La lutte de la classe ouvrière pour l’émancipation des femmes et le soutien aux familles

Seth Galinsky
le 3 janvier 2022
Picket in St. Paul Park, Minnesota, Jan. 30, 2021, supporting Teamster unionists locked out by Marathon Petroleum. Women are increasingly in front lines together with men in labor battles, showing struggle for women’s emancipation advances fighting power of working class.
MILITANT/KEVIN DWIRELigne de piquetage à St-Paul-Park, au Minnesota, le 30 janvier 2021, en appui aux membres des Teamsters lock-outés par Marathon Petroleum. Les femmes sont de plus en plus sur les lignes de front, avec des hommes, dans des luttes ouvrières. Cela montre comment la lutte pour l’émancipation des femmes renforce la capacité de lutte de la classe ouvrière.

NEW YORK — À New York, le 11 décembre, Paul Mailhot, membre du Comité national du Parti socialiste des travailleurs, a pris la parole sur la lutte pour l’émancipation des femmes et la voie en avant pour que les travailleurs luttent pour le pouvoir politique. Sa présentation a eu lieu à la suite d’une audience de la Cour suprême des États-Unis sur les contestations de la décision Roe contre Wade de 1973.

Cette décision de la Cour suprême, qui a dépénalisé l’avortement, a créé un « droit à la confidentialité » permettant à une femme et son médecin de pratiquer un avortement jusqu’au point de « viabilité fœtale », soit environ 24 semaines.

« Il s’agissait plus d’établir un guide de procédures médicales que de codifier un large consensus ouvrier en faveur des droits des femmes qui aurait été obtenu par un débat, une discussion et l’action, a expliqué Paul Mailhot. En fait, Roe contre Wade a porté un coup dur à la lutte pour les droits des femmes et pour la classe ouvrière. »

En 1973, le soutien à la possibilité que les femmes puissent se faire avorter augmentait, « mais des millions de personnes n’étaient toujours pas convaincues que ce droit fît partie intégrante du large éventail de droits pour lesquels les femmes se battaient », a affirmé Paul Mailhot.

Les groupes de femmes de la classe moyenne limitait cette lutte plus large à la question de l’avortement, sans la lier aux questions plus larges que sont l’émancipation des femmes et la formation de famille. Cela a permis à certains de prétendre que le droit de choisir ne respectait pas la vie humaine.

Les opposants aux droits des femmes ont profité de la décision fautive Roe contre Wade pour faire de la lutte contre l’avortement le fer de lance de leur attaque. « Depuis 1973, ils ont fait adopter quelque 1 300 lois dans des États du pays, faisant obstacle à la capacité des femmes de contrôler leur propre corps », a ajouté Paul Mailhot. Aujourd’hui, près de 90 % des comtés des États-Unis n’ont aucune ressource permettant aux femmes de se faire avorter.

Le point de départ pour la classe ouvrière

« Le débat dont les travailleurs ont besoin sur l’émancipation des femmes ne peut pas avoir pour cadre l’avortement ou la décision Roe contre Wade, a dit Paul Mailhot. Il doit commencer en combattant tous les obstacles que le capitalisme crée à la formation de familles dans la classe ouvrière et les couches les plus défavorisées de la classe moyenne. Il doit commencer par le statut de seconde classe des femmes et la façon dont il étaye le régime capitaliste. »

Les commentaires de plusieurs juges lors des audiences du 1er décembre montrent qu’une majorité de la Cour suprême envisage de renverser Roe contre Wade, si ce n’est pas maintenant, alors un peu plus tard, a poursuivi Paul Mailhot.

Mais cela ne clôturera pas la discussion nécessaire sur la façon dont les droits des femmes sont un élément clé du combat plus large de la classe ouvrière contre les attaques des dirigeants capitalistes et de leur gouvernement. Cela inclut entre autres la nécessité de faire progresser tous les aspects de la planification familiale et de lutter pour les services de santé, la responsabilité de la société en matière de contraception et de soins aux enfants.

Débat sur l’adoption

La place de l’adoption fait partie de cette discussion. La juge Amy Coney Barrett a noté que depuis Roe contre Wade, l’adoption et les « lois sur les refuges sûrs » permettent aux femmes d’abandonner plus facilement des enfants non désirés sans craindre d’être poursuivies. Elle a demandé : pourquoi ne pas parler de l’adoption comme alternative ?

« On ne peut considérer des questions comme celle posée par Amy Coney Barrett sur l’adoption comme étant non pertinentes ou, pire encore, « d’esprit catholique », a dit Paul Mailhot. Il faut aborder ces questions du point de vue de la classe ouvrière.

« Parmi les travailleurs, l’adoption est un moyen normal de répondre à un besoin sociétal des couples qui ne peuvent pas avoir d’enfants et des enfants qui n’ont pas de foyer, a expliqué Paul Mailhot. Les parents et amis accueillent souvent les enfants de leurs proches.

« Pour la plupart des familles de la classe ouvrière, adopter un enfant, c’est pratiquer la solidarité de classe, rejeter une attitude de « je, me, moi, le mien » que la classe capitaliste nous impose.

« Deux des cinq enfants adoptés par ma sœur et son mari étaient des enfants en famille d’accueil, qui n’ont jamais été officiellement adoptés mais qui ont été accueillis dans le cadre de leur famille. »

Paul Mailhot a raconté comment un voisin s’est plaint à ses parents que « la famille de votre fille ressemble à la Ligue des Nations ».

« En plus de répondre à un besoin, j’ai toujours pensé que la famille de ma sœur avait contribué à briser les préjugés dans la petite ville où elle vivait et dans ma propre famille. »

Paul Mailhot a cité l’article du 2 décembre de Peggy Noonan, chroniqueuse au Wall Street Journal, qui a déclaré que la décision Roe contre Wade avait suscité un débat aussi vif parce que « Roe concernait la mort ».

« Mais c’est le système capitaliste qui signifie la mort : les guerres de la classe dirigeante, les mutilations et décès de travailleurs au travail, le traitement des personnes âgées, les milliers de femmes qui ont perdu la vie dans des avortements bâclés avant que la procédure ne soit dépénalisée. »

La lutte pour que les travailleurs puissent décider de la meilleure façon de former une famille, y compris pour que les femmes puissent choisir l’avortement, concerne la vie, face aux pressions du système capitaliste et sa loi de la jungle.

La valeur que la classe capitaliste accorde à la vie humaine, a-t-il dit, se reflète dans le fait que « cette société valorise bien davantage la première année d’université et surtout la première année d’études supérieures que la première année de création d’une famille ».

Faire progresser la diversité humaine

Paul Mailhot a encouragé les participants au forum à étudier la voie tracée par les dirigeants communistes des révolutions bolchevique et cubaine.

Il a cité le « Décret sur la protection de la santé des femmes » de 1920 du gouvernement soviétique. Ce décret dit : « En œuvrant pour le socialisme et en introduisant à grande échelle la protection de la maternité et de la petite enfance », il sera possible de parvenir à la disparition progressive de l’avortement.

En même temps, le décret a codifié le fait que « le gouvernement soviétique issu de la révolution russe dirigée par les bolcheviks a été le premier gouvernement à garantir aux femmes le droit à un avortement sûr et légal », a souligné Paul Mailhot.

Il a cité un article du quotidien cubain Granma intitulé « Cuba a brisé la barrière du silence que les États-Unis renforcent contre la communauté cubaine des sourds ». L’article décrit les mesures extraordinaires que prend le gouvernement cubain pour contourner l’embargo imposé par les dirigeants américains afin de fournir des appareils auditifs à ceux qui en ont besoin et de maintenir son service d’interprétation gestuelle. C’est une marque de son profond respect pour la diversité humaine.

« La moralité prolétarienne qui constitue le fondement des politiques du gouvernement cubain est également la raison pour laquelle il n’encourage pas le recours à l’avortement comme moyen de contraception, tout en veillant à ce qu’il soit gratuit et accessible. Face à la guerre économique brutale des États-Unis contre Cuba, le gouvernement de ce pays se bat pour rendre les moyens de contraception facilement accessibles et pour améliorer les conditions économiques de la fondation d’une famille. »

Aborder les questions plus larges auxquelles sont confrontés les travailleurs est essentiel pour faire avancer la lutte pour l’émancipation des femmes, a dit Paul Mailhot.

« En 2008, Hillary Clinton a déclaré que l’avortement devrait être « sûr, légal et rare », a-t-il dit. Mais comment le rendre rare alors qu’avoir un bébé et élever une famille reste une décision difficile pour des millions de femmes et d’hommes aujourd’hui ? » Le capitalisme en crise est de moins en moins capable de fournir les conditions pour que les travailleurs puissent former des familles, ce qui fait que les choix auxquels les femmes sont confrontées quant à l’opportunité de donner naissance sont de plus en plus difficiles.

« La lutte pour les emplois, la protection contre la hausse du coût de la vie, les soins de santé universels, les services de garde d’enfants, les logements décents et abordables ; l’accès à la planification familiale, y compris la contraception et l’avortement fourni par les hôpitaux ; l’opposition aux obstacles bureaucratiques qui empêchent les familles de la classe ouvrière d’adopter des enfants, a dit Paul Mailhot, tout cela fait partie de la lutte que nous devons mener et dans laquelle le droit personnel des femmes de choisir l’avortement s’insère. »

De plus en plus d’hommes et de femmes sont côte à côte sur les piquets de grève pour résister aux attaques des patrons dans tout le pays aujourd’hui, a-t-il souligné. Ces batailles comprennent des combats contre les réductions des salaires réels, les heures supplémentaires forcées, les horaires épuisants et autres obstacles à la vie de famille. « C’est un signe encourageant pour l’avenir de la lutte pour l’émancipation des femmes qui se déroule autour d’un éventail plus large de questions aujourd’hui. Et pour l’organisation d’un mouvement de la classe ouvrière capable de prendre le pouvoir des mains de la classe capitaliste, le plus grand ennemi des droits des femmes. »