L’invasion de Moscou est largement enlisée, car elle fait face à la résistance déterminée des troupes et des civils ukrainiens, y compris dans les villes du sud occupées par les forces russes. La seule ville sur le point d’être prise est Marioupol, encerclée et confrontée à des bombardements aériens, terrestres et maritimes incessants.
En réponse à la plus grande guerre terrestre en Europe depuis la deuxième guerre mondiale, Washington y renforce ses forces militaires. Les puissances impérialistes européennes se réarment et reconstruisent les leurs, au son des tambours des guerres plus meurtrières à venir.
Malgré les pertes civiles croissantes causées par l’artillerie, les bombes et les missiles de Moscou et malgré plus de 10 millions de personnes déplacées, le peuple ukrainien refuse d’abandonner.
Le 19 mars, des cheminots bélarusses ont donné un exemple de solidarité internationale de la classe ouvrière en perturbant le réseau d’approvisionnement russe. Ils ont saboté la ligne ferroviaire menant à l’Ukraine qui est utilisée par Moscou pour transporter des troupes, du carburant, de la nourriture et d’autres réserves.
Le dictateur bélarusse Alexandre Loukachenko, qui a dû compter sur Moscou pour mettre fin à des manifestations de masse en 2020, n’a jusqu’à présent pas été en mesure de répondre à la pression du président russe Vladimir Poutine en fournissant des troupes, par crainte que cela n’approfondisse l’opposition locale à son propre régime.
Des semaines de bombardements ont piégé plus de 100 000 civils à Marioupol, une ville portuaire clé du sud. Une grande partie de la ville a été réduite en décombres. Les combattants ukrainiens refusent de se rendre. Une maternité y a été rasée, tout comme un théâtre et une école d’art, enterrant des centaines de personnes vivantes. L’offensive de Moscou visait en particulier à prendre les deux énormes aciéries de la ville.
« Si la Russie s’en empare, nous n’y retournerons jamais, mais nous sommes prêts à vivre dans les ruines si elles restent ukrainiennes », a déclaré à la presse Natalia Poluiko, une résidente de Marioupol, après avoir fui le carnage.
À Kherson, des civils ukrainiens en colère ont forcé deux camions militaires russes à se retirer de la place de la ville. Le lendemain, des soldats russes ont attaqué des habitants qui protestaient. Plusieurs ont été blessés et d’autres détenus, mais les manifestants ont continué à revenir avec des drapeaux ukrainiens.
Prévoyant un avenir d’instabilité croissante et plus de guerres, Washington prend des mesures pour se préparer à défendre ses intérêts impérialistes. À la suite de l’invasion de Moscou, le gouvernement américain est en train d’inverser un déclin de plusieurs décennies du nombre de troupes américaines en Europe. Il y a porté ses effectifs à plus de 100 000, le plus haut niveau depuis 2005.
Ils sont répartis dans 19 pays, y compris les anciens États du Pacte de Varsovie qui font désormais partie de l’alliance de l’OTAN. Des troupes américaines ont été envoyées en Pologne, près de la frontière ukrainienne. Le Pentagone a également envoyé des avions de combat F-35 et des hélicoptères Apache en Pologne et en Hongrie.
Battement de tambour des guerres à venir
Alors que l’intervention des dirigeants américains en Europe augmente et que les appels à Washington pour imposer des zones d’exclusion aérienne se poursuivent, il convient de rappeler les horribles conséquences des guerres américaines précédentes sur le continent. Cela inclut le bombardement et le démembrement de la Yougoslavie dans les années 90. Là, une zone d’exclusion aérienne est devenue une étape vers une guerre plus profonde.
Au cours de la seconde guerre mondiale impérialiste, Washington et Londres ont bombardé Hambourg et Dresde, des villes industrielles allemandes, asphyxiant ou incinérant des dizaines de milliers de personnes dans les tempêtes de feu qui ont suivi. Washington a bâti sa suprématie en Europe sur ce carnage.
Plus d’un tiers des troupes des États-Unis en Europe sont basées en Allemagne. En réponse à la guerre en Ukraine, les dirigeants allemands ont lancé leur propre programme de réarmement de grande envergure. Il s’agit de leur première expansion militaire substantielle depuis la fin de la guerre froide. Les dirigeants allemands s’efforcent de réduire leur grande dépendance vis-à-vis des importations de gaz en provenance de la Russie. Berlin s’est tourné vers le Qatar pour les importations de gaz naturel liquéfié.
Toutes les puissances impérialistes européennes, ainsi que la Chine et la Russie, recherchent des alliés et des sources d’importation, dont elles ont besoin, alors que la guerre ébranle profondément « l’ordre mondial » précédent. Et les dirigeants capitalistes du monde semi-colonial, de l’Inde au Moyen-Orient, réévaluent comment mieux protéger leurs intérêts.
Lors d’une conférence télévisée le 5 mars à Kyiv, des soldats russes qui s’étaient rendus se sont prononcés contre la guerre, appelant le peuple russe à « descendre dans la rue » pour exiger l’arrêt de l’invasion de Moscou.
« Ici, tout n’est pas comme on dit à la télévision russe », a dit Dmitri Gagarine, l’un des soldats.
« Le peuple ukrainien n’a peur de personne, a ajouté Mikhail Kulikov. Ils défendront leur pays jusqu’au bout. »
Il existe de nombreuses vidéos en ligne et des rapports sur des soldats russes qui refusent d’attaquer des civils. D’autres ont coupé les conduites de gaz sur leur réservoir de char militaire pour éviter de combattre.
Le régime de Poutine a pris des mesures pour réprimer chez lui les manifestations généralisées contre la guerre. Poutine dit que la Russie a maintenant besoin d’une « autoépuration » afin de distinguer « les vrais patriotes des racailles et des traîtres ».
La voie à suivre pour les travailleurs dans la lutte pour vaincre les attaques de Moscou contre l’indépendance de l’Ukraine est de gagner les travailleurs et les agriculteurs en Russie et dans le monde entier pour qu’ils se joignent à leurs camarades en Ukraine dans une action commune contre la guerre. Les travailleurs n’ont pas d’intérêts communs avec « nos » gouvernements capitalistes. Nous devons compter sur nos propres forces pour défendre nos intérêts.
Sur cette voie, les sanctions de Washington et des puissances capitalistes en Europe sont un obstacle mortel. Elles ont durement frappé l’économie russe, isolé son système bancaire au niveau international et bloqué de nombreuses importations. Des usines et des chaînes de magasins ont fermé, entraînant de lourdes pertes d’emplois. Les pénuries sont monnaie courante. Les travailleurs font face à une flambée des prix.
Poutine tente de rallier le soutien des Russes à la guerre en affirmant que les Russes seront confrontés à de plus grandes difficultés. Il les exhorte à compter sur son régime de voyous pour se protéger contre les sanctions des États-Unis. Il a promis d’augmenter tous les paiements sociaux et le salaire minimum, en offrant un « soutien de l’État » à ceux qui ont perdu leur emploi.
Il existe de nombreux exemples de fraternisation et de collaboration dans d’autres pays contre la guerre de Poutine. Un groupe de danseurs de ballet de renommée mondiale, de Russie, d’Ukraine, d’Argentine, de Cuba, de France et du Japon, se sont réunis dans le cadre d’un spectacle-bénéfice pour l’Ukraine au London Coliseum le 20 mars. Contrairement aux interdictions contre des artistes russes ailleurs, ils ont présenté des ballets sur de la musique de compositeurs russes comme Tchaïkovski et Rachmaninov.
Le danseur et producteur ukrainien Ivan Putrov a fait valoir un point clé : « La culture russe n’a rien à voir avec Poutine et Poutine n’a rien à voir avec la culture russe. »
Le Cubain Javier Torres du Northern Ballet a interprété « La mort du cygne ». Il a comparé l’oeuvre aux Ukrainiens qui résistent à l’invasion de Moscou et au peuple cubain qui résiste depuis des décennies à la guerre économique que mène Washington pour renverser sa révolution socialiste.