BRAMPTON, Ontario — Quelque 1 000 chauffeurs de camions qui transportent le sable et le gravier nécessaires à la production de béton ont fait grève pendant deux semaines au mois de mars. Cette grève très réussie a entraîné la fermeture des carrières et d’une grande partie de l’industrie de la construction. Ils ont obtenu une augmentation de 20 % de leurs taux par les patrons des entreprises de camionnage.
Inspirés par leur combat, 1 500 membres de l’Association ontarienne des camions-bennes (ODTA) ont décidé de faire la grève le 21 mars. Ils se battent pour obtenir des tarifs plus élevés, de plus grandes mesures de sécurité, les droits des travailleurs et le respect des patrons. La grande majorité d’entre eux sont d’origine sud-asiatique.
La reconnaissance du droit des camionneurs de négocier un accord avec les patrons est devenue une question clé dans la lutte. David Rumble, responsable de l’Association ontarienne de l’industrie du terrassement, la principale organisation des patrons, affirme que l’Association ontarienne des camions-bennes n’est pas une « association reconnue » et n’a pas le droit de négocier.
« Nous ne pouvons pas signer de contrat avec vous », a indiqué David Rumble, rejetant une liste de revendications soumise par l’association des camionneurs. Les patrons, a-t-il dit, proposent plutôt de « travailler avec vous pour le bien-être de l’industrie », c’est-à-dire pour le bien-être des entreprises.
« Nous sommes une association reconnue, établie et respectée, habilitée à représenter nos membres », a rétorqué Bob Punia, représentant de l’ODTA, en affirmant que « nos camions ne bougeront pas tant que nous n’aurons pas » une convention collective incluant les « droits fondamentaux » des camionneurs.
« Sans un syndicat ou une association, nous n’avons rien », a soutenu au Militant Inder Singh, camionneur depuis 40 ans et membre du comité de l’Association ontarienne des camions-bennes. « Nous avons besoin d’un syndicat pour lutter pour nos droits. »
Il a ajouté que les chauffeurs de camions-bennes se battent pour une augmentation des tarifs, ainsi que pour un tarif standard pour tous les camionneurs. Aujourd’hui, les tarifs varient énormément, certains camionneurs peuvent être payés aussi peu que 65 $CA.
« Nous demandons un taux de base de 130 dollars », c’est ce qui est nécessaire pour couvrir l’augmentation rapide des dépenses en carburant, des pièces, des assurances et des frais, a précisé Inder Singh. Tout augmente, sauf nos tarifs. C’est impossible de gagner sa vie. »
De plus, a-t-il dit, « il n’y a pas un nombre minimal d’heures payées. Parfois, ils vous renvoient chez vous et vous n’êtes pas payé ! »
De nombreuses entreprises ne paient pas à temps, a ajouté Jasvir Dhaliwal, un camionneur et propriétaire-exploitant depuis 22 ans, qui est également membre du comité. « Nous demandons à être payés dans les 45 jours. Parfois, ils ne nous paient pas pendant six mois ou plus. Si une entreprise disparaît, nous sommes finis. Nous ne sommes pas payés du tout. »
La surcharge des camions-bennes par les entreprises de construction est un autre problème majeur. Les camionneurs peuvent être condamnés à des amendes de 500 ou 1 000 $ CA s’ils transportent plus que la charge maximale autorisée. Même si c’est l’entreprise qui charge les camions, ce sont les conducteurs qui en sont tenus responsables.
« Ce n’est pas sécuritaire de conduire un camion surchargé, a expliqué Jasvir Dhaliwal. Parfois, ils ne construisent pas les rampes appropriées sur un site d’excavation ». Les camions sont particulièrement instables quand ils sont surchargés et certains ont basculé.
« Les camionneurs doivent s’unir »
« Ce combat est un tournant », a déclaré le propriétaire-exploitant Inder Singh. « La stratégie des compagnies est de diviser pour mieux régner. Elles poussent les camionneurs à travailler plus fort et plus vite. » Elles montent les camionneurs les uns contre les autres pour maintenir les tarifs bas et « donner le travail à ceux qui travaillent le plus vite ».
« Nous exigeons d’être respectés, a-t-il insisté. On nous agresse verbalement, les immigrés sont maltraités » et ils subissent un traitement raciste de la part des patrons de la construction.
Lors de la réunion où les travailleurs de camions-bennes ont décidé de faire grève, Bob Punia a expliqué que les camionneurs se battent pour obtenir un salaire plus élevé afin que leurs véhicules soient en bon état et sécuritaires. Ils luttent aussi pour avoir accès à des toilettes et à des pauses pour se reposer ou manger.
La semaine suivante, des membres de l’Association des camionneurs d’agrégats de l’Ontario, de l’Association ontarienne des camions-bennes et de l’Association des camionneurs canadiens AZ, qui organise les conducteurs de courte et de longue distance, se sont rencontrés pour la première fois afin de discuter de la nécessité d’une action commune.
« Vous pouviez voir le pouvoir qu’ont les travailleurs lorsqu’ils s’unissent et ferment une industrie », a souligné au Militant Mark Grieve, conducteur de bétonnière mobile sur un chantier de construction de Toronto et membre du syndicat des Teamsters, décrivant le succès de la grève des travailleurs des agrégats. « Mes collègues de travail en parlaient tous. Leur combat a été une source d’inspiration. Beaucoup d’entre nous pensent que nous serions tous beaucoup plus forts s’ils faisaient partie de notre syndicat. »