DALLAS – La Cour suprême des États-Unis a décidé, par un vote de 5 contre 4, de rejeter l’injonction temporaire que réclamaient des prestataires d’avortements afin d’empêcher l’application d’une loi du Texas entrée en vigueur le 1er septembre. La loi interdit la plupart des avortements après six semaines de grossesse. Contrairement aux lois similaires adoptées dans d’autres États, la loi du Texas autorise toute personne qui le souhaite, ainsi que l’État, à prendre des mesures pour l’appliquer.
Cette loi sans précédent permet à quiconque de réclamer des dommages et intérêts de 10 000 $ ou plus des médecins, des infirmières, des bénévoles et conseillers des cliniques, des membres de la famille ou de toute personne qui, selon eux, a aidé une femme à se faire avorter ou à collecter des fonds pour couvrir la procédure. Les seules exceptions sont les cas d’urgence médicale mettant la vie en danger. Ça ne comprend ni le viol ni l’inceste.
La plupart des femmes ne savent même pas qu’elles sont enceintes avant la sixième semaine.
En décidant majoritairement de ne pas bloquer la loi, le tribunal n’a rendu aucune décision explicite à propos de sa constitutionnalité, affirmant que sa décision n’avait été prise que pour des motifs de procédure. Il indique également que les femmes ont accès à une protection juridique en vertu de la loi de l’État du Texas. Alors que certains médias et politiciens libéraux prétendent que cette décision signifie que la lutte pour le droit à l’avortement est terminée, en fait, avec la nouvelle loi du Texas, il devient plus nécessaire de renforcer la défense des droits des femmes.
Dans une opinion dissidente appuyée par les juges Stephen Breyer et Elena Kagan, le juge en chef John Roberts a convenu qu’il y avait des questions de procédure compliquées en cause, mais a déclaré que le tribunal aurait dû suspendre la loi du Texas. Il a ajouté que le tribunal a tout-de-même « clarifié le fait qu’on ne peut interpréter sa décision comme une reconnaissance de la constitutionnalité de la loi en cause ».
Des manifestations contre la loi ont été organisées dans tout l’État dès son entrée en vigueur, notamment à Austin, Houston, Dallas, Edinburg et San Antonio. « Nous n’allons pas cesser de lutter pour nos droits et pour nos corps », a affirmé Valerie Beck à la presse lors de l’action à Austin.
« Vous n’arrêtez pas les avortements, vous les rendez juste dangereux », pouvait-on lire sur des pancartes lors d’une manifestation de 60 personnes à Austin.
« Davantage d’actions sont nécessaires », a indiqué au Militant Alyson Kennedy, présidente de la campagne du Parti socialiste des travailleurs de l’État. « Les candidats du SWP à travers le pays se battent pour défendre les cliniques qui offrent des services de planification familial, y compris le droit à un avortement sûr et sécuritaire. La défense de ce droit est fondamentale pour que les femmes puissent contrôler leur vie et pour lutter pour la pleine égalité sociale, économique et politique. »
« Nous devons nous organiser indépendamment des partis démocrate et républicain. Ces derniers n’ont rien fait pour organiser une riposte aux attaques croissantes contre le droit des femmes de choisir », a ajouté Alyson Kennedy.
L’organisation Droit à la vie, Est du Texas, a organisé une campagne de « sanctuaire pour les enfants à naître » qui a mené à l’adoption d’ordonnances interdisant l’avortement dans près de 30 villes du Texas. En juin, l’Organisation pour le planning des naissances a fermé ses services d’avortement à Lubbock, après qu’un juge eut décidé qu’il n’avait aucun motif légal d’arrêter une soi-disant ordonnance de sanctuaire là-bas.
En 1973, dans sa décision de Roe contre Wade, la Cour suprême a légalisé l’avortement, autorisant la procédure jusqu’à ce que le fœtus puisse vivre en dehors de l’utérus, alors considéré comme se produisant à environ 24 semaines. Mais à partir du moment où la loi a été adoptée, les opposants aux droits des femmes ont réclamé de nouvelles lois et intenté des recours juridiques visant à restreindre ce droit, à fermer les cliniques de soins familiaux, à harceler les prestataires de soins de santé et à imposer de plus en plus de limites à l’accès des femmes à exercer leur droit de choisir.
Le caractère et le contenu de la décision de Roe contre Wade ont facilité ces restrictions. Cette décision se basait sur des critères médicaux centrés sur la « viabilité fœtale » et nécessitait le « consentement du médecin ». Cela a limité l’avortement à une « question de santé » et non à un droit fondamental basé sur la « protection égale devant la loi » des femmes, garantie par le quatorzième amendement de la Constitution.
Environ 90 pour cent des comtés aux États-Unis n’avaient aucune clinique de services d’avortement en 2017. Depuis lors, plusieurs autres cliniques ont été contraintes de fermer, frappant plus durement les femmes de la classe ouvrière et les femmes des zones rurales.
« La voie à suivre aujourd’hui, c’est de mobiliser les partisans des droits des femmes dans une campagne d’éducation et d’action soutenue pour élargir le soutien au droit des femmes de choisir, a conclu Alyson Kennedy. Ce combat est dans l’intérêt de toute la classe ouvrière. »
Des manifestations à l’échelle nationale ont été appelées pour le 2 octobre par la Marche des femmes et plus de 90 autres organisations de défense des droits liés à la procréation.