Les pourparlers entre l’OTAN, une alliance militaire dirigée par les États-Unis, et le gouvernement russe sur le renforcement des troupes de Moscou à sa frontière avec l’Ukraine ont abouti à une impasse le 13 janvier. Washington, qui n’est pas un ami du peuple ukrainien, défend les intérêts économiques et politiques des dirigeants capitalistes américains. Ces derniers cherchent à écarter les menaces de Moscou, tout en veillant à ne prendre aucune mesure qui conduirait à une confrontation militaire.
Les dirigeants russes poursuivent leur objectif à long terme, c’est-à-dire d’imposer leur domination sur l’Ukraine. Ils agissent dans le même but en Biélorussie, au Kazakhstan et dans tous leur « voisinage proche ».
« L’Occident a été poussé par l’orgueil et a exacerbé les tensions », a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à la presse le 14 janvier. Les responsables américains disent qu’ils préparent des sanctions contre les séparatistes pro-russes en Ukraine, mais qu’ils ne sanctionneront pas encore Moscou. Ils menacent cependant de le faire s’il y a une action militaire russe contre l’Ukraine.
Depuis trois décennies, les dirigeants américains rapprochent de plus en plus leur vaste puissance armée des frontières de la Russie. Ils agissent ainsi en croyant à tort qu’ils ont gagné la guerre froide, lorsque les régimes staliniens de l’ex-Union soviétique se sont effondrés. Washington a fait entrer d’anciens pays du bloc soviétique dans l’OTAN et a mis en place des systèmes de défense antimissile en Pologne et en Roumanie. L’OTAN maintient des forces qui se relaient en Estonie, en Lettonie, en Lituanie et en Pologne.
Le président russe Vladimir Poutine a déclaré que la reconquête de la « sphère d’influence » russe était son principal objectif en matière de politique étrangère. Il déplore l’éclatement de ce qu’il appelle la « Russie historique », comme « la plus grande tragédie géopolitique du vingtième siècle ». Au cours des pourparlers, Sergueï Lavrov a exigé que l’OTAN s’engage à ne pas stationner ses forces en Ukraine ou dans d’autres anciens pays soviétiques.
Après les pourparlers, un représentant du Kremlin a proposé de manière provocatrice que Moscou freine l’expansion de l’OTAN en déployant ses propres missiles sur le territoire des gouvernements d’Amérique latine qui entretiennent des relations étroites avec les dirigeants russes.
Le lendemain du début des pourparlers, certains des plus de 100 000 soldats russes stationnés le long de la frontière avec l’Ukraine ont commencé à mener des exercices de tir réel avec des chars. Moscou a transféré des trains chargés d’armes, de ses bases à l’est vers ses frontières occidentales.
Poutine persiste à dire que cette concentration militaire vise à répondre aux menaces de l’armée ukrainienne contre les forces séparatistes que Moscou soutient dans l’Est de l’Ukraine. Il cherche ainsi à faire pression sur les dirigeants ukrainiens pour qu’ils mettent fin à leur rapprochement avec les gouvernements impérialistes d’Europe et des États-Unis.
En 2014, des manifestations en Ukraine, impliquant pendant des mois plus d’un million de travailleurs, d’agriculteurs et de jeunes, ont renversé le régime pro-Moscou du président Viktor Ianoukovitch. Des milliers de personnes ont campé pendant des semaines sur le Maïdan, la place de l’Indépendance, dans la capitale, Kiev, inspirant des manifestations à travers le pays et repoussant courageusement les attaques meurtrières de la police anti-émeute.
Moscou a réagi à la destitution de Ianoukovitch en armant les séparatistes pro-russes dans l’Est de l’Ukraine dans une guerre pour contrôler la riche région industrielle du Donbass. Elle a également saisi et occupé la péninsule ukrainienne de Crimée, portant un coup à la population des Tatars de Crimée et à la souveraineté ukrainienne. En huit ans, plus de 14 000 Ukrainiens ont été tués dans des affrontements périodiques et des millions d’autres ont été déplacés.
Désarroi dans l’alliance impérialiste
Bien qu’ils soient membres de l’OTAN, les gouvernements de l’Union européenne n’ont pris aucune part aux pourparlers entre l’OTAN et Moscou. Cela reflète « le peu de poids réel de l’Union européenne dans un monde de superpuissance », écrit Steven Erlanger dans le New York Times du 10 janvier.
Les hauts fonctionnaires de l’UE se sont plaints d’avoir été écartés des discussions. Auparavant, les gouvernements français et allemand avaient envoyé leurs propres émissaires à Moscou pour des négociations séparées. Le gouvernement ukrainien n’a été invité à prendre part à aucune de ces discussions.
Un fossé sépare les dirigeants des États-Unis et de l’Allemagne, notamment en raison de la décision du gouvernement allemand d’importer du gaz naturel de Russie par le gazoduc Nord Stream 2 de Moscou. Ce gazoduc contourne un précédent gazoduc qui passe par l’Ukraine, une autre façon pour Moscou de réduire la souveraineté ukrainienne. Il accroîtra la dépendance de l’Allemagne et des autres gouvernements de l’UE aux fournitures de gaz des entreprises russes. Cela permettra à Moscou d’exercer une pression politique sur les dirigeants allemands.
Cette question a divisé la nouvelle coalition gouvernementale des sociaux-démocrates et des verts à Berlin. Washington veut que Berlin menace de renoncer au gazoduc si les forces de Moscou attaquaient l’Ukraine. La nouvelle ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, du Parti vert, est d’accord.
Mais les sociaux-démocrates, qui dirigent la coalition gouvernementale, favorisent un accord avec Moscou, car ils estiment que l’approvisionnement en gaz russe est essentiel à la production industrielle. Comptant sur des forces armées inférieures, les dirigeants capitalistes allemands se voient contraints de naviguer entre Moscou et Washington pour défendre leurs intérêts.
Le président Joseph Biden tente de rallier les alliés impérialistes des États-Unis à ses menaces de durcissement des sanctions économiques, dans l’espoir de dissuader Moscou. Cette démarche s’inscrit dans le cadre des efforts plus larges déployés par Washington pour consolider ses alliances, alors que s’intensifient les conflits avec les dirigeants de la Chine en particulier, mais aussi de la Russie, pour les marchés, les ressources et les investissements.
Les menaces de Moscou contre l’Ukraine s’ajoutent à sa récente intervention au Kazakhstan, qui a contribué à réprimer les manifestations antigouvernementales massives, et à son soutien au régime du président Alexandre Loukachenko en Biélorussie, qui a réprimé en 2020 les travailleurs et les jeunes qui luttaient pour leurs droits politiques. Les dirigeants russes craignent l’exemple que ces luttes peuvent donner à des millions de personnes dévastées par la crise capitaliste en Russie.