CALAIS, France – Plus de 4 000 migrants, jeunes pour la plupart, campent maintenant dans ce qu’ils appellent la « Nouvelle Jungle » à la périphérie du port. Ils fuient la guerre, la crise économique et les conséquences sociales de l’exploitation impérialiste en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. Des milliers ont tenté d’utiliser le tunnel sous la Manche, de Calais à Folkestone, pour chercher refuge au Royaume-Uni. Plusieurs centaines y sont parvenues.
« Nous nous sommes rencontrés au Soudan, » ont dit David et Kebron, des étudiants d’origine éthiopienne, aux membres de la Ligue communiste au Royaume-Uni qui ont visité le camp ici le 8 août et se sont joint à une manifestation sous le thème « Ouvrez les frontières. »
Trois quotidiens britanniques – le Times, l’Express et le Telegraph – ont mentionné la participation de la Ligue communiste.
Les deux jeunes ont décrit en détail leur long voyage – dont la traversée de 12 jours en voiture, à toute vitesse et sans s’arrêter, du désert du Sahara, du Soudan à la Libye. Comme de nombreux habitants du camp, qui sont tous considérés comme « illégaux » par les gouvernements français et britannique, ils ont refusé de donner leurs noms de famille.
David et Kebron ont tous les deux été arrêtés en Libye. Kebron a été sortie de la prison pour femmes et envoyée de force à la maison d’une gardienne de prison où elle a été contrainte de travailler sans rémunération comme domestique. Les deux se sont échappés et se sont retrouvés pour traverser la Méditerranée.
Près de 250 000 personnes ont fait la traversée de la mer vers l’Italie ou la Grèce cette année et plus de 2 000 sont morts au cours de leur tentative.
« Ici, nous sommes frères et sœurs »
David et Kebron ont réussi et fini par arriver à Calais. Alors que les travailleurs éthiopiens et érythréens sont montés les uns contre les autres par les dirigeants capitalistes de la Corne de l’Afrique dans une politique de diviser pour mieux régner, dans la Nouvelle jungle, n’ont cessé de répéter les résidents du camp, « nous sommes frères et sœurs. »
La Nouvelle jungle abrite également des migrants venus du Moyen-Orient et d’Asie. Originaire du Pakistan, Zee nous a raconté comment lui et d’autres s’y sont pris pour arriver à Calais en traversant l’Iran, la Turquie, la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie, l’Autriche et l’Italie.
Le camp de fortune prend des allures de permanence. Il y a deux écoles, deux mosquées, une église, trois « restaurants » et quelques magasins d’alimentation. Certains jours, il y a un générateur pour recharger les téléphones portables.
Le gouvernement français a établi un centre aux abords du camp, qui fournit un repas par jour pendant la semaine et quelques logements pour les femmes et les enfants.
« Le gouvernement voulait faire cesser l’éclosion de camps tout autour de la ville, » a dit François Guenoc, l’un des quelque 200 bénévoles qui apportent une aide alimentaire aux résidents de la Nouvelle jungle.
« Nous aimerions aller au Royaume-Uni parce que nous parlons anglais, » nous a dit David. « Mais les nouvelles mesures prises par le gouvernement britannique et la répression extrêmement concentrée du gouvernement français le rendent plus difficile. »
Même si les flics ont récemment reculé et cessé d’intervenir directement dans la Nouvelle jungle, ils refoulent les gens qui tentent la traversée avec matraques, gaz lacrymogène et gaz poivre. Les policiers sont aussi entrés dans les maisons de plusieurs habitants de Calais qu’ils accusent de donner illégalement nourriture et abri aux immigrants sans-papiers.
Vague de migration vers l’Europe
La grande majorité des nouveaux arrivants en Europe se dirige vers l’Allemagne ou la Suède en traversant la Grèce et la Hongrie. Le gouvernement allemand s’attend à recevoir quelques 800 000 personnes cette année.
En cours de route, les immigrants font face à la police anti-émeute en Grèce, à des policiers et soldats en Macédoine, à de plus en plus de contrôles frontaliers en Hongrie et au Royaume-Uni, et à une propagande anti-immigrants accrue de la part des dirigeants capitalistes.
Les efforts de certains gouvernements de l’Union européenne pour renforcer leurs frontières et les désaccords politiques entre eux sur la façon de répondre à la vague d’immigration accélèrent l’érosion de « l’union sans cesse plus étroite » inscrite dans le traité fondateur de l’UE.
Des organisations de droite ont tenu des manifestations contre les immigrants en Allemagne, où on a aussi rapporté des dizaines d’incendies criminels. Les actions contre les immigrants ont attiré peu de participants en France et en Grande-Bretagne.
Au même moment, de nombreux travailleurs en Europe ont exprimé leur solidarité. En réponse à la décision du gouvernement hongrois de construire une clôture contre les immigrants le long de sa frontière sud avec la Serbie, 100 bénévoles de Szeged, la troisième plus grande ville du pays, ont formé « Solidarité migrante. » Le groupe fournit nourriture et soins de santé et aide ceux qui veulent rester à remplir leur demande d’asile.
Le gouvernement britannique continue d’accentuer son cours anti-immigrants. « L’Europe ne peut se protéger et préserver son niveau de vie et ses infrastructures sociales si elle doit absorber des millions de migrants en provenance d’Afrique, » a déclaré le 9 août à la BBC le ministre des Affaires étrangères, Philip Hammond.
Le Parti travailliste, dans l’opposition, a également fait pression pour restreindre l’immigration.
Le gouvernement a annoncé des mesures visant à emprisonner les propriétaires louant un logement aux travailleurs sans papiers et à intensifier les descentes contre les migrants qui travaillent illégalement et les patrons qui les emploient en le sachant.
Des actions ont eu lieu au Royaume-Uni pour défendre les migrants. Le Mouvement pour la justice a mobilisé 400 personnes le 8 août à l’extérieur du centre de détention pour migrants de Yarlswood à Bedfordshire pour réclamer sa fermeture. C’est la seconde action de ce type en trois mois.
Quelque 200 personnes, dont 20 rabbins, ont signé une lettre du Conseil juif pour l’égalité raciale condamnant l’approche du gouvernement. « Notre expérience en tant que réfugiés n’est pas si lointaine et nous n’avons pas oublié ce que c’est qu’être diabolisés pour rechercher sa sécurité, » écrivent-elles, faisant référence au sort des Juifs fuyant la terreur nazie qui a suivi la montée d’Hitler au pouvoir en 1933.
La question de l’immigration est un sujet de discussion sur les lieux de travail partout dans le pays. Beaucoup répètent la position du gouvernement. D’autres sont en désaccord.
« De nos jours, l’immigration est imposée, » a dit Teame Berhe, un travailleur originaire de l’Erythrée à l’usine de biscuits McVitie’s de Londres. « Et les principaux responsables du problème sont des pays comme la Grande-Bretagne et les États-Unis qui s’ingèrent directement ou indirectement ou créent des bouleversements politiques. Ces pays doivent assumer leur responsabilité envers les réfugiés au lieu de les empêcher de venir. »