MONTRÉAL — Le pogrom meurtrier perpétré par le Hamas le 7 octobre contre les Juifs en Israël a mis en évidence le danger de la violence haineuse à l’égard des Juifs du monde entier à mesure que la crise du capitalisme s’aggrave. Il montre également pourquoi l’existence d’Israël est essentielle, en tant que refuge pour les Juifs.
L’existence d’Israël a été rendue inévitable par trois faits historiques majeurs : la trahison par les partis staliniens contrerévolutionnaires des possibilités réelles pour les travailleurs en Europe de prendre le pouvoir politique dans les années 1930 ; le fait que les dirigeants impérialistes de Washington, de Londres, d’Ottawa et d’ailleurs ont refusé d’ouvrir leurs frontières aux Juifs qui cherchaient à fuir les persécutions nazies avant, pendant et après la Deuxième Guerre mondiale ; et l’horreur de l’Holocauste, le massacre de six millions de Juifs, soit 40 % de la population juive du monde entier.
Le Parti communiste stalinisé d’Allemagne a refusé de forger une alliance avec le Parti social-démocrate pour lutter contre Adolf Hitler, en prétendant que les nazis ne pourraient pas se maintenir au pouvoir et que le Parti communiste prendrait ensuite le pouvoir. Hitler a été nommé chancelier le 30 janvier 1933, ce qui a conduit à l’écrasement des travailleurs allemands et de leurs syndicats. Son parti fasciste meurtrier a entraîné le pays dans le deuxième carnage impérialiste mondial.
Blâmer les Juifs pour la profonde crise économique et sociale qui ravageait l’Allemagne et lancer une campagne concertée visant à éliminer tous les Juifs de la surface de la terre étaient au centre du programme nazi.
Face à la terreur fasciste, les Juifs ont tenté de fuir l’Allemagne et l’Europe dans son ensemble. Mais de 1933 à 1945, seuls 5 000 Juifs ont été admis au Canada, le chiffre le plus bas de tous les pays impérialistes du monde, qui avaient tous décidé de fermer leurs frontières. Cette politique a été menée par Frederick Blair, directeur de l’immigration du gouvernement canadien, un antisémite déclaré.
Aucun, c’est déjà trop
Lorsqu’on a demandé à un haut fonctionnaire combien de Juifs le gouvernement canadien accepterait d’accueillir, il a répondu : « Aucun, c’est déjà trop. » Cette citation est devenue célèbre lorsqu’un livre portant ce nom, None Is Too Many, a été publié en 1982 par Irving Abella et Harold Troper. Les auteurs ont mis en lumière des milliers de lettres écrites par des Juifs d’Europe cherchant refuge et rejetés par le gouvernement à Ottawa.
Des syndicats et des organisations juives du Canada ont fait pression sur le gouvernement pour qu’il ouvre les portes à un grand nombre de réfugiés juifs et autres. Le 11 juillet 1933, une grève de deux heures et un rassemblement de 25 000 travailleurs ont eu lieu à Toronto pour protester contre les violences antisémites commises par les nazis en Allemagne. Cette action a été menée par l’Union internationale des ouvriers et ouvrières du vêtement pour dame et les Travailleurs amalgamés du vêtement et du textile, qui comptaient tous deux un grand nombre de membres juifs. L’action a été appuyée par des organisations politiques de la classe ouvrière dont le Parti communiste et l’Opposition de gauche internationale, prédécesseur de la Ligue communiste au Canada aujourd’hui.
Les 8 et 9 novembre 1938, le pogrom dirigé par les nazis contre les Juifs, connu sous le nom de « Nuit de Cristal », a eu lieu dans toute l’Allemagne. Des voyous fascistes ont détruit au moins 267 synagogues et 7 000 entreprises juives, vandalisé des cimetières et des écoles, détruit un nombre incalculable de maisons, assassiné au moins 91 Juifs et violé des centaines de femmes. Trente mille Juifs ont été pris dans une rafle et envoyés dans des camps de concentration.
Les syndicats canadiens exigent une action
Onze jours plus tard, des rassemblements ont été organisés dans tout le pays par le Congrès juif canadien pour demander l’admission de réfugiés juifs. Vingt mille personnes se sont rassemblées à Toronto, 4 000 à Winnipeg, 600 à Québec et bien d’autres dans d’autres villes du Canada. Le 23 novembre, un groupe de dirigeants juifs a rencontré le premier ministre William Lyon McKenzie King et le ministre de l’Immigration de l’époque, Thomas Crerar, pour demander à Ottawa d’admettre 10 000 réfugiés juifs. Plus tôt dans l’année, King avait écrit qu’il avait l’intention de garder le Canada « libre de toute agitation et d’un trop grand mélange de sang étranger. »
Le gouvernement a refusé de céder. Le 7 juin 1939, le paquebot transatlantique St-Louis, transportant 900 passagers, a été refoulé du Canada après avoir tenté en vain d’accoster à Cuba et aux États-Unis. Presque tous les passagers étaient juifs. L’équipage du navire n’a eu d’autre choix que de retourner en Europe, où 253 des passagers allaient périr dans l’Holocauste.
Avec la défaite de l’Allemagne et la fin de la guerre, un quart de million de Juifs qui avaient survécu aux camps de concentration nazis ont été détenus dans des « camps de personnes déplacées » mis en place en Allemagne, en Autriche et en Italie par les gouvernements alliés victorieux. Nombre d’entre eux étaient d’anciens camps de concentration ou des casernes de l’armée allemande. Les personnes mises en quarantaine dans ces camps cherchaient désespérément à se réfugier à l’étranger, mais en vain.
Après la guerre, des travailleurs à travers l’Europe ont mené des luttes révolutionnaires, en Grèce, en France et en Italie. Des victoires auraient pu transformer la situation des Juifs, mais ces opportunités ont été trahies par les staliniens de chaque pays, soutenus par Joseph Staline en Union soviétique.
Les frontières du Canada sont restées largement fermées aux Juifs. Entre 1945 et 1948, sur les 65 000 réfugiés admis dans le pays, seulement 8 000 étaient des Juifs.
Tous les autres moyens de se réfugier étant coupés, les Juifs des camps de personnes déplacées ont tenté de gagner la Palestine. L’exemple le plus connu est celui du bateau Exodus, avec quelque 4 500 Juifs à bord, qui a atteint le port de Haïfa. Mais les autorités coloniales britanniques ont brutalement attaqué le bateau, tuant trois personnes et en blessant beaucoup d’autres, ce qui a obligé l’équipage à ramener ses passagers en France.
Quelque 52 000 Juifs tentant de rejoindre la Palestine ont été retenus par l’armée britannique dans des camps de détention situés à Chypre, derrière des barbelés. Dans ces conditions, les Juifs de Palestine se sont battus pour créer l’État d’Israël. En 1948, Israël a été reconnu par les Nations unies et la Grande-Bretagne. Au total, quelque 700 000 réfugiés juifs ont trouvé le moyen de s’y rendre malgré toutes les tentatives de les en empêcher.
La façon dont les dirigeants capitalistes du Canada ont fermé leurs frontières aux Juifs confirme les propos d’Abram Leon dans La question juive : Une interprétation marxiste : « Il n’y a pas de solution à la question juive en régime capitaliste, comme il n’y a pas de solution aux autres problèmes qui se posent à l’humanité sans de profonds bouleversements sociaux. »
Ce qu’il faut, c’est une révolution socialiste, au Canada et dans le monde entier. Et pour cela, les travailleurs doivent construire des partis communistes qui mèneront la lutte pour renverser le capitalisme et prendre le pouvoir politique.