600 000 travailleurs du secteur public en grève contre le gouvernement du Québec

John Steele
le 25 décembre 2023

MONTRÉAL — Le gouvernement du Québec va vers un affrontement avec quelque 600 000 travailleurs syndiqués, enseignants, employés de soutien en milieu scolaire, infirmières et travailleurs de la santé, travailleurs sociaux et autres travailleurs du secteur public, ainsi qu’avec la grande majorité des autres travailleurs, qui les soutiennent. Leurs contrats syndicaux ont expiré le 31 mars.

Au 10 décembre, le gouvernement avait refusé de répondre à leurs demandes d’augmentation de salaire pour se prémunir contre l’inflation et de prendre des mesures pour remédier à leurs conditions de travail intolérables, qui ont créé une crise dans les systèmes de santé et d’éducation au Québec. À la fin du mois de novembre, deux patients du service d’urgence d’un hôpital de la banlieue de Montréal sont décédés après avoir attendu des heures pour consulter un médecin.

Plus de 65 000 enseignants, membres de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), sont en grève depuis le 23 novembre. Plus de 420 000 travailleurs du secteur public membres du Front commun, qui regroupe quatre fédérations syndicales, ont entrepris une grève d’une semaine à partir du 8 décembre. Quelque 80 000 infirmières et autres travailleurs de la santé de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) se joindront, pendant quatre jours à compter du 11 décembre, aux autres syndicats en grève.

Après que tous les syndicats concernés ont rejeté les dernières propositions du gouvernement, les responsables du Front commun ont annoncé le 8 décembre que s’il n’y avait pas de règlement d’ici le 19 décembre, ils lanceraient une grève illimitée début janvier.

« Si on est obligés de le faire, on va le faire », a dit au quotidien Le Devoir Danny Guignard, qui travaille dans une école secondaire de Montréal depuis 38 ans.

Contrairement aux travailleurs, qui revendiquent un contrat de trois ans assorti d’augmentations de salaire permettant de combler le retard sur l’inflation, le gouvernement propose une augmentation globale dérisoire de 12,7 % sur cinq ans.

« J’enseigne depuis 18 ans. Chaque ronde de négociations m’a laissé plus pauvre en termes de pouvoir d’achat », a dit aux médias Robert Green, professeur d’histoire à l’école secondaire Westmount à Montréal. « Vous savez, nous n’avons jamais obtenu une augmentation supérieure à l’inflation. »

« Ça risque de brasser dans les prochaines semaines », a affirmé de façon arrogante le premier ministre du Québec, François Legault, à La Presse le 8 décembre, après que le Front commun a menacé de déclencher une grève illimitée.

« Pendant des décennies, nous n’avons pas réussi à améliorer les services d’éducation et de santé, en grande partie à cause de la rigidité des conventions collectives », a ajouté François Legault, qui blâme les syndicats. « Ce n’est pas juste que notre réseau soit géré par les syndicats plutôt que par des administrateurs. »

François Legault dit qu’il donnera plus d’argent si les syndicats font preuve de plus de « flexibilité ». Le Front commun a rétorqué que ce qu’il veut vraiment, c’est « arracher des pages de notre convention collective ».

Les travailleurs gagnent de la solidarité

Au cours des dernières semaines, des lignes de piquetage et des manifestations de travailleurs du secteur public ont eu lieu dans presque toutes les villes et tous les villages du Québec. À Montréal, des milliers de grévistes ont manifesté dans le hall principal du Centre de commerce mondial de Montréal parce que « le gouvernement Legault, c’est un gouvernement de riches qui gouverne pour les riches », a souligné Dominique Daigneault, une dirigeante du Front commun.

La grande majorité des travailleurs au Québec soutiennent ces grèves et manifestations syndicales. Cela se reflète dans la réponse à un appel pour aider les grévistes de la FAE dans le besoin. Le Syndicat des Métallos du Québec a annoncé le 11 décembre qu’il donnait 100 000 $ sous forme de cartes-cadeaux d’épicerie aux grévistes, exhortant les autres syndicats à suivre son exemple.

Stéphanie Caron, enseignante dans une école secondaire de langue française avec 22 ans d’ancienneté, a écrit dans une lettre ouverte publiée dans le quotidien en ligne La Presse qu’elle et tous les autres grévistes de la FAE n’avaient aucun revenu depuis le 23 novembre et que beaucoup ne pouvaient pas payer leurs factures. La FAE ne dispose pas de fonds de grève.

« Un groupe d’enseignants a lancé une page Facebook afin que les gens puissent soutenir les enseignants dans le besoin », a dit au Militant Josette Hurtubise, enseignante à la retraite et membre du Front commun. En quelques jours seulement, 10 000 personnes ont répondu à l’appel. « Les gens donnent des cartes-cadeaux pour de la nourriture, des médicaments et bien plus encore. »

Des partisans de la grève organisent des efforts supplémentaires dans toute la province.

Et malgré les difficultés rencontrées par les parents et les élèves en raison de la fermeture des écoles, le mouvement de grève bénéficie d’un large soutien de la part des parents.

« Ce que j’espère vraiment, c’est qu’ils leur donnent plus que ce qu’ils demandent. Je veux dire, Dieu sait qu’ils le méritent », a dit Gavin Sewell, parent d’un élève montréalais de 8 ans, au Globe and Mail.