suivie de deux à quatre semaines de pratique sur des simulateurs avant de faire des essais supervisés sur de vrais trains. Les patrons du Canadien Pacifique appellent cela cyniquement une formation « à la pointe de la technologie. »

« Les simulateurs ne peuvent pas se comparer à des années de formation pratique et d’expérience de travail, » a expliqué au Militant Jack Krueger, qui est âgé de 63 ans et est membre de la Fraternité des conducteurs et des chefs de trains. Krueger a été un conducteur de trains de marchandises et de passagers pendant près de 40 ans dans la région de Lincoln au Nebraska. Au cours des deux dernières années, « presque tous les chemins de fer en Amérique du Nord ont commencé à former les conducteurs principalement par simulateurs, » a-t-il déploré.

Les conducteurs de train doivent être conscients du poids et de la vitesse du train, de l’inclinaison de la voie, des conditions météorologiques et d’autres facteurs. Selon les conditions, le freinage peut prendre un kilomètre et demi. Les conducteurs doivent connaître leur territoire, a dit Jack Krueger. Sinon, vous risquez de vous engager dans une courbe trop rapidement, de passer un signal rouge auquel vous ne vous attendiez pas et faire d’autres erreurs pouvant faire dérailler le train, ou pire.

« Il faut de deux à trois ans d’expérience pour travailler en toute sécurité et avec confiance » dans de grandes cours de triage, comme au terminal de Lincoln, « où il y a une demi-douzaine de lignes de chemin de fer avec des trains en mouvement qui entrent et qui sortent, » a dit au Militant Lance Anton, un chef de train et membre du syndicat ferroviaire SMART à Lincoln.

Les actions des patrons compromettent la sécurité

« Une révolution dans les chemins de fer bousculera comment l’Amérique déplace son matériel, » titrait un article paru dans le Wall Street Journal du 3 avril qui décrit comment les patrons du rail utilisent ce qu’on appelle « le transport ferroviaire à horaire précis. » Les compagnies Canadien Pacifique, Canadien National, CSX, Union Pacific et d’autres grandes entreprises ferroviaires ont adopté ce système. Elles veulent transporter plus de marchandises avec moins de trains et de travailleurs, en offrant aux entreprises un service de cueillette ou de livraison plus rapide et en réduisant le temps d’arrêt du matériel dans les cours de triage.

Ceci entraîne une intensification du travail des cheminots dans les cours de triage où ils doivent changer plus rapidement l’aiguillage et les locomotives pour les trains qui entrent et qui sortent. Et ces travaux se font de plus en plus par une équipe d’une seule personne qui utilise une télécommande pour faire fonctionner les trains. Les actions boursières des compagnies de chemin de fer ont augmenté de dizaines de milliards de dollars au cours des six derniers mois « alors que les investisseurs anticipent des coûts plus bas et des profits plus élevés, » a souligné le Journal.

Les patrons de Norfolk Southern espèrent utiliser le nouveau système pour supprimer 3 000 employés sur un effectif de 26 000 personnes et éliminer 500 de 4 100 locomotives.

Même avant cette utilisation « d’horaire précis, » les patrons des chemins de fer avaient déjà éliminé des emplois ferroviaires et apporté des modifications importantes aux horaires de travail, qui augmentent dangereusement la fatigue. Un plus grand nombre de conducteurs et de chefs de train sont désormais choisis au sein de « pools » et doivent faire circuler des trains sur un plus grand nombre de parcours sans préavis.

C’est uniquement avec la solidarité que les cheminots et d’autres travailleurs trouveront le moyen de lutter contre les manœuvres des patrons et s’organiseront pour utiliser le pouvoir syndical afin d’imposer le contrôle des travailleurs sur la formation, la taille de l’équipage, les horaires et les conditions de travail.

Joe Swanson, de Lincoln au Nebraska, a contribué à cet article.