« Je suis opposée à cette guerre d’agression insensée et j’appelle la Russie à mettre fin à cette guerre dès maintenant pour nous sauver tous. Nous avons besoin de paix maintenant », a dit la célèbre chanteuse d’opéra russe Anna Netrebko après que Moscou a envahi et commencé à bombarder des zones civiles en Ukraine. C’était un acte courageux, reflétant l’opposition à la guerre, généralisée en Russie, et servant à encourager les travailleurs et les agriculteurs russes à protester.
Mais Anna Netrebko a été « annulée » et licenciée par le Metropolitan Opera de New York parce qu’elle ne veut pas publier d’autre déclarations dénonçant le président russe Vladimir Poutine. Peter Gelb, directeur général du Met, a indiqué que l’opéra refuserait de travailler avec des artistes qui soutiennent Poutine.
De nombreux chanteurs, artistes, acteurs, écrivains et autres travailleurs culturels de Russie risquent aussi d’être « annulés ». Le Ballet du Bolchoï a été annulé dans trois salles au Royaume-Uni ; tous les chanteurs russes ont été bannis du concours de la chanson Eurovision, quelle que soit leur position sur la guerre ; les représentations du Lac des cygnes par le Ballet royal de Moscou ont été annulées par le théâtre Helix de Dublin ; l’Orchestre philharmonique de Munich a licencié son chef d’orchestre, Valery Gergiev, tout comme l’Orchestre philharmonique de Rotterdam et le Carnegie Hall.
Les directeurs du musée Victoria et Albert en Grande-Bretagne envisagent de fermer une exposition des célèbres œufs de Peter Carl Fabergé. Fabergé est mort en 1920 et ses œufs n’ont pas encore pris position sur l’invasion de Moscou !
Loin de renforcer la lutte pour vaincre l’invasion de Poutine, de tels gestes de « culture d’annulation » l’affaiblissent. Ils font partie des efforts pour dépeindre le peuple russe, sa culture et son art, comme le problème. Ils nuisent au débat politique et à l’action dont ont besoin les travailleurs du monde entier.
Les régimes impérialistes à Washington et dans toute l’Union européenne promeuvent ces campagnes. Mais les dirigeants capitalistes de chacun de ces pays ne sont pas vraiment intéressés à défendre les travailleurs ukrainiens. Ils cherchent plutôt à défendre et à étendre leur propre pillage de classe dans le monde entier.
Les nombreuses protestations à travers la Russie par des personnes qui risquent d’être arrêtées et brutalement persécutées ainsi que la résistance déterminée en Ukraine sont cruciales pour gagner les travailleurs de ce pays. Seules les classes ouvrières d’Ukraine et de Russie, avec le soutien des travailleurs d’Europe de l’Est et du monde entier, ont le pouvoir et les intérêts de classe nécessaires pour mettre fin à la guerre et faire tomber le régime de Poutine à Moscou.
Pour y parvenir, la discussion et le débat les plus ouverts sont nécessaires. Tout ce qui entrave la fraternisation et le dialogue constitue un obstacle mortel à tout progrès dans cette perspective ouvrière.
Certains se sont opposés aux partisans de la « culture d’annulation », tout en dénonçant la guerre menée par Moscou. Les scientifiques sont l’une des arènes du débat sur la voie à suivre. Plus de 600 scientifiques et chercheurs en Russie ont publié une lettre ouverte dans laquelle ils s’opposent à l’invasion et à la guerre de Poutine. Ils soulignent que l’invasion peut isoler la Russie et en faire un pays paria dans le monde, ce qui rendrait impossible le travail scientifique dans le pays alors que ce travail nécessite une collaboration internationale.
Certains, aux États-Unis et ailleurs, ont appelé à interdire la publication des contributions et des recherches russes dans les revues scientifiques. La revue Nature a rejeté ce boycott, écrivant qu’elle « continuera à considérer les manuscrits des chercheurs du monde entier ».
Un boycott « diviserait la communauté mondiale des chercheurs et restreindrait l’échange des connaissances scientifiques, poursuit le magazine, ce qui pourrait nuire à la santé et au bien-être de l’humanité et de la planète ».
Elle insiste sur l’importance pour « la communauté des chercheurs de maintenir la collaboration scientifique avec les universitaires russes malgré l’invasion ». Cela permet le dialogue et le débat.
Parallèlement, les rédacteurs de la revue expriment clairement leur opinion sur la guerre. « Nature condamne cette horrible invasion dans les termes les plus forts et appelle la Russie à mettre immédiatement fin à son attaque. Nous soutenons et sommes solidaires du peuple ukrainien, y compris de sa communauté de chercheurs. »