La « grève pour la sécurité » au CN se gagne beaucoup d’appuis

Le syndicat des Teamsters a annoncé une entente de principe

John Steele
le 9 décembre 2019
Piquet de grève des cheminots au siège social du CN à Montréal, le 26 novembre, peu avant l’annonce de l’accord de principe. La lutte pour la sécurité des travailleurs et des communautés environnantes était au centre de la grève.
Militant/John SteelePiquet de grève des cheminots au siège social du CN à Montréal, le 26 novembre, peu avant l’annonce de l’accord de principe. La lutte pour la sécurité des travailleurs et des communautés environnantes était au centre de la grève.

MONTREAL — « Je crois que cette grève est aussi importante pour ma sécurité que pour celle de la communauté, » a dit le chef de train Yohan St-Amant aux travailleurs correspondants du Militant qui étaient sur la ligne de piquetage en solidarité avec les grévistes du chemin de fer Canadien National à la gare de triage de Shawinigan, au Québec, le 23 novembre. « Nous sommes tous familiers avec la tragédie de Lac-Mégantic et personne ne veut que ça se reproduise. Nous devons donc nous battre pour notre sécurité. »

En 2013, un train hors de tout contrôle, qui transportait du pétrole, a déraillé et a explosé, provoquant une explosion qui a détruit le centre-ville de Lac-Mégantic et causé la mort de 47 personnes.

« Nous sommes fatigués d’être fatigués » est devenu un des principaux slogans des 3 200 grévistes, qui se battent contre les concessions exigées par le CN. Celles-ci réduiraient la taille des équipes de travail à un chef de train, en éliminant le serre-frein. Elles réduiraient la durée des périodes de repos des travailleurs et leur droit de planifier un congé de 48 heures après cinq jours de travail. Elles augmenteraient aussi les heures supplémentaires obligatoires. Ces demandes menacent la vie et l’intégrité physique des travailleurs et de ceux qui vivent près des rails.

La « grève pour la sécurité » du syndicat des chefs de trains, y compris des agents de trains qui travaillent dans les dépôts de rail et des agents de triage, a commencé le 19 novembre. Les cheminots se heurtent à la volonté implacable des patrons du rail d’augmenter leurs profits.

Les patrons de nombreuses industries qui comptent sur le transport par rail, dont les mines, la chimie, le pétrole et le transport du grain, ainsi que les médias capitalistes qui parlent pour eux demandent que le gouvernement libéral minoritaire de Justin Trudeau rappelle le gouvernement et passe une loi de retour au travail afin de briser la grève.

Les représentants des gouvernements en Alberta, en Saskatchewan et au Québec font également campagne pour monter les agriculteurs, sévèrement touchés par la grève à un moment critique de la récolte, contre les grévistes.

Le combat des travailleurs du CN a touché une corde sensible chez des millions de travailleurs, qui font eux-mêmes face à l’offensive des patrons qui veulent accroître la productivité pour accroître les profits. Ils poussent pour que moins de travailleurs produisent plus, en moins de temps et pour un salaire plus bas, alors que la crise économique capitaliste les entraîne dans une compétition mondiale de plus en plus féroce.

« Nous avons besoin de plus de repos et nous voulons être avec nos familles, » a dit Sheldon Lemire, sur la ligne de piquetage à la gare de triage Taschereau du CN le 21 novembre à Montréal. « Nous perdons du monde chaque année. Neuf travailleurs ont été tués au travail au cours des deux dernières années ! »

William Shannon s’est joint à deux autres travailleurs de Walmart pour exprimer sa solidarité avec les grévistes à la cour de triage Joffre à Lévis, aux sud de la ville de Québec, le 23 novembre. Quand le chef de train du CN Frédérick Leblanc a dit que les patrons du rail « veulent faire plus avec moins de monde, » Shannon a répondu : « Ils font la même chose à Walmart ! »

Les agriculteurs et les travailleurs ont le même ennemi

Les agriculteurs, des prairies de l’Ouest jusqu’à ceux du Québec, qui comptent sur le transport par rail pour obtenir le gaz propane dont ils ont besoin pour sécher leur maïs et leur grain, pour garder leur bétail au chaud et pour transporter leur récolte au marché, sont aussi victimes des patrons du rail. Les patrons utilisent leur personnel de supervision pour faire rouler certains trains. « On doit se demander si le CN refuse de transporter du propane afin de créer une crise et forcer une loi spéciale de retour au travail, » a dit le président du syndicat des Teamsters, dans un communiqué le 22 novembre.

Le même jour, une cinquantaine d’agriculteurs des régions rurales au sud de Montréal ont conduit leurs tracteurs au quartier général du CN, au centre-ville de Montréal, pour demander au gouvernement de faire quelque chose par rapport à la baisse de l’approvisionnement en propane. Le 25 novembre, 300 agriculteurs ont manifesté devant le bureau du premier ministre Justin Trudeau à Montréal.

Au siège social du CN, certains agriculteurs ont blâmé les travailleurs, d’autres non. Aucune de leurs affiches n’appelait à une législation pour briser la grève. Les membres de la Ligue communiste, qui soutenaient les agriculteurs et les grévistes lors de l’action du 25 novembre, ont constaté, en discutant avec les agriculteurs qui protestaient, qu’ils comprenaient et sympathisaient avec les grévistes.

Sylvie Charbin, correspondante pour le Militant, discute de la grève des travailleurs du CN avec Pierre Robidoux sur sa ferme près de Montréal, le 24 novembre. Après avoir dit qu’il appréciait la discussion sur le besoin d’une alliance des agriculteurs et des travailleurs, ce dernier a souligné que les grands médias « ne s’intéressent pas à ce que nous pensons. »
Militant/Steve PennerSylvie Charbin, correspondante pour le Militant, discute de la grève des travailleurs du CN avec Pierre Robidoux sur sa ferme près de Montréal, le 24 novembre. Après avoir dit qu’il appréciait la discussion sur le besoin d’une alliance des agriculteurs et des travailleurs, ce dernier a souligné que les grands médias « ne s’intéressent pas à ce que nous pensons. »

« Je ne suis pas contre les travailleurs. Mais, nous avons besoin de propane, » a expliqué le cultivateur de maïs Alexandre Lussier à ce correspondant ouvrier lors du rassemblement.

« J’en veux à Trudeau. Ils ne donnent pas aux travailleurs ce dont ils ont besoin pour travailler en toute sécurité et ils ne nous donnent pas ce dont nous avons besoin pour travailler, » a dit Yvonne Boulerice, productrice de maïs et de soya.

« Les agriculteurs ont un besoin urgent de propane non seulement pour sécher le maïs, mais également pour maintenir au chaud les poussins et les porcelets dans les granges. Les chemins de fer n’ont pas signé de contrat depuis longtemps et le gouvernement n’a pas négocié, » a dit Pierre Robidoux, un producteur laitier, au Militant lorsque des partisans de la grève sont allés sur sa ferme à St-Isidore, près de Montréal. « Ce n’est pas la faute des cheminots. C’est la compagnie. Il n’y a pas assez de travailleurs. C’est dangereux, ils sont fatigués » et des accidents peuvent se produire.

Solidarité avec les grévistes du CN !

Les conducteurs de locomotive du Canadien National, qui ne sont pas en grève mais qui ne travaillent pas en raison de la grève, se sont mobilisés pour renforcer les lignes de piquetage. À la ligne de piquetage de Shawinigan, un conducteur a apporté un ragoût d’orignal chaud qu’il venait de préparer.

Les grévistes ne reçoivent aucune « indemnité de grève » de leur syndicat et les policiers ainsi que les autorités municipales de nombreux endroits les harcèlent avec des contraventions et des injonctions des tribunaux limitant le piquetage.

La Coalition des citoyens et des organismes engagés pour la sécurité ferroviaire à Lac Mégantic a publié un communiqué le 25 novembre, dans lequel elle déclarait donner son appui inconditionnel aux travailleurs du CN qui luttent actuellement pour améliorer leurs conditions de travail.« De meilleures conditions de travail sont le seul gage de garantie du maintien de conditions minimales de sécurité pour eux, a déclaré le comité, et pour les populations vivant aux abords de voies ferrées du Canada. »

« Ici à Lac Mégantic, on se souvient encore du triste sort qu’a dû subir Tom Harding, » ajoutait le communiqué, en rappelant le coup monté des patrons du rail et du gouvernement canadien qui voulaient rendre responsable du sinistre le conducteur, « un homme injustement accusé par une industrie insensible et ingrate envers ses travailleurs, mais pourtant si affable envers ses actionnaires ! »

Compte tenu des enjeux élevés pour les travailleurs partout dans le monde, le mouvement syndical organisé ainsi que tous les travailleurs et agriculteurs doivent fournir leur appui. Cela est crucial pour aider à repousser les revendications des patrons du rail et pour empêcher Ottawa d’agir pour briser la grève.

Sylvie Charbin a contribué à cet article.