Le collège Oberlin porte en appel la victoire juridique d’une boulangerie dans la campagne de diffamation organisée par le collège

Roy Landersen
le 4 novembre 2019

L’administration du collège Oberlin intensifie sa campagne pour annuler une victoire pour les travailleurs contre des privilèges de classe et du race-baiting calomnieux. Le conseil d’administration a annoncé le 8 octobre qu’il en appellerait du verdict du jury qui a débouché sur un jugement pour diffamation accordant plusieurs millions de dollars à la famille Gibson et à sa boulangerie contre les efforts du collège pour les accuser de racisme et les pousser à la faillite.

Le collège a engagé une nouvelle équipe d’avocats renommés de Washington, DC, pour se joindre à trois autres cabinets coûteux retenus par le collège afin d’essayer de faire annuler le verdict en transformant les victimes de ses calomnies en criminels.

Dans un communiqué de presse annonçant l’appel, le nouvel avocat, Lee Levine, a tenté de reformuler la cause comme si elle créait « un précédent qui met en danger la liberté d’expression sur les campus. » Cette version des faits, qui est venue après le procès, cherche à dépeindre le collège comme une victime, en affirmant que celui-ci essayait seulement de faciliter l’exercice des droits constitutionnels des étudiants. Mais c’est simplement faux. Il n’y avait aucune mention d’opinions d’étudiants dans la poursuite intentée par la famille Gibson ni, d’ailleurs, par le collège pour sa propre défense.

Ce qui est en jeu, c’est la façon de procéder calomnieuse et auto-suffisante des responsables de l’administration, qui diffament une petite entreprise en la traitant de raciste, annulent son contrat avec le collège et encouragent un boycott pour la mettre à genoux.

Le verdict unanime du jury a reflété l’opinion des travailleurs de la région, qui considèrent le collège comme une institution méritocratique habituée à dicter ses règles.

L’appel du collège et son grand nombre d’avocats montrent que le collège envisage une bataille longue, traumatisante et coûteuse, dans le seul but de forcer les Gibson à fermer boutique s’ils ne renoncent pas à leur victoire légale.

Dans le but évident d’affaiblir le soutien des travailleurs locaux aux Gibson, le collège a publié un fascicule de 24 pages sur papier glacé intitulé « Notre communauté, » qui rappelle à tous qu’Oberlin est une ville de compagnie « économiquement liée » au collège. Les administrateurs du collège expliquent qu’ils dépensent 143 millions de dollars par an dans l’économie locale et que les résidents de la région devraient reconnaître — et s’incliner devant — leurs largesses. Ils proclament également leur service à la communauté et les bonnes références écologiques du collège.

Reconnus coupables

Le 7 juin, un jury du comté de Lorain a déclaré la direction du collège et sa doyenne des étudiants et vice-présidente, Meredith Raimondo, coupables d’une campagne diffamatoire et destructrice contre l’entreprise familiale vieille de 134 ans. Le jury a alloué des dommages et intérêts de 44 millions de dollars à leur encontre.

Citant la loi de l’État de l’Ohio, qui limite de manière inconstitutionnelle les dommages-intérêts punitifs, le juge John Miraldi a ramené le jugement à 25 millions de dollars. Il a également alloué 6,5 millions de dollars en frais juridiques. Les avocats de la famille Gibson ont indiqué que, dans le cas d’un appel, ils augmenteraient les enjeux pour le collège en cherchant à faire annuler le plafond des amendes punitives permises par l’Ohio et à rétablir le verdict dans son intégralité, ainsi que des frais supplémentaires avec intérêts. Des contestations similaires ont récemment été couronnées de succès dans 13 autres États.

Le journal étudiant l’Oberlin Review, qui a consciencieusement repris la ligne de l’administration du collège contre les Gibson, a exprimé une certaine inquiétude face à l’attitude moralisatrice et méprisante du collège lorsque celui-ci a organisé une célébration de feux d’artifice pour exprimer son autosatisfaction lors de la journée des anciens étudiants le 5 octobre. Cela signalait « une discordance plus grande pour une institution actuellement aux prises avec […] un problème de stabilité financière, » a écrit l’Oberlin Review  dans son éditorial du 11 octobre, et avec la question de « comment traiter les membres de la communauté avec équité et respect. »

Crise financière du collège Oberlin

Le collège Oberlin admet avoir été durement touché par la crise du capitalisme ces dernières années. Selon un rapport tape-à-l’œil de 44 pages intitulé « One Oberlin, » publié par l’administration le 10 mai, « des déficits structurels dans ses budgets de fonctionnement » réduisent de huit pour cent par année sa fondation d’un milliard de dollars.

Le collège se plaint que les salaires et les avantages gagnés par ses employés, membres des Travailleurs unis de l’automobile, sont « 34 pour cent plus élevés que la moyenne » de ses concurrents régionaux. D’après le rapport, « le collège Oberlin devra réduire ses coûts de personnel d’au moins quatre millions de dollars » d’ici 2024.

Le rapport confirme que, comme le font tous les employeurs capitalistes, ils ont choisi des « leviers » de réduction des coûts, notamment la suppression d’emplois, la sous-traitance, l’accélération des cadences et une réduction des salaires. Ils déclarent que cela nécessitera « une culture de courage administratif. »

Et ils disent qu’ils éliminent 100 étudiants du célèbre conservatoire de musique du collège afin d’ajouter 100 autres étudiants à sa division des arts libéraux, qui implique des frais plus élevés pour ceux qui y étudient.

L’affaire pour diffamation découle d’un incident survenu en novembre 2016 lorsqu’un étudiant américain africain a tenté d’utiliser une fausse pièce d’identité pour acheter du vin à la boulangerie. Il a ensuite essayé de le voler. Lorsque le fils du propriétaire du magasin est allé l’arrêter à l’extérieur, l’étudiant et deux amis l’ont renversé. Les étudiants ont été arrêtés et tous ont plaidé coupable pour des accusations de délit et ont admis devant le tribunal qu’aucun racisme n’était en cause.

Le jury a constaté que les responsables du collège, dirigés par Meredith Raimondo, avaient par la suite orchestré, aidé à organiser et participé à deux journées de manifestations étudiantes à l’extérieur du magasin. L’administration a été à l’origine de la calomnie, sans la moindre preuve, selon laquelle les propriétaires de la boulangerie avaient une longue histoire de racisme. Ils ont annulé les commandes régulières de produits de la boulangerie dans le cadre d’une campagne de boycott du magasin.

Lorsqu’un membre du corps professoral a mis en cause leurs actions en déclarant que personne en ville ne soutenait leurs accusations de racisme, Meredith Raimondo a répondu : « Qu’il aille c…r ! Je dirais qu’on devrait déchaîner les étudiants si je n’étais pas convaincue qu’il faut tourner la page. »

Les responsables de l’école ont soutenu que le procès devait être déplacé hors de la région, affirmant qu’ils « ne pouvaient pas bénéficier (et n’ont pas bénéficié) d’un procès équitable dans le comté de Lorain. » Mais le fait est que c’est la solidarité ouvrière, et non les « préjugés », qui a créé un appui généralisé là-bas et aidé à soutenir les Gibson dans leur combat.

« Des institutions comme le collège Oberlin ne devraient pas être autorisées à intimider autrui tout en se cachant derrière le prétendu bouclier de la liberté d’expression, » a déclaré à la presse le principal avocat des Gibson et de leur magasin, Lee Plakas, après l’appel interjeté par l’université. « La loi sur la diffamation ne prévoit aucune exemption. »

Et c’est la raison pour laquelle les travailleurs qui ont une conscience de classe soutiennent le verdict et les dommages-intérêts comme un coup politique contre un tel mépris de classe autoritaire et contre le race-baiting.