Les débardeurs en grève au Québec se battent pour la sécurité

Pierre-Luc Filion
le 31 août 2020

MONTRÉAL – Quelque 1 125 débardeurs, dont des opérateurs de machinerie lourde, des signaleurs, des manutentionnaires de navires, des électriciens et des mécaniciens au port de Montréal, sont en grève depuis le 10 août. Ils se battent contre les prétentions de l’Association des employeurs maritimes d’imposer des horaires de travail dangereux, 19 jours sur 21.

Les travailleurs peuvent être contraints de travailler en équipes de jour, de soir ou de nuit, et ils sont informés de leur horaire de travail la veille du jour où ils doivent se présenter. Outre le danger qu’un tel régime épuisant représente pour les travailleurs, cette situation a des conséquences désastreuses pour les familles des travailleurs et pour leur vie de couple.

Cette importante bataille ouvrière menée par les travailleurs et leur syndicat, la section locale 375 du Syndicat canadien de la fonction publique, a commencé en décembre 2018, lorsque leur convention collective a expiré. Les travailleurs ont voté à 99,5 pour cent en faveur de la grève, mais ils ont été empêchés de la faire lorsque les patrons ont tenté d’obtenir que les tribunaux leur refusent ce droit en déclarant que les travailleurs portuaires étaient un « service essentiel ». Après des mois d’audiences, le tribunal a rejeté cet argument. 

Des piquets de grève sont en place au port ici et au terminal portuaire de Contrecoeur, à environ 64 kilomètres au nord-est de Montréal. Les 150 contrôleurs de la section locale 1657 de l’Association internationale des débardeurs-contrôleurs se sont également joints à la grève. 

Pour ajouter l’insulte à l’injure, le 3 août, l’Association des employeurs maritimes a unilatéralement réduit les primes pour les quarts de travail de soir, de nuit et de fin de semaine.  

Les travailleurs du port sont également victimes de harcèlement par la police. Neuf grévistes ont été arrêtés le 12 août. Ils sont accusés d’intimidation, de méfaits et d’agression en relation avec une confrontation entre des débardeurs et des briseurs de grève provocateurs utilisés par la direction lors d’une grève antérieure de quatre jours à la fin du mois de juillet. Les policiers menacent de procéder à d’autres arrestations. 

Une grève solide, une solidarité croissante

L’ambiance était bonne et confiante, le 10 août à l’entrée du port de la rue Viau, lorsque ce correspondant ouvrier du Militant  est venu se joindre au piquet de grève. De nombreux travailleurs, dont des camionneurs, ont klaxonné et salué les grévistes en passant. Une femme a arrêté sa voiture pour remercier les grévistes pour la lutte qu’ils mènent.

Plus tard dans la semaine, des douzaines de cols bleus de Montréal, membres de la section locale 301 du SCFP, ont visité la ligne de piquetage en solidarité.

Plusieurs travailleurs de Walmart, des cheminots membres des Teamsters travaillant pour le Canadien National et d’autres sont aussi allés sur la ligne en appui à la grève. Les cheminots avaient eux-mêmes été en « grève pour la santé et sécurité » en novembre dernier, luttant contre les horaires et les heures de travail.

« Je suis venu pour les appuyer, parce que leur grève est comme celle que nous avons gagnée en novembre dernier, » a dit Juan Federico Garcia, chef de train pour le CN. « Notre grève montre que si nous nous tenons debout, nous pouvons gagner quelque chose. »

« Les patrons du port doivent engager plus de travailleurs, comme ils devraient aussi le faire au CN, pour que les travailleurs aient des jours de congé plus réguliers, » a ajouté Jonathan Chiasson, un autre chef de train du CN.

Les associations patronales au Québec poussent le gouvernement à intervenir pour arrêter la grève. « Les effets d’une grève prolongée sur les économies de Montréal et du Québec vont être dévastateurs, » a déclaré Michel Leblanc, président et PDG de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. « Nous devons agir maintenant. Nous devons imposer l’arbitrage et renvoyer tout le monde au travail. »

Le syndicat a rejeté toute forme d’arbitrage obligatoire, expliquant que ce serait en défaveur des travailleurs.

Le port de Montréal est le deuxième plus gros port au Canada, après celui de Vancouver. Quatre-vingt-dix pour cent de tous les importateurs et exportateurs en Ontario et au Québec utilisent le port. Chaque jour, 2 500 camions du Canada et des États-Unis entrent et sortent du port, ainsi que 60 à 80 trains par semaine. Quelque 90 000 conteneurs sont présentement coincés au port.

Tous les travailleurs et agriculteurs ont intérêt à appuyer cette lutte. Allez visiter leur ligne de piquetage. Faites parvenir des contributions et des messages de solidarité de votre syndicat, votre église ou votre organisation communautaire. Envoyez-les au Syndicat des débardeurs, 7020, rue Notre-Dame Est, Montréal, Québec H1N 3L6. Tél : (514) 255-8868. Télécopieur : (514) 255-8211.