LONDRES — Il y a maintenant plus de trois ans, des millions de travailleurs ont aidé à former la majorité qui a voté pour que le Royaume-Uni sorte de l’Union européenne. Mais une alliance de partis capitalistes tente de continuer à empêcher que cela ne se produise.
Des membres de différents partis ont mis sur pied une coalition qui s’oppose au gouvernement conservateur du premier ministre Boris Johnson et qui a adopté une loi qui imposera une autre prolongation du Brexit au-delà de son échéance actuelle du 31 octobre. Le but de cette législation est d’obtenir un « Brexit qui n’aura de Brexit que le nom » et qui sera en fait un accord avec Bruxelles pour maintenir les relations du Royaume-Uni avec le bloc commercial. Cela permettrait de gagner du temps dans l’espoir d’obtenir, lors d’un second référendum, un résultat différent de celui de 2016.
Le gouvernement Johnson a demandé une prolongation de cinq jours d’une suspension temporaire de routine du Parlement afin d’étouffer l’opposition. Le bloc anti-Johnson a mobilisé des milliers de personnes dans les rues, principalement des membres de la classe moyenne qui s’opposent à la sortie de l’UE et qui qualifient le geste de Johnson de « coup d’État. » Les opposants au gouvernement ont également contesté la suspension du Parlement devant des tribunaux en Angleterre, en Écosse et en Irlande du Nord.
L’opposition au gouvernement Johnson prépare également un vote de censure au Parlement.
Boris Johnson a promis que le Royaume-Uni se séparerait de l’UE le 31 octobre « que ça passe ou que ça casse. » Il a expulsé 21 députés conservateurs pour s’être opposés à ses projets. Il a ainsi renforcé son contrôle sur le parti. Son gouvernement a également perdu sa majorité au Parlement, ce qui rend plus probable une élection générale. Mais les syndicats et les autres partis d’opposition, qui craignent que Johnson obtienne une majorité claire, manœuvrent pour reporter toute nouvelle élection.
« Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour empêcher une sortie catastrophique de l’ÉU sans accord, » a déclaré le chef du Parti travailliste Jeremy Corbyn, qui collabore en ce sens avec d’anciens dirigeants du Parti conservateur, dont l’ancien chancelier Philip Hammond, ainsi qu’avec les Partis libéraux démocrates, national écossais et vert. Le Parti communiste de Grande Bretagne et le Parti socialiste des travailleurs britannique, un parti centriste, appuient également Jeremy Corbyn. Ils disent agir pour défendre « notre démocratie. »
« Leur objectif est d’empêcher le Royaume-Uni de quitter l’Union européenne, » a dit Caroline Bellamy en annonçant sa campagne comme candidate au Parlement pour la Ligue communiste à Manchester. « Ils veulent bloquer le vote de millions de personnes, dont des travailleurs, lors du référendum de 2016. En ce qui concerne « notre » démocratie, il n’y a pas de « nous » qui unit les travailleurs et les riches dirigeants. »
« Sortir le Royaume-Uni de l’UE mettrait les travailleurs en meilleure position pour se battre pour leurs intérêts de classe contre leur principal ennemi, les dirigeants capitalistes de leur propre pays, » a poursuivi Caroline Bellamy.
Préoccupé par ce qu’il voit fermenter parmi les travailleurs, qui ont été frappés par des années de durs coups contre leurs conditions de vie, par les emplois précaires et plus généralement par la crise sociale capitaliste au Royaume-Uni, Boris Johnson affirme que son gouvernement mènera à terme le référendum de 2016 et mettra fin aux programmes d’austérité imposés par les gouvernements précédents. Il a également commencé une série de nouvelles dépenses gouvernementales le 4 septembre.
En fait, Boris Johnson veut conclure un accord avec Bruxelles. Il s’est entretenu à ce sujet avec la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron. La majeure partie de son cabinet a voté pour rester dans l’Union européenne et s’est ralliée à Johnson pour appuyer l’accord négocié par son prédécesseur, la première ministre Theresa May, accord qui a été rejeté par le Parlement.
Cet accord comprendrait une « période de transition » qui maintiendrait le Royaume-Uni dans le marché unique et l’union douanière de l’Union européenne pour au moins deux années supplémentaires. Les négociations avec les 27 États membres de l’UE sur un accord à plus long terme se poursuivraient.
Johnson ne propose qu’un changement à l’accord de Theresa May : supprimer ce qu’on appelle le « filet de sécurité irlandais. » Cela donnerait à Bruxelles le pouvoir de décider ce que deviendrait la frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord dans le cas où la « période de transition » arrivait à sa fin. « La frontière entre le Nord et le Sud de l’Irlande, imposée par Londres, est une question qu’il appartient aux Irlandais de résoudre, » a expliqué Caroline Bellamy, candidate de la Ligue communiste. « La Grande-Bretagne devrait sortir de l’Irlande, tout comme le Royaume-Uni devrait sortir de l’UE — maintenant ! »
Les règles de l’Union européenne ont été rédigées de manière à ce qu’il soit aussi difficile que possible pour tout pays membre de sortir de ce bloc commercial protectionniste. Et les dirigeants capitalistes rivaux de Berlin et de Paris qui dominent l’UE veulent faire de Londres un exemple, pour dissuader tout autre gouvernement d’essayer de partir. De la même manière, ils ont puni les dirigeants capitalistes, ainsi que les travailleurs et les agriculteurs en Grèce et en Italie lorsqu’ils ont protesté contre les mesures d’austérité imposées par l’UE.
L’Union européenne se déchire à vue d’œil sous la pression de conflits croissants entre les puissances rivales qui la composent. L’utopie d’un « super-État européen » se révèle être le fantasme qu’elle a toujours été.
Ce qui est en jeu dans les conflits entre les Partis conservateur, travailliste et les autres partis capitalistes au Royaume-Uni, c’est comment consolider la place des dirigeants britanniques dans le monde face à leur déclin relatif vis-à-vis de leurs rivaux, alors que le désordre capitaliste mondial s’approfondit.
Lors de la récente réunion du G-7 à Biarritz, en France, Boris Johnson a rencontré le président américain Donald Trump, qui soutient sa position sur le Brexit. Trump a proposé un « très grand » accord commercial entre les gouvernements des États-Unis et du Royaume-Uni, pour remplacer les relations spéciales des dirigeants du Royaume-Uni avec l’UE.
Ce que les dirigeants américains offrent, c’est un bloc contre leurs rivaux, depuis leurs concurrents européens jusqu’à la Chine, la Russie et l’Iran.
« De nombreux travailleurs espèrent que la « crise du Brexit » prendra bientôt fin, » a soutenu Caroline Bellamy. Elle a souligné les attaques des patrons contre les travailleurs et les agriculteurs depuis des années et a expliqué : « Les travailleurs ne devraient pas se tourner vers les dirigeants capitalistes, leur gouvernement et leurs partis politiques. La classe ouvrière a besoin de poursuivre son propre cours politique indépendant, un cours qui vise à forger l’unité de la classe ouvrière dans la lutte contre les patrons, à promouvoir la solidarité et à surmonter les divisions que les dirigeants sèment parmi nous. C’est un cours pour élever la conscience de classe et la confiance en soi de la classe ouvrière. Un cours capable de faire avancer la construction d’un mouvement de lutte pour un gouvernement des travailleurs et des agriculteurs. »