Une prison de Floride interdit le Militant à cause de photos de manifestations de travailleurs

Brian Williams
le 4 mai 2020

Dans un effort scandaleux pour interdire les photos de travailleurs levant le poing dans des luttes ouvrières et d’autres conflits, les autorités pénitentiaires de Floride ont interdit le no 13 du Militant. C’est la première fois en huit mois que le journal a été proscrit.

Une lettre de responsables de l’Institution correctionnelle Jefferson à Monticello en Floride reçue le 17 avril a informé le Militant que le numéro avait été confisqué.

La raison ? « Symboles de gangs : pages 1, 5, 14 et 16. » Mais ce que montrent ces photos, ce sont des travailleurs qui s’organisent pour défendre leurs droits, leur sécurité, leur dignité au travail et pour créer des syndicats. Le seul élément commun est que les travailleurs lèvent le poing en l’air dans le cadre de leurs actions.

Une photo apparaît deux fois : à la page 1 et à la page 16, la première page de la partie en espagnol du numéro. Elle montre un travailleur de l’usine de transformation de poulet Perdue à Kathleen en Géorgie levant le poing en l’air alors que lui et ses collègues débrayent le 23 mars pour protester contre les conditions de travail et de sécurité.

Une autre est celle d’infirmières qui manifestent le 24 mars à l’hôpital Kaiser Permanente à Richmond en Californie pour exiger des patrons d’hôpitaux la sécurité des conditions de travail.

La quatrième photo montre des membres de la section locale 8888 des Métallurgistes unis au cours de leur bataille historique pour organiser un syndicat au chantier naval de Newport News en Virginie en novembre 1979, une grève sur laquelle des centaines de journaux et autres publications ont écrit pendant des décennies.

Les responsables de la prison prétendent maintenant que ces poings levés ne sont que des symboles de gangs, « une menace pour la sécurité, le bon ordre ou la discipline du système correctionnel ou la sécurité de toute personne. »

Les poings levés dans le cadre de protestations publiques ont bénéficié de leur couverture médiatique la plus large en 1968, lorsque les athlètes américains Tommie Smith et John Carlos, membres de l’équipe olympique de sprint, ont levé le poing sur le podium des Jeux olympiques d’été de Mexico pour protester contre la discrimination raciste. « C’était un cri pour la liberté et les droits de l’homme, » a soutenu Tommie Smith au magazine Smithsonian en 2008.

L’Institution Smithsonian expose actuellement le survêtement que portait Smith et une boîte qu’il tenait sur le podium, qui contenait un rameau d’olivier, ainsi que les chaussures qu’il portait lors de la course.

Cette photo emblématique a fait la une des journaux dans tout le pays. À leurs côtés se trouvait le médaillé d’argent Peter Norman, un coureur australien issu de la classe ouvrière.

Peter Norman avait déclaré à la presse qu’il connaissait bien le racisme pour avoir vécu la politique de « l’Australie blanche » de la classe dirigeante australienne et son traitement discriminatoire des peuples aborigènes. Sur le podium, il portait autour du cou le badge du Projet olympique pour les droits de l’homme, un groupe que Tommie Smith et John Carlos avaient aidé à organiser quelques mois auparavant.

Les autorités pénitentiaires de Floride auraient-elles interdit tous ces journaux ?

Chaque fois que les autorités d’une seule prison de Floride saisissent un exemplaire du Militant, le numéro est retiré aux 48 abonnés dans toutes les prisons de l’État.

« Nous allons nous battre pour casser cette décision »

L’avocat du Militant, David Goldstein, a informé le Comité d’examen de lecture du Département correctionnel de Floride, qui examine toutes les interdictions de journaux et autres écrits, que le journal se prépare à faire appel de cette saisie, et que celle-ci est manifestement abusive. Le Militant  a fait appel à chaque fois que le journal a été proscrit, l’écrasante majorité des fois avec succès.

Il a été informé que la commission a déjà prévu une révision de l’interdiction le 23 avril. Si la commission refuse de revenir là-dessus, le journal fera appel.

L’année dernière, 14 des 16 numéros du Militant sur trois mois ont été confisqués. Les autorités de Floride, qui ont reçu des dizaines de lettres de protestation de l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) de Floride, de l’Association des bibliothécaires américains, de l’association des écrivains PEN America et de nombreuses autres organisations et personnes, ont annulé la plupart de ces interdictions et ont cessé de saisir d’autres numéros à partir de la mi-août — jusqu’à présent.

« L’interdiction des autorités carcérales est une violation flagrante de la liberté de la presse et du droit de nos abonnés derrière les barreaux de lire le journal, » a déclaré le rédacteur en chef du Militant John Studer. « Nous nous battrons pour casser cette décision. »

« S’ils pensent qu’ils peuvent interdire tous les symboles des luttes des travailleurs, ils auront une surprise, a-t-il dit. Les travailleurs derrière les barreaux font partie du monde. Ils ont le droit d’examiner des points de vue différents et de se faire leur propre opinion. Ils ont le droit de prendre connaissance des actions des travailleurs pour défendre leurs emplois, leurs salaires et leurs conditions de travail, des actions contre la discrimination et la violence racistes et des actions pour défendre leurs droits en pleine crise économique et sociale aujourd’hui, crise causée par le système capitaliste. »