La loi sur la langue du gouvernement du Québec est un coup dur pour les travailleurs

Michel Prairie
le 11 juillet 2022

MONTRÉAL — Le 24 mai, l’Assemblée nationale du Québec a adopté la loi 96, déclarant le français langue officielle et commune de la province et imposant son usage. Sous prétexte de lutter contre le « déclin de l’usage du français », la loi restreint l’usage de l’anglais et de toute langue autre que le français. Ces questions sont cruciales pour construire le mouvement révolutionnaire des travailleurs au Québec.

« La loi 96 vise à diviser les travailleurs. Nos syndicats devraient la combattre », a dit Katy LeRougetel, candidate de la Ligue communiste dans la circonscription Anjou-Louis-Riel de Montréal aux prochaines élections à l’Assemblée nationale. Elle s’exprimait lors d’un Forum ouvrier du Militant  ici le 4 juin. « Cela est crucial pour unifier la classe ouvrière à un moment où les patrons multiplient leurs attaques sous l’impact de la crise croissante de leur système. »

En vertu de la loi, depuis le 1er juin, le gouvernement du Québec ne fournit de services publics à la population qu’en français, à l’exception partielle de la communauté anglophone établie de longue date. L’anglais est la langue maternelle de près de 15 % de la population. Elle est la langue seconde de nombreux immigrants qui ne parlent pas français.

Après six mois, les immigrants nouvellement arrivés recevront les services sociaux uniquement en français.

Les membres du personnel médical ne pourront pas communiquer avec les patients ou entre eux dans une autre langue que le français, une mesure dénoncée par de nombreux médecins, infirmières et groupes d’immigrés car elle compromet l’accès aux soins de santé.

Les inspecteurs du gouvernement sont désormais autorisés à perquisitionner les lieux de travail sans mandat et à saisir les dossiers et les ordinateurs pour faire appliquer la loi.

La loi limite l’accès aux collèges publics pré-universitaires (appelés cégeps) où l’enseignement se fait en anglais. Au Québec, seuls les enfants dont les parents ou les frères et sœurs ont fréquenté des écoles anglaises au Canada sont autorisés à aller dans des écoles anglophones. De nombreux jeunes francophones sont déjà inscrits dans des cégeps anglophones afin d’améliorer leur anglais. Ce droit sera désormais restreint.

De plus, avec la loi 96, les étudiants dans les cégeps anglophones devront suivre trois cours en français additionnels pour obtenir leur diplôme. Ces cours s’ajoutent aux deux qu’ils doivent déjà suivre. Cette nouvelle exigence a été dénoncée entre autres par l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador et plusieurs autres organisations

De nombreuses communautés autochtones ont l’anglais et non le français comme langue seconde. L’apprentissage d’une troisième langue dans un cégep ajoutera des obstacles supplémentaires à l’éducation de jeunes autochtones, qui font déjà face à un taux élevé de décrochage scolaire.

Poussée par la Coalition Avenir Québec au pouvoir, la loi 96 suit l’adoption de la loi 21 en 2019. Au nom de la « laïcité », cette loi interdit à tous les employés du gouvernement de porter des symboles religieux au travail. Elle cible particulièrement les femmes musulmanes, les juifs et les sikhs qui portent le hijab, la kippa ou le turban.

Une montée du bilinguisme

Les habitants du Québec de langue maternelle française représentent environ 80 % de la population de la province. Historiquement, ils ont été opprimés et discriminés par les dirigeants canadiens. Cette situation a fourni aux patrons une arme pour favoriser les divisions basées sur la langue. Elle leur a permis de réduire les salaires et les conditions de travail d’une partie de la classe ouvrière, d’affaiblir les luttes des travailleurs pour défendre nos intérêts communs et de miner le mouvement ouvrier dans son ensemble.

Mais ces inégalités et ces divisions ont été largement surmontées au cours de quatre décennies de luttes massives, y compris de grèves acharnées dans les années 1970, qui ont gagné le soutien des travailleurs et des syndicats à travers le Canada.

« Contrairement à ce que prétend le gouvernement, le français n’est pas en déclin au Québec, a dit Katy LeRougetel. En 2016, plus de 94 % de la population pouvait converser en français. C’est la langue la plus utilisée au travail. »

Ce qui augmente, a-t-elle expliqué, c’est le bilinguisme français-anglais. De 1961 à 2016, le pourcentage de personnes bilingues au Québec a presque doublé, passant de 26 à 45 %.

« C’est cette unité croissante de la classe ouvrière que la loi 96 cherche à renverser, a poursuivi Katy LeRougetel. Cette unité menace les patrons et leurs gouvernements, qui tentent de résoudre sur notre dos la crise capitaliste qui s’aggrave. »

Elle a ajouté qu’il est crucial de débattre largement de cette question dans nos syndicats et dans la classe ouvrière, en soulignant que la plupart des responsables syndicaux soutiennent la loi 96, ce qui sape l’unité dont les travailleurs ont besoin.

Sur toutes les questions politiques, a-t-elle dit, les syndicats doivent agir indépendamment des partis patronaux et de leurs gouvernements et partir des intérêts communs des travailleurs. Cela nécessite la création de notre propre parti, un parti des travailleurs basé sur les syndicats, afin de mener la lutte pour prendre le pouvoir politique des mains des dirigeants capitalistes et établir un gouvernement des travailleurs et des agriculteurs.

Le forum a lancé la campagne de Katy LeRougetel pour les élections qui auront lieu le 3 octobre. La Ligue communiste présentera également Félix Vincent Ardea dans la circonscription de Marquette, dans l’ouest de Montréal.