Des milliers de cheminots canadiens luttent pour la sécurité

John Steele
le 2 décembre 2019
Des cheminots du CN à Brampton, en Ontario, le 19 novembre, en grève pour la sécurité.
CBC/MEAGAN FITZPATRICKDes cheminots du CN à Brampton, en Ontario, le 19 novembre, en grève pour la sécurité.

Armés de pancartes du syndicat des Teamsters et de pancartes faites à la main sur lesquelles on pouvait lire « En lutte pour la sécurité » ou « Fatigués d’être fatigués, » plus de 3 000 chefs de train, agents de train et agents de triage de la compagnie ferroviaire Canadien National sont entrés en grève partout au pays le 19 novembre, paralysant ainsi la plus grande compagnie de transport de marchandises.

La convention collective du syndicat des cheminots est venue à échéance le 23 juillet. Les pourparlers, dans lesquels le gouvernement canadien a agi comme intermédiaire, ont échoué en raison des exigences des patrons, qui insistent pour obtenir des concessions afin d’augmenter leurs profits au mépris de la santé et de la vie des cheminots. Les travailleurs ont répondu par un vote de grève à 99,2 pour cent. Cette grève est la première au Canadien National en une décennie.

Les patrons exigent une réduction des temps de repos et une augmentation du temps supplémentaire qu’ils peuvent imposer aux travailleurs durant un quart de travail. Ils veulent également réduire les possibilités de congés pour les travailleurs.

L’utilisation de télécommandes dans les cours de triage est une autre grande menace à la sécurité. Le syndicat lutte pour empêcher les patrons du CN de forcer les travailleurs à s’agripper « d’une main à un train en mouvement tout en manœuvrant la locomotive de l’autre à l’aide d’une télécommande. »

La compagnie exige d’autres concessions, y compris une limite à vie de la couverture des médicaments d’ordonnance.

Le jour précédant la date de tombée de la grève, les patrons du Canadien National ont annoncé qu’ils allaient couper 1600 emplois, dans les bureaux et parmi les syndiqués. Le CN compte 24 000 employés en Amérique du Nord. Le syndicat a rejeté l’arbitrage exécutoire revendiqué par le CN et les pressions des fonctionnaires du gouvernement pour ne pas faire la grève. Les deux parties poursuivent les négociations à Montréal.

« On est fatigués d’être fatigués, » a expliqué Daniel Walter, le porte-parole de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, aux reporters de Radio-Canada sur la ligne de piquetage à Calgary, le 19 novembre. « Nous transportons constamment des produits dangereux dans des régions très peuplées et nous avons besoin d’être reposés. Tout cela pendant que le CN a fait plus de 3,8 milliards de dollars au dernier trimestre. »

Le Bureau fédéral de la sécurité des transports a déclaré que la fatigue était un problème de sécurité majeur dans 90 enquêtes qu’il a menées sur des déraillements et autres incidents survenus depuis 1992. Cela comprend le déraillement et l’explosion de pétrole brut qui ont détruit le centre-ville de Lac-Mégantic et fait 47 morts en 2013. Les grévistes du rail disent : « Assez, c’est assez. »

Au Canada, 50 pour cent de toutes les marchandises sont transportées par chemin de fer. Des organisations patronales telles que l’Association canadienne de l’industrie de la chimie (ACIC) et l’Association minière du Canada exhortent le gouvernement du Parti libéral de Justin Trudeau d’adopter une loi pour tenter de forcer les cheminots à retourner au travail. Les gouvernements provinciaux de l’Alberta et de la Saskatchewan soutiennent les demandes des patrons. Une partie du grain est transportée actuellement par le personnel de gestion, mais des milliers de tonnes supplémentaires sont bloquées dans les entrepôts.

Les gouvernements provinciaux de l’Ouest du Canada et les patrons pétroliers sont parmi ceux qui demandent au gouvernement Trudeau de mettre fin à la grève.

Depuis 2012, trois grèves de cheminots du Canadien Pacifique, le deuxième transporteur de marchandises en importance au pays, ont été interrompues lorsque le gouvernement a promulgué ou menacé d’adopter une loi de retour au travail.

Le gouvernement minoritaire de Trudeau se maintient grâce à l’appui du Parti Nouveau démocratique, qui a déclaré qu’il ne soutiendra pas un projet de loi visant à mettre fin à la grève. Les libéraux ont perdu le vote populaire dans le pays et ont subi une débâcle dans l’Ouest, lors des élections fédérales du 21 octobre.