La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, dirigée par le gouvernement du Nigéria, a rejeté le 21 août la proposition de la nouvelle junte militaire du Niger de renoncer à son pouvoir et d’organiser des élections dans un délai de trois ans. Cela accroît la menace d’un conflit, qui entraînerait des conditions encore plus dévastatrices pour les travailleurs et les agriculteurs.
Des gouvernements de la CEDEAO ont menacé d’intervenir militairement si des efforts diplomatiques ne parviennent pas à rétablir le pouvoir du président nigérien Mohamed Bazoum renversé par un coup d’État militaire le 26 juillet. « S’il le faut, nous irons au Niger avec nos propres contingents », a averti le 17 août Abdel-Fatau Musah, commissaire aux affaires politiques de la CEDEAO.
Le bloc des 15 gouvernements d’Afrique de l’Ouest a également suspendu toutes les transactions commerciales avec le Niger et a gelé les avoirs de l’État nigérien à la banque centrale régionale. Les dirigeants de la France et des États-Unis, qui ont des troupes stationnées dans le pays, ont suspendu leur aide financière, tout comme l’Union européenne. Le 22 août, les 55 pays membres de l’Union africaine ont suspendu le Niger et ont déclaré qu’ils imposeraient des sanctions aux membres de la junte militaire.
« Le Nigéria a coupé l’approvisionnement en électricité au Niger », a dit Ibrahim Hamadou, secrétaire général de l’Union des Syndicats Libres des Travailleurs du Niger, lors d’un entretien téléphonique avec le Militant le 17 août. « Les hôpitaux sont les plus touchés. Des opérations ont été annulées.
« La nourriture se détériore parce qu’il n’y a pas de réfrigération », a-t-il précisé, ajoutant que le prix d’un sac de riz a augmenté d’un tiers.
« S’ils laissent la frontière comme ça, les gens vont mourir », a dit à France 24 un chauffeur de camion nigérien qui a passé les deux dernières semaines à attendre de pouvoir entrer au Niger. « Il n’y a pas de travail. Du matin au soir, je n’ai rien à manger. »
« Les gens souffrent des sanctions, mais ils sont contre une intervention militaire, a dit Ibrahim Hamadou au Militant. Mon syndicat appuie le coup d’État. Je pense qu’il a été mal exécuté, mais maintenant une lutte pour se libérer des Français est en cours.
« Avant le coup d’État, il y avait déjà la famine, a ajouté Hamadou. Avec les djihadistes en liberté dans certaines régions, les paysans fuient et ne peuvent plus travailler la terre. Plus longtemps la terre est laissée à l’abandon, plus il est difficile de la rendre à nouveau productive. »
Une attaque menée par un groupe terroriste islamiste dans l’ouest du pays le 15 août a tué 17 soldats nigériens. Vingt autres ont été blessés. Des centaines de milliers de familles ont été chassées de leurs villages par les forces islamistes.
Boubacar Daoudou, qui gagnait sa vie en vendant des articles ménagers, a fui Tassia, dans l’ouest du Niger, avec sa femme et ses deux enfants après que son père et son oncle furent tués.
Lorsqu’ils sont arrivés dans la ville voisine de Gotheye, ils ont reçu un accueil chaleureux et de l’aide. Mais « je suis fatigué de demander encore de la nourriture et de l’eau, sans pouvoir travailler et gagner mon propre argent, a-t-il affirmé aux journalistes. Je suis au chômage, contre mon gré. Mon plus grand désir serait de retourner dans mon village natal, où je pourrais travailler, construire ma maison et contribuer à l’économie locale. »
Plus de 80 % des familles nigériennes vivent de l’agriculture ou de l’élevage. Ce pays de 25 millions d’habitants est l’un des plus pauvres au monde. L’espérance de vie y est de 63 ans. Seul le tiers des terres au sud du pays peut être utilisé pour l’agriculture, le reste étant le désert, qui continue de s’étendre à raison de plus de 100 000 hectares par an.
Dans d’autres régions, la terre a été détruite par la pollution. Après avoir extrait de l’uranium pendant près de 50 ans, une société française, Orano, a cessé ses activités à Arlit, au Niger, en 2021, laissant sur place 20 millions de tonnes de boue radioactive. Le sol et les eaux souterraines que boivent 100 000 habitants de la région sont contaminés.
Le 21 août, 300 camions, chargés principalement de nourriture, ont atteint Niamey, la capitale du Niger, en provenance du Burkina Faso, la dernière frontière ouverte.
Dans toute la région du Sahel, les groupes terroristes islamistes ont profité d’une profonde crise sociale et économique et de la méfiance à l’égard des anciennes puissances coloniales pour étendre leur influence, causant des ravages dans la vie des travailleurs. L’incapacité de l’armée de Paris à vaincre les islamistes a renforcé l’opposition des populations locales à l’intervention des forces françaises.
Depuis 2020, les gouvernements du Burkina Faso, de la Guinée et du Mali ont été renversés. Les régimes militaires du Mali et du Burkina Faso ont exprimé leur soutien au coup d’État au Niger, affirmant qu’une intervention de la CEDEAO serait également une « déclaration de guerre » contre eux.