MONTRÉAL — Deux semaines après la grève des 3 200 travailleurs du Canadien National contre les conditions dangereuses que les patrons leur imposent, du 19 au 26 novembre, un train de pétrole brut du Canadien Pacifique a déraillé et a pris feu le 9 décembre près de la ville de Guernsey en Saskatchewan.
Personne n’a été blessé, mais il a fallu plus de 24 heures pour éteindre les flammes. Il faudra des semaines pour nettoyer près de 1,2 milliard de litres de pétrole déversés.
« Nous avons eu très peur, » a dit au Saskatoon Star Phoenix Melanie Loessl, qui a vu le feu brûler près de son entrée après son retour à la maison. « Nous ne savions pas si les wagons allaient exploser ou ce qu’ils feraient. »
« Depuis la catastrophe de Lac-Mégantic en 2013, » a rapporté le Globe and Mail le 9 décembre, « plusieurs déraillements en Amérique du Nord ont vu des wagons de pétrole prendre feu. » Un train de pétrole sans surveillance de la Montreal, Maine and Atlantic a déraillé, explosé et brûlé, entraînant la mort de 47 personnes et détruisant le centre-ville.
Depuis la catastrophe de 2013, la quantité de pétrole transportée par les sociétés ferroviaires canadiennes a presque doublé.
Le Canadien Pacifique, la deuxième plus grande compagnie de chemin de fer au Canada, a annoncé le 20 novembre qu’elle avait signé une entente pour acheter la compagnie ferroviaire Central Maine and Quebec qui traverse la ville de Lac-Mégantic. Cette compagnie avait pris possession de la voie ferrée après la faillite de la Montreal, Maine and Atlantic. Sous la pression du public, elle ne fait toujours pas circuler de trains de pétrole à travers Lac-Mégantic, mais elle continue de transporter d’autres produits chimiques toxiques et volatils.
En acquérant la Central Maine and Quebec Railway, les patrons du Canadien Pacifique se fraient un accès aux plus grands ports de la côte Atlantique du Canada, ce qui leur permet de transporter du pétrole brut à travers Lac-Mégantic jusqu’à la raffinerie d’Irving Oil à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick.
La « grève pour la sécurité » des travailleurs du Canadien National a démontré que depuis la catastrophe de Lac-Mégantic, les conditions de sécurité ont continué de s’aggraver. Elle a mis en évidence ce que les cheminots doivent affronter aujourd’hui : une offensive des patrons des chemins de fer pour réduire les coûts en réduisant la taille des équipages, les temps de repos, en obligeant les travailleurs à faire plus d’heures supplémentaires et en modifiant leurs horaires pour faire passer les profits avant leur vie, leur corps et leur santé. Les membres du syndicat des Teamsters discutent maintenant et votent sur le contrat que les dirigeants du syndicat ont négocié avec l’entreprise.
Une poursuite blâme le CP pour Lac-Mégantic
Le pétrole brut hautement volatile impliqué dans le désastre de Lac-Mégantic avait été transporté par le Canadien Pacifique des champs de pétrole de schiste de Bakken au Dakota du Nord jusqu’au Québec. On avait délibérément mal identifié les wagons citernes pour diminuer les coûts d’expédition. Depuis, les patrons de la compagnie ont décliné toute responsabilité pour le désastre, affirmant qu’ils ont été dégagés de toute responsabilité lorsqu’ils ont cédé le train à la Montreal, Maine and Atlantic.
Pas vraiment, selon une poursuite de 200 millions de dollars que 5 000 personnes, qui ont perdu des êtres chers, leur maison ou leur entreprise, ont entamée contre le Canadien Pacifique et les patrons de l’ancienne MMA. Le chargement de pétrole « ne visait qu’à augmenter les profits et couper les coûts pour le CP, au détriment des communautés le long de la voie ferrée, incluant Lac-Mégantic, » a dit à la Presse canadienne Joel Rochon, un des avocats des plaignants, après le dépôt de la poursuite.
Vingt-cinq autres compagnies inclues dans la poursuite originelle de 2017 en ont été retirées lorsqu’elles ont accepté, avec le gouvernement canadien, de contribuer 450 millions de dollars à un fonds pour les victimes. Les patrons du Canadien Pacifique ont refusé de conclure une entente.
Tom Harding, le mécanicien de locomotive et membre des Métallos qui constituait « l’équipage » d’une seule personne qui a stationné le train la nuit du désastre de Lac-Mégantic, était aussi nommé dans la poursuite.
En 2018, un jury de travailleurs a acquitté Tom Harding et son compagnon de travail Richard Labrie de l’accusation fabriquée par le gouvernement de négligence criminelle. Leur acquittement reflétait l’opinion très répandue parmi les travailleurs que les patrons du chemin de fer, Ottawa et Transports Canada utilisaient Harding et Labrie comme boucs émissaires.
Dans un communiqué en appui aux grévistes du Canadien National, la Coalition des citoyens et organismes engagés pour la sécurité ferroviaire à Lac-Mégantic a rappelé comment elle avait appuyé Tom Harding contre le coup monté. Elle a affirmé que le cheminot syndiqué était « un homme injustement accusé par une industrie insensible et ingrate envers ses travailleurs, mais pourtant si affable envers ses actionnaires. »
Le 28 novembre, Tom Harding a remporté une autre victoire lorsqu’un juge de Lac-Mégantic a rendu une décision en faveur de sa motion de le dégager de la poursuite. En retour, Harding a accepté de témoigner en faveur de ceux qui poursuivent le Canadien Pacifique, quand commencera le procès l’année prochaine.
Encore aujourd’hui, le centre-ville de Lac-Mégantic reste un grand terrain vague. Des wagons-citernes pleins de produits chimiques dangereux continuent de traverser la ville tous les jours. La construction d’une voie de contournement, promises par Ottawa et le gouvernement du Québec sous la pression de la population et de groupes d’activistes comme la Coalition des citoyens, n’a pas encore commencé.