Construisons la solidarité avec les signaleurs du CN en grève à travers le Canada

Philippe Tessier
le 4 juillet 2022
Ligne de piquetage du 20 juin à Vancouver, au début de la grève des travailleurs de la signalisation. Les membres de la FIOE se battent pour des augmentations de salaire, des horaires de travail humains et la sécurité.
MILITANT/FRED NELSONLigne de piquetage du 20 juin à Vancouver, au début de la grève des travailleurs de la signalisation. Les membres de la FIOE se battent pour des augmentations de salaire, des horaires de travail humains et la sécurité.

MONTRÉAL — Quelque 750 employés de la signalisation et des communications, membres de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité (FIOE), ont déclenché la grève contre le Canadien National le 18 juin après que les négociations ont abouti à une impasse et que la partie patronale a demandé au syndicat de soumettre à l’arbitrage les points non résolus. Les travailleurs ont érigé des lignes de piquetage d’un bout à l’autre du Canada deux jours plus tard. C’est la première grève déclenchée par le syndicat depuis 1997.

Ces travailleurs jouent un rôle critique dans le système ferroviaire. Ils effectuent l’entretien des signaux régissant les voies, les passages à niveaux publics et d’autres infrastructures liées au chemin de fer. Ils s’assurent du bon fonctionnement des aiguillages, tout en répondant aux urgences causées par la météo, les déraillements et autres imprévus.

Ici à Montréal, environ 40 grévistes déterminés formaient une ligne de piquetage animée à l’entrée de la cour de triage Taschereau. Ils piquetaient de manière disciplinée, ne traversant la rue que lorsque les feux de circulation passaient au vert, ce qui ralentissait le transport des conteneurs venant de la cour de triage.

« Vous bloquiez la circulation d’un bout à l’autre de la cour », a affirmé Jonathan Chiasson, chef de train au Canadien National, lorsqu’il s’est joint à la ligne à la fin de son quart de travail. Quatre chefs de train, membres du syndicat des Teamsters, et un employé à l’entretien des voies, membre d’Unifor, ont joint la ligne de piquetage durant la journée.

Au moment d’écrire cet article, les membres en grève de la FIOE n’essaient pas d’arrêter les opérations ferroviaires du Canadien National. Les dirigeants du CN continuent à faire rouler les trains, en affirmant avoir mis en place un « plan d’urgence » qui consiste à utiliser les membres de la direction et des contractants pour effectuer le travail des membres de la FIOE. Ceci est dangereux pour les cheminots et pour les gens vivant près des voies ferrées.

Les piqueteurs ont vu arriver quelque 15 grévistes de Rolls-Royce Aerospace, membres de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), qui ont été mis en lock-out par leurs dirigeants il y a de cela presque quatre mois. Leurs lignes de piquetage sont situées à proximité de celle du CN. Ils avaient appris le matin même que des signaleurs du Canadien National avaient entrepris une grève et ils ont décidé de se joindre à eux pour exprimer leur solidarité.

D’autres sont venus pour appuyer les grévistes, notamment Chris Hoeppner, chef de train de CSX et membre du syndicat SMART, division du transport, à Philadelphie. Hoeppner est aussi candidat au Congrès américain pour le Parti socialiste des travailleurs.

Les policiers municipaux se sont rapidement joints à la police privée du CN afin d’empêcher les grévistes de ralentir la circulation, les menaçant d’amendes et contrôlant manuellement les feux de circulation.

L’action a eu un grand impact sur les travailleurs qui ont participé à l’événement. « C’est ma première grève », a dit au Militant  Jair Moreno, inspecteur en qualité depuis quatre ans chez Rolls-Royce. Le chef de la ligne de piquetage chez Rolls-Royce, Steve Mayer, qui a organisé la délégation de la CSN, a affirmé que « la solidarité syndicale que nous avons reçue durant notre lock-out nous a permis d’apprendre ce qu’est la solidarité. C’est pourquoi nous sommes ici ».

La FIOE demande une augmentation salariale de 15 % sur trois ans, tandis que la partie patronale offre seulement 8 %. Le taux officiel de l’inflation au Canada se situe à 6,8 % pour cette année seulement.

Les changements d’horaires proposés sont aussi au centre du conflit. Le Canadien National demande aux employés de travailler sur un territoire couvrant la moitié du pays. Jusqu’à maintenant les employés ont toujours été affectés à travailler sur le territoire de la province où ils vivent. Ils travailleraient maintenant durant sept jours et auraient sept jours de congé. Les dirigeants refusent aussi de payer les employés pour le temps passé sur la route pendant leurs journées de congé afin de se rendre à leur travail.

La sécurité est aussi un enjeu. À Vancouver, en Colombie-Britannique, des grévistes ont dit aux correspondant du Militant que travailler dans les Rocheuses, où se produisent de nombreuses avalanches, devient de plus en plus dangereux à mesure que les dirigeants du CN coupent des postes.

Les courts articles que les grands médias ont publiés reflètent les efforts de la compagnie pour monter les travailleurs et les agriculteurs contre la grève. Le Globe and Mail, de Toronto, le quotidien avec le plus grand tirage au pays, s’est plaint le 19 juin que « la grève menace d’exacerber les difficultés des chaînes d’approvisionnement à travers le pays ». Le jour suivant, le Wall Street Journal  a affirmé que « les perturbations de service font augmenter les coûts du transport et que les consommateurs sont préoccupés par la hausse des aliments à un moment où la guerre en Ukraine, grand fournisseur de produits agricoles, menace la sécurité alimentaire ».

Le 21 juin, les employés se sont rassemblés devant le siège social du Canadien National, à la grande gare du centre-ville de Montréal. Ils ont porté des pancartes et distribué des feuillets expliquant les enjeux du conflit. Il s’avère que de 2019 à 2021, le CN a empoché plus de 17 milliards de dollars en profit. « Le CN cherche à augmenter les profits des actionnaires, affirme la FIOE, tout en freinant la croissance des salaires et en s’attaquant aux conditions de travail de la classe ouvrière ».

« La victoire d’un syndicat sert à améliorer l’ensemble des conditions de travail de tous les travailleurs, syndiqués ou non », dit le syndicat, appelant du même coup au soutien de la classe ouvrière.

Montrez votre solidarité ! Joignez-vous aux lignes de piquetages ! Envoyez vos messages de soutien au IBEW System Council No.11, 119 Wheatland Dr., Cambridge ON N1P 1E2. Téléphone : (519) 622-2323. Courriel : ibewmartin@bellnet.ca

Philippe Tessier est chef de train au Canadien National et membre de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, Division 89.