Les compagnies pharmaceutiques et le gouvernement américain se disputent à propos des brevets, des millions de personnes manquent de vaccins

Terry Evans
le 17 janvier 2022
Éboueurs en grève contre Republic Services, à Chula Vista, en Californie, le 29 décembre. Une lutte des syndicats pour que les travailleurs soient vaccinés renforcerait le mouvement syndical et les luttes ouvrières contre les attaques des patrons.
MILITANT/SYLVIA HANSENÉboueurs en grève contre Republic Services, à Chula Vista, en Californie, le 29 décembre. Une lutte des syndicats pour que les travailleurs soient vaccinés renforcerait le mouvement syndical et les luttes ouvrières contre les attaques des patrons.

« Tous les travailleurs devraient se faire vacciner, y compris en recevant des doses de rappel. Ça aiderait à renforcer l’unité et la capacité de lutte de la classe ouvrière », a expliqué John Studer, directeur de campagne nationale du Parti socialiste des travailleurs, le 5 janvier. « Nos syndicats doivent diriger ce combat. Cela fera avancer nos luttes contre les patrons, qui attaquent nos salaires et nos conditions de travail, et renforcera la solidarité avec tous ceux qui luttent contre l’exploitation et l’oppression par les dirigeants capitalistes. »

« Les entreprises américaines prospèrent », claironnait un titre du Wall Street Journal  du 1er janvier. Le grand capital a emprunté de grosses sommes en 2020 et rapporte maintenant certains de ses meilleurs résultats financiers, avec une baisse des faillites parmi les grandes entreprises capitalistes et des marchés boursiers qui atteignent des niveaux presque records. Les monopoles de vaccins Moderna et Pfizer sont particulièrement profitables. Ces compagnies prévoient des ventes combinées de plus de 52 milliards de dollars en 2022.

Les patrons exigent davantage. Ils s’attaquent à leurs travailleurs pour augmenter leurs profits, ce qui a conduit à un nombre croissant de lock-out et de grèves. Et les fortes hausses de prix, en particulier pour l’alimentation, le logement, l’essence et d’autres produits de première nécessité, font encore baisser nos salaires réels. En plus de cela, les travailleurs supportent le poids de la réponse « Débrouillez-vous seuls » que leur lancent les patrons et leurs gouvernements face à la dernière augmentation des infections à la COVID-19.

Avec quelque 62 % de la population américaine vaccinée, le mutant Omicron, moins virulent et à propagation rapide, s’avère moins mortel que les souches antérieures. Mais l’augmentation des taux d’infection et les décrets adoptés par le gouvernement ont révélé une fois de plus l’incapacité des dirigeants capitalistes à fournir les soins de santé dont les travailleurs ont besoin. Les trousses de test à domicile ont disparu des étagères des magasins et la promesse du gouvernement de les envoyer au domicile des gens n’est nulle part en place. Les centres de dépistage sont submergés par d’énormes files d’attente et de longues attentes pour obtenir des résultats, même si de nombreux patrons exigent que les travailleurs produisent des résultats négatifs.

Les autorités de la ville de New York ont ordonné aux ambulanciers d’arrêter d’emmener les personnes atteintes de « maladie grippale » dans les hôpitaux, mais de simplement les laisser à la maison.

Les commentateurs et les politiciens libéraux attribuent nos problèmes à « la pandémie », couvrant l’incapacité du système de santé capitaliste, fondé sur la recherche de profits, à répondre aux besoins humains dans le monde entier. Les patrons et leur gouvernement n’ont jamais eu l’intention d’utiliser la découverte rapide de vaccins efficaces, une conquête pour l’humanité, pour assurer la vaccination de la population mondiale le plus rapidement possible. C’est pourtant le seul moyen de minimiser les décès dus aux souches mutantes du virus. Au lieu de cela, le contrôle des vaccins a été utilisé pour augmenter les profits des grands patrons de l’industrie pharmaceutique et renforcer leur emprise sur les marchés aux dépens de leurs rivaux.

Les grandes puissances capitalistes, en particulier les dirigeants impérialistes américains, ont accaparé le marché mondial, laissant à eux-mêmes des milliards de travailleurs dans le monde semi-colonial.

Les soins de santé sont une bataille de la classe ouvrière

Les patrons de Moderna se battent pour empêcher que trois scientifiques des Instituts nationaux de santé soient nommés co-inventeurs de son très profitable vaccin à ARN messager, le seul produit de la société sur le marché. Le gouvernement utilise le différend pour reprocher à l’entreprise d’avoir retardé l’émission des licences nécessaires pour le vaccin dans le monde et l’envoi du vaccin dans de nombreux autres pays où il est rare. Mais l’accaparement du vaccin par le gouvernement américain a alimenté les pénuries.

Plus d’un an après le lancement des premiers programmes de vaccination, seulement 51 % environ de la population mondiale est complètement vaccinée. Les vaccinés se retrouvent en grande partie dans les pays capitalistes avancés, ainsi qu’en Chine et en Russie, qui utilisent leurs propres vaccins, qui sont moins efficaces. Cela signifie que près de 4 milliards de personnes ne sont pas protégées.

Les propriétaires de Moderna, Pfizer et d’autres fabricants de vaccins ont refusé de renoncer à leurs brevets et de prendre des mesures pour partager leurs formules de fabrication afin d’accélérer la production de vaccins dans le monde entier.

C’est le contraire de ce qu’ont fait Jonas Salk et Albert Sabin, qui ont découvert les deux vaccins qui ont permis d’en finir une fois pour toutes avec la polio dans les années 1950. Ils ont, tous les deux, refusé de demander des brevets, qui auraient créé des obstacles à leur utilisation dans le monde entier.

L’Organisation mondiale de la santé des Nations Unies a promis de livrer deux milliards de doses dans le monde d’ici la fin de 2021. Mais entravée par des agioteurs capitalistes comme Washington, elle n’a réussi à en fournir que moins de la moitié, expédiant seulement 907 millions de doses au 30 décembre.

Des décennies de pillage par les puissances impérialistes, ainsi que l’exploitation et la corruption par les dirigeants capitalistes locaux, ont entraîné une infrastructure sanitaire minimale ou inexistante dans les pays d’Afrique. La moitié des pays du continent ont administré moins de 50 % des doses qu’ils ont reçues. Au Nigeria, où seulement 2,1%de la population est complètement vaccinée, le gouvernement a dû détruire un million de doses périmées du vaccin AstraZeneca le 22 décembre.

L’OMS prévoit désormais qu’il faudra attendre au moins jusqu’en août 2024 pour vacciner 70 % des personnes en Afrique.

La révolution socialiste à Cuba

Un gouvernement dans le monde a une approche opposée. Le gouvernement à Cuba, où les travailleurs et les agriculteurs ont fait et défendu leur révolution socialiste, agit en fonction des besoins des travailleurs.

Malgré un embargo implacable des États-Unis, qui vise à bloquer toutes les sources de revenus de l’île, le gouvernement y a développé trois vaccins efficaces et s’est assuré qu’ils soient distribués. Au 31 décembre, 86,5 % des habitants du pays étaient complètement vaccinés et beaucoup d’autres avaient déjà reçu leur troisième dose. Les taux de mortalité quotidiens ont plongé.

Le programme n’est pas appliqué avec des ordres, comme aux États-Unis. Il est offert gratuitement dans toute l’île et c’est le système de santé national du pays qui le donne sur une base volontaire, soutenu par des milliers de bénévoles. C’est un exemple impressionnant de ce qui est possible lorsque les travailleurs considèrent le gouvernement comme le leur.

Cuba compte plus de médecins par habitant que n’importe quel pays du monde et a envoyé 2 000 travailleurs médicaux volontaires à l’étranger, dans les pays les plus durement touchés par la pandémie. Le 29 décembre, le gouvernement mexicain a autorisé l’utilisation du vaccin cubain Abdala COVID, qui est déjà exporté vers le Vietnam et le Venezuela.

Le gouvernement iranien produit massivement le vaccin cubain Soberana. Mais avant d’approuver ces vaccins, l’OMS exige que le gouvernement cubain documente davantage la preuve de leur efficacité et cela malgré leur taux de réussite bien connu à Cuba et leur utilisation croissante ailleurs. Les responsables cubains disent qu’ils soumettront les documents que l’OMS exige.

Depuis les premiers jours de la lutte révolutionnaire pour renverser la dictature de Fulgencio Batista, soutenue par les États-Unis dans les années 1950, la direction marxiste du mouvement révolutionnaire à Cuba a traité les soins de santé comme un droit humain. Après la conquête du pouvoir en 1959, les traitements médicaux ont cessé d’être une marchandise à vendre avec profit et ont été mis à la disposition de tous.

Le programme de vaccination de Cuba est une source d’immense fierté pour le peuple cubain et un exemple prodigieux pour les travailleurs et les agriculteurs du monde entier de ce que nous pouvons accomplir lorsque nous prenons nous-mêmes le pouvoir politique.

« Au fur et à mesure que nous lutterons contre les attaques des patrons et de leur gouvernement aux États-Unis », a déclaré John Studer du SWP, « les travailleurs et les agriculteurs d’ici se tourneront de plus en plus vers l’exemple révolutionnaire de Cuba pour aller de l’avant. »