Combattons les attaques contre les droits politiques ! Défendons le droit de Trump d’être candidat

Terry Evans
le 15 janvier 2024

Le 28 décembre, sans même une audience d’un tribunal, la secrétaire d’État du Maine, Shenna Bellows, a exclu Donald Trump du scrutin présidentiel, à la suite d’une décision similaire de la Cour suprême du Colorado. Les deux décisions se fondent sur la section 3 du 14e Amendement, adopté en 1868 pour empêcher les anciens officiers rebelles confédérés d’accéder à des charges publiques après leur défaite lors de la Deuxième Révolution américaine, la guerre pour renverser l’esclavage.

Les questions soulevées par l’attaque contre Trump sont importantes, car nous, les travailleurs, sommes aujourd’hui confrontés à une crise économique et sociale engendrée par les rouages du capitalisme et nous cherchons des moyens de faire progresser nos intérêts de classe. Pour cela, nous avons besoin de droits constitutionnels.

La section 3 a été adopté dans le cadre des profondes avancées révolutionnaires qui ont suivi la guerre civile. De nombreux anciens officiers confédérés ont mené des batailles féroces pour priver les Américains africains de leurs terres et de l’égalité des droits, y compris le droit de vote.

L’exclusion de Trump n’a rien à voir avec ces luttes, mais elle porterait un coup sérieux aux droits constitutionnels fondamentaux, en empêchant les travailleurs de voter pour le candidat de leur choix. Alors que les décisions du Colorado et du Maine font l’objet d’un appel, les démocrates font des heures supplémentaires pour utiliser un torrent d’affaires judiciaires afin de court-circuiter les élections de 2024 et de faire basculer le vote en faveur de l’impopulaire président Joseph Biden.

En plus de ces contestations du droit de Trump de se présenter aux élections, ce dernier sera jugé le 4 mars à Washington, sur la base des accusations du département de la Justice selon lesquelles il aurait conspiré pour renverser le résultat de l’élection de 2020. Le 25 mars, il sera jugé à New York pour le « crime » d’avoir demandé à son avocat d’effectuer des paiements occultes en 2016. La date du 20 mai a été fixée en Floride pour le procès pour des accusations venant du département de la Justice, selon lesquelles Trump aurait conservé des documents prétendument classifiés après avoir quitté ses fonctions, un « crime » dont la plupart des anciens présidents sont coupables. Le 5 août est la date provisoire du procès pour des accusations de racket déposées par des procureurs démocrates en Géorgie.

L’ampleur de cette chasse aux sorcières partisane contre un homme politique capitaliste au cours d’une campagne électorale est sans précédent. Si les démocrates peuvent empêcher Trump de se présenter, cela créera un précédent que les dirigeants capitalistes utiliseront pour faire la même chose et bien pire aux candidats du Parti socialiste des travailleurs et à d’autres.

Dans l’État du Maine, Shenna Bellows prétend que, dans son discours du 6 janvier 2021, Trump a fait appel à une « rhétorique incendiaire » pour « empêcher un transfert pacifique du pouvoir ». En réalité, il a exprimé son opinion sur les résultats de l’élection et a exhorté les manifestants à être pacifiques, ce qui est tout-à-fait dans les limites de la liberté d’expression. Shenna Bellows s’appuie sur les témoignages des démocrates durant une audience du Congrès portant sur l’entrée par effraction du 6 janvier au Capitole. Mais il s’agissait d’un simulacre de procès, mis en scène par les démocrates et les républicains Plus-Jamais-Trump qui s’appuyaient sur des vidéos lourdement éditées, rendant impossibles tous contre-interrogatoires ou témoignages opposés.

Au Colorado, le juge de la Cour suprême Carlos Samour a émis une opinion dissidente, soulignant que les États n’ont pas le pouvoir d’appliquer la section 3.

La section 5 du 14e Amendement stipule sans ambigüité que « le Congrès aura le pouvoir de faire appliquer, par une législation appropriée, les dispositions du présent article ». Personne d’autre. Quelques mois seulement après l’émeute du 6 janvier, le Congrès a considéré une législation visant à faire appliquer la section 3 contre les soi-disant insurgés, mais il ne l’a pas adoptée.

La loi remonte à la guerre civile

La victoire du Nord dans la guerre civile a ouvert la voie à des batailles de classe qui ont changé le pays à jamais.

Les esclaves libérés ont dirigé de puissantes luttes afin d’établir des gouvernements de Reconstruction pour renforcer leur lutte pour leurs droits, la propriété, la terre et le pouvoir politique. Ils ont gagné l’éducation publique pour tous. Ils ont repoussé les tentatives visant à les forcer à rejoindre des groupes de travail contractuel sur les plantations des anciens esclavagistes. Face à une résistance violente, les esclaves libérés ont joué un rôle déterminant dans la lutte pour l’adoption des 13e, 14e et 15e Amendements qui ont aboli l’esclavage et la servitude involontaire, garanti la citoyenneté américaine aux esclaves libérés et reconnu leur droit de vote.

L’adoption de la section 3 ne cherchait pas à limiter les droits de vote, mais à aider ces luttes contre les anciens esclavagistes.

En 1870, le Congrès a adopté la première loi sur le Klu Klux Klan pour protéger davantage les droits de vote des Noirs en réponse à la violence des suprémacistes blancs dans le Sud. La section 3 de la Loi visait à révoquer les fonctionnaires qui tentaient d’empêcher les Noirs de voter.

Cela a empêché Zebulon Vance, un ancien colonel de l’armée confédérée, d’occuper son siège au Sénat américain en 1871. L’assemblée législative de la Caroline du Nord l’avait nommé après que des voyous racistes eurent supprimé le droit de vote des Noirs, ce qui avait permis à Zebulon Vance d’obtenir la majorité au sein du corps législatif.

Ces mesures visaient à consolider la défaite d’une véritable insurrection, la Sécession du Sud et le début de la guerre civile. Rien de ce que Donald Trump a fait le 6 janvier ne ressemble de près ou de loin à ce que les anciens esclavagistes ont fait après la guerre civile, pas plus que la tentative de l’exclure de la présidence aujourd’hui ne ressemble à la lutte pour la Reconstruction.

Il a fallu une contrerévolution sanglante pour écraser la Reconstruction radicale. En 1877, les deux partis capitalistes, les démocrates et les républicains, se sont mis d’accord pour retirer du Sud les troupes de l’Union, ce qui a conduit à un règne de terreur par les bandes racistes et à l’imposition de la ségrégation de Jim Crow, la pire défaite jamais subie par la classe ouvrière aux États-Unis.

Dans le cadre de cette contrerévolution, le Congrès a adopté un projet de loi d’amnistie, qui supprimait les restrictions relatives à la fonction publique pour tous les anciens confédérés sauf quelques centaines.

Loi inutilisée

Depuis lors, la section 3 n’a été utilisée que deux fois, et dans un but très différent. En 1918, Victor Berger, candidat du Parti socialiste au Wisconsin, a été élu au Congrès, mais on lui a interdit d’exercer ses fonctions en vertu de la section 3, ostensiblement parce qu’il avait été condamné pour le « crime » de s’être prononcé contre l’entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale impérialiste.

Le seul recours réussi à la section 3 pour destituer un élu depuis plus d’un siècle a été contre Couy Griffin. Il a été démis de ses fonctions de commissaire de comté au Nouveau-Mexique en tant qu’insurgé parce qu’il a été condamné pour un délit mineur d’intrusion sur le terrain entourant le Capitole le 6 janvier. Il n’est jamais entré dans le bâtiment lui-même.

La Cour suprême du Colorado a disqualifié Donald Trump en vertu d’un article du code électoral de l’État qui stipule que tout candidat qui n’a pas le droit d’exercer ses fonctions après avoir été élu ne peut figurer sur le bulletin de vote. Une loi similaire existe à New York. Cette loi, décrite par le New York Times en 1967 comme le « projet de loi anti-Judy White », a été adoptée après qu’elle s’est présentée au poste de gouverneure en tant que candidate du Parti socialiste des travailleurs. Judy White avait 28 ans et était considérée comme étant « trop jeune » pour occuper un poste.

Il s’agit d’un exemple frappant de la façon dont les attaques des démocrates et des républicains contre les droits constitutionnels finissent par heurter la classe ouvrière.