L’offensive du régime Assad en Syrie apporte la dévastation

Terry Evans
le 2 mars 2020

L’offensive contre les forces rebelles et les civils, dans la province syrienne d’Idlib, menée par le régime de Bachar al-Assad et ses alliés à Moscou et à Téhéran, s’est intensifiée depuis décembre. Les attaques ont forcé 800 000 personnes à fuir leurs maisons. C’est le plus grand déplacement de population depuis le début de la guerre civile en Syrie.

Environ 80 pour cent des personnes qui fuient sont des femmes et des enfants. Les forces coalisées du régime ont repris un tiers de la province ainsi que la plupart des poches des forces rebelles qui subsistaient dans la ville voisine d’Alep.

Bachar al-Assad et ses alliés ont également affronté les troupes turques en Syrie, qui soutiennent de nombreux groupes rebelles à Idlib et ont affronté les forces kurdes soutenues par les États-Unis ailleurs. Des troupes turques stationnées dans une série de postes d’observation ont également essuyé des tirs. Et Washington a lancé une attaque aérienne contre les forces d’Assad le 12 février lorsque ses troupes au sol à l’est ont été prises sous le feu. Les dirigeants américains rappelaient ainsi qu’ils restent profondément impliqués dans les conflits au Moyen-Orient, avec la plus grande force aérienne de la région.

Différents groupes armés se partagent aujourd’hui Idlib. Il y a parmi eux des forces djihadistes réactionnaires, qui ont combattu Bachar al-Assad depuis que les mobilisations de masse pour les droits politiques en 2011 ont été violemment réprimées par le régime et qu’elles se sont transformées en guerre civile.

Les travailleurs en Syrie ont combattu héroïquement contre les forces de Bachar al-Assad et le régime a dû se retirer de nombreuses régions du pays, confronté à une défaite certaine. Mais Téhéran a mobilisé des milices et son allié le Hezbollah du Liban pour intervenir sur le terrain, tandis que Moscou est intervenu avec sa puissance aérienne et son artillerie à longue portée en 2015. Tout cela a modifié le rapport de forces.

Les combats ont créé un vide dans lequel l’État islamique réactionnaire, venu du monde entier, s’est rassemblé et a créé un califat brutal qui s’est étendu sur des zones largement sunnites, tant en Syrie qu’en Irak. Washington est intervenu et, aux côtés de forces alliées dirigées sur le terrain par les Kurdes, a mis en déroute les combattants islamistes.

Alors que la coalition de Bachar al-Assad avançait contre les rebelles, beaucoup ont fui vers Idlib, la plupart dans le cadre d’accords avec Moscou qui leur promettait qu’ils y seraient en sécurité. La population s’est accrue à quelque trois millions d’habitants qui sont maintenant soumis à de lourds bombardements en violation des accords.

Le groupe djihadiste réactionnaire Hayat Tahrir al-Cham contrôle en grande partie la zone rebelle, bien que ses partisans ne représentent qu’une minorité de la population.

Idlib est « la dernière zone où ces personnes peuvent être libres, » a déclaré au Financial TimesJomana Qaddour, cofondatrice de l’Agence de secours et de développement de la Syrie. « Le sort d’Idlib est particulièrement important, non seulement pour les personnes qui y vivent, mais aussi pour tous les Syriens qui se sont mobilisés pour réclamer leur liberté et leur dignité. »

En mai 2018, lorsque le gouvernement turc a fermé sa frontière aux réfugiés syriens, les conditions de ceux qui fuient les bombardements de Moscou et les attaques meurtrières d’Assad se sont considérablement aggravées. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a expliqué que son régime en avait assez : quelque 3,6 millions de Syriens qui fuyaient la guerre civile se trouvaient alors en Turquie.

Maintenant, au milieu d’un hiver rigoureux, les réfugiés doivent se battre pour des places dans des camps surpeuplés et non chauffés près de la frontière turque ou créer eux-mêmes des camps de fortune, où beaucoup meurent à cause de l’exposition au froid. Muadh al-Ahmad a dit à Al Jazeera que sa ville natale de Saraqib est devenue essentiellement une « ville fantôme » dans les jours qui ont précédé la récente offensive d’Assad.

Les frappes aériennes syriennes ont touché des hôpitaux, des entrepôts d’aide, des écoles et des camps de réfugiés en fuite.

Le gouvernement turc a déployé 6 500 soldats supplémentaires dans la province alors que Bachar al-Assad a intensifié l’assaut contre Idlib. Erdogan a menacé de riposter contre les forces d’Assad « n’importe où » en Syrie après la mort de 13 soldats turcs début février.

Washington dit qu’il soutient le gouvernement turc. L’envoyé spécial américain James Jeffrey a été envoyé à Ankara où il a qualifié les 13 soldats turcs tués de « martyrs ».

Les dirigeants américains veulent utiliser le conflit entre la Turquie et le gouvernement syrien soutenu par la Russie pour dissuader Ankara de développer des relations avec Moscou. Ankara avait intensifié sa collaboration avec Moscou quand Washington s’était allié aux Kurdes de Syrie et d’Irak pour écraser l’État islamique. Le gouvernement turc considère les Kurdes comme une menace mortelle. Quelque 30 millions de Kurdes, une nationalité opprimée, vivent en Turquie, en Iran, en Irak et en Syrie.

Les États-Unis, sortez du Moyen-Orient !

La misère infligée au peuple syrien par la dictature de Bachar al-Assad et ses partisans fait partie de conflits, guerres et rivalités plus vastes dans toute la région, alors que Washington, Moscou, Téhéran, Ankara et d’autres régimes capitalistes rivalisent pour protéger leurs intérêts politiques et économiques.

« L’intervention américaine en Syrie et les sanctions de Washington contre l’Iran sont une extension des agressions des patrons contre les travailleurs ici, », a expliqué Alyson Kennedy, candidate du Parti socialiste des travailleurs à la présidence, le 16 février. « Ma campagne exige le retrait immédiat des forces américaines du Moyen-Orient et la fin des sanctions contre l’Iran : celles-ci touchent le plus durement les travailleurs et les agriculteurs qui continuent de lutter contre les attaques du gouvernement et de manifester contre l’impact des guerres des dirigeants iraniens. »

« Notre point de départ est la solidarité avec les luttes des travailleurs de la région, que ce soit la lutte pour les droits politiques en Syrie en 2011 ou les luttes vieilles de plusieurs décennies du peuple kurde pour son indépendance et sa souveraineté, a-t-elle poursuivi. Et nous soutenons ceux en Iran et en Irak qui manifestent aujourd’hui contre leurs gouvernements et contre les interventions militaires de Téhéran dans la région. »