Des milliers de travailleurs, d’étudiants et d’autres personnes se sont joints aux manifestations organisées dans au moins une douzaine de villes iraniennes alors que l’indignation montait face à la tentative du gouvernement de dissimuler son attaque au missile qui a abattu un avion de passagers ukrainien et tué tous les 176 passagers à bord. Ce massacre a relancé les manifestations massives qui ont éclaté en 2017 et de nouveau en novembre dernier dans une centaine de villes.
Les manifestants ont exigé la démission des dirigeants du régime et ont donné une voix aux travailleurs qui s’opposent aux interventions militaires des dirigeants iraniens à travers le Moyen-Orient et à leurs répercussions sur la vie des gens.
Depuis des années les dirigeants iraniens font pression sur les travailleurs, les agriculteurs et les immigrants pour qu’ils servent dans leur armée, le Corps des gardiens de la révolution islamique, et dans les forces paramilitaires que le régime organise. Les dirigeants cherchent à étendre leur influence par des interventions dans les conflits qui se déroulent en Irak, en Syrie, au Liban et ailleurs. Les conséquences mortelles et destructrices de ces guerres retombent massivement sur la classe ouvrière.
Pendant trois jours, le gouvernement a menti en niant que les Gardiens de la révolution avaient abattu le Boeing de la compagnie Ukraine International Airlines après son décollage de Téhéran à destination de Kiev puis du Canada le 8 janvier. Les responsables ont nié toute responsabilité ; ils ont insisté pour dire que le vol avait subi des problèmes mécaniques. L’attaque au missile a coûté la vie à 82 Iraniens et 63 Canadiens, dont de nombreux étudiants, qui étudiaient à l’étranger ou qui détenaient une double citoyenneté.
Les protestations ont commencé à l’université Amir Kabir de Téhéran lors d’une veillée organisée pour 16 étudiants tués dans l’attaque au missile. Elles se sont étendues à d’autres collèges, à la place Azadi de Téhéran et à Esfahan, Rasht, Yazd, Kerman, Shiraz, Hamedan, Boroujerd et d’autres villes.
Les manifestants exigent que le gouvernement soit évincé
Les manifestants à Téhéran ont scandé « Mort aux menteurs » et « Mort au dictateur » en référence au guide suprême Ali Khamenei. Ils ont exigé que les Gardiens de la révolution iranienne « lâchent le pays. » Les Gardiens constituent un pilier central du pouvoir du régime et sa Force Quds mène son intervention à l’étranger. La Force Quds était auparavant dirigée par le général Qassem Soleimani qui a été tué lors d’une attaque de drone de l’armée américaine le 2 janvier.
D’autres ont scandé « C’est la fin de la partie » pour les « réformistes » et les « conservateurs », les noms populaires pour les deux ailes du régime clérical bourgeois qui dirigent le pays depuis qu’ils ont mené une contre-révolution au début des années 1980. Le régime a repoussé les gains qu’ont faits les travailleurs lors de la révolution iranienne de 1979. Cette révolution a renversé le régime du chah soutenu par les États-Unis ; elle a établi des conseils ouvriers, appelés shoras, dans les usines et les raffineries de pétrole dans tout le pays ; et elle a stimulé les luttes des agriculteurs, des nationalités opprimées et des femmes.
Les manifestations antigouvernementales ont eu lieu seulement quelques jours après que les dirigeants ont affirmé que les cortèges funèbres pour Soleimani avaient unifié le pays derrière le régime. Mais les mêmes dirigeants ont ensuite montré leur mépris pour les gens ordinaires en ne faisant rien pour empêcher plus de 50 personnes en deuil de mourir dans une bousculade.
Quand les médias sociaux ont commencé à faire paraître des vidéos prises par des personnes qui avaient vu l’avion s’écraser après avoir été frappé, le régime a refusé à Boeing, aux Ukrainiens ou à toute autre personne d’accéder aux boîtes noires de l’avion. Des photos ont ensuite surgi, qui semblaient montrer des efforts du gouvernement pour faire disparaître les débris de l’avion.
Une autre vidéo, diffusée le 14 janvier, a donné raison aux autorités américaines qui disaient que les Gardiens de la révolution ont tiré non pas un mais deux missiles pour abattre l’avion.
Les responsables iraniens ont finalement reconnu avoir abattu l’avion « accidentellement », après l’avoir confondu avec un missile guidé. Le major général Hossein Salami, le plus haut commandant des Gardiens de la révolution, a présenté des excuses publiques et a été convoqué à une session à huis clos du parlement le 12 janvier.
« Pourquoi continuer à mentir pendant quelques jours ? » a demandé Gholamreza Haydari, un membre du parlement, de Téhéran. « Nous devons poursuivre les plus hauts échelons de commandement responsables de ce qui est arrivé. »
Quelques autres députés se sont également prononcés contre la faillite morale de la dissimulation. Dans un effort pour apaiser les protestations croissantes et blâmer les rivaux du régime, le président Hassan Rouhani a exhorté les tribunaux à arrêter et à punir ceux qui sont responsables d’avoir détruit l’avion.
Certains manifestants à Téhéran ont dénoncé Soleimani, qui a aidé à organiser les forces militaires des dirigeants capitalistes iraniens qui ont écrasé les manifestations contre le gouvernement au mois de novembre, lorsqu’au moins 300 personnes ont été tuées et plus de 1 000 arrêtées.
Pendant les manifestations de novembre, à Mahshahr, une ville essentiellement arabe du sud-ouest du pays, les forces des Gardiens de la révolution ont encerclé et abattu des manifestants en fuite dans un marais où ils avaient cherché refuge.
Washington hors de la région maintenant !
Mais aucune des actions contre-révolutionnaires de Téhéran en Iran ou dans la région n’excuse l’intervention impérialiste américaine en Irak et au Moyen-Orient. Les dirigeants américains cherchent à utiliser le poids de leur énorme machine militaire pour dissuader Téhéran de lancer de nouvelles attaques. Ils ont ainsi augmenté leurs forces terrestres, navales et aériennes dans la région à plus de 80 000 soldats.
Et ils ont continué à resserrer les sanctions étouffantes qui frappent le plus durement les travailleurs iraniens. Le président Donald Trump a annoncé de nouvelles mesures punitives le 10 janvier, y compris des sanctions sur le commerce iranien des métaux, des produits de la construction et de la fabrication, des textiles et des mines. Les gouvernements de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni ont pris les premières mesures pour réimposer des sanctions à l’Iran le 14 janvier. Ils affirment que Téhéran a violé le pacte nucléaire de 2015 dont Washington s’est retiré en 2018.
« Le Parti socialiste des travailleurs (SWP) appelle au retrait immédiat, inconditionnel et total des troupes, bases, armes et de tout l’armement américains de l’Irak, de la Syrie et de la région, » a déclaré Naomi Craine, candidate du SWP au sénat américain de l’Illinois, dans un communiqué publié le 10 janvier qui est disponible sur le site du Militant.
« États-Unis, ne touchez pas à l’Iran ! »
De nouvelles vagues de manifestations contre le gouvernement ont également eu lieu en Irak, avec des milliers de personnes dans les rues le 10 janvier. Elles découlent d’un manque de droits politiques, d’emplois et de services de base, et d’une colère généralisée face à l’impact mortel de l’intervention de Téhéran dans le pays.
« Nous avons tous vu et ressenti ce que ce gouvernement a fait, » a déclaré Ahmed al-Rikabi à Al Jazeera sur la place Tahrir à Bagdad. « Il l’a fait avec l’aide de l’Iran, il l’a aussi fait avec Qassem Soleimani. » Au moins 500 personnes ont été tuées par des forces pro-gouvernementales et des milices organisées par Téhéran, qui tentent de terroriser les travailleurs et les jeunes qui sont dans les rues depuis le mois d’octobre.