LINCOLN, Nebr. — Au cours des prochaines semaines, près de 100 000 travailleurs du rail syndiqués se prononceront sur les accords de principe négociés par leurs dirigeants syndicaux, d’une part, et par cinq compagnies ferroviaires de classe 1 et 30 patrons de chemins de fer locaux, regroupés au sein du Comité de la conférence des transporteurs nationaux, d’autre part.
Le 15 septembre, sous la pression de l’administration de Joseph Biden, les deux plus grands syndicats, SMART-TD et la Fraternité des ingénieurs de locomotives et des agents de train des Teamsters, ont signé des accords de principe, quelques heures seulement avant que la loi anti-ouvrière sur les Relations de travail dans les chemins de fer n’autorise finalement les syndicats à faire grève.
Ces travailleurs, ainsi que les membres d’autres syndicats du rail qui ont conclu des accords de principe dans les semaines précédentes, recevront leurs projets de contrats pour les lire et en discuter. Les bulletins de vote seront envoyés par la poste pour que les membres puissent voter d’ici la fin septembre. On estime que le dépouillement prendra 30 jours ou plus, ce qui signifierait qu’aucun résultat ne serait peut-être annoncé avant les élections de mi-mandat du 8 novembre.
Le 14 septembre, près de 75 % des 6 600 membres de l’Association internationale des machinistes, qui regroupe les machinistes de locomotives, les mécaniciens pour le matériel de voie et les travailleurs d’entretien des installations, ont rejeté l’accord. L’AIM a décidé d’entreprendre la grève le 29 septembre si un meilleur contrat n’est pas ratifié d’ici là.
Deux des douze syndicats, le Syndicat des communications dans le transport et la Fraternité des wagonniers de chemins de fer, qui représentent plus de 11 000 employés de bureau et inspecteurs mécaniques de wagons, ont ratifié un accord.
La loi sur les Relations de travail dans les chemins de fer, adoptée en 1926, oblige les travailleurs du rail à passer par une longue période de négociation et de « réflexion » qui peut durer des années avant qu’ils puissent faire grève ou que les patrons puissent les mettre en lock-out. Cette fois, les négociations ont commencé il y a plus de deux ans, en janvier 2020.
La Maison-Blanche accentue la pression
Alors que l’heure de la grève approchait, la Commission nationale de médiation du gouvernement, créée pour « réglementer » les relations entre les syndicats du rail et les patrons, a ordonné aux syndicats qui n’avaient pas conclu d’accord de principe de revenir à Washington le 7 septembre. En quelques jours, 10 syndicats de métier ont conclu des accords de principe.
La Fraternité des préposés à l’entretien des voies (BMWE) est l’un de ces syndicats. « Je ne pense pas que l’accord de principe aborde les frais de déplacement dont les membres de mon syndicat ont besoin », a expliqué au Militant Jake Forsgren, un ouvrier de la voie ferrée et soudeur qui est président de la section locale 1320 de la BMWE au Nebraska, le 18 septembre. Cette revendication essentielle pour les travailleurs qui entretiennent la voie est liée au fait qu’on peut les envoyer travailler jusqu’à plus de 1 600 km de chez eux et qu’ils doivent supporter eux-mêmes la plupart des coûts impliqués jusqu’à ce qu’on les rembourse plus tard. « J’ai toutes les raisons de croire que la majorité des membres voteront contre l’accord tel qu’il se présente actuellement. »
Jake Forsgren pense que les travailleurs devraient connaître les résultats du vote d’ici le 10 octobre.
Les deux syndicats qui ont tenu le coup jusqu’à la dernière minute étaient la Division des transports du Syndicat des travailleurs du métal en feuille et du transport par air et chemin de fer (SMART-TD) et la Fraternité des ingénieurs de locomotive et des agents de train. Pour ces travailleurs qui font rouler les trains, les négociations ont achoppé sur les mesures prises par les patrons des chemins de fer pour aggraver leurs conditions de travail, notamment leurs politiques d’assiduité renforcées par la menace de licenciement en cas de journées de maladie et leur volonté de faire circuler les trains avec des « équipages » d’une seule personne. Les horaires de travail obligeant les travailleurs à être disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 étaient également en cause.
La mort durant le travail de trois travailleurs de l’Union Pacifique ce mois-ci démontre à quel point sont bien réels les dangers que créent ces conditions de travail pour les travailleurs du rail, ainsi que pour ceux qui habitent à proximité des voies ferrées.
Des milliers de travailleurs du rail ont démissionné au cours des deux dernières années et les patrons n’ont pas réussi à les remplacer. Cela détériore davantage les conditions de travail.
Selon les patrons, soutenus par les organismes gouvernementaux de réglementation, ces questions ne devraient pas faire partie des négociations. Les travailleurs ont insisté pour qu’elles le soient.
Alors que la date limite de grève du 16 septembre se rapprochait, les médias pro-patronat rappelaient à tout moment le fait que les entreprises ferroviaires étaient d’accord pour accepter la « généreuse » offre de salaire qu’avait recommandée la Commission présidentielle d’urgence nommée par Joseph Biden (une autre partie de la bureaucratie contre laquelle se butent les cheminots et leurs syndicats). Ils se plaignaient également des dommages énormes qu’une grève infligerait à l’économie, car à l’échelle nationale les patrons comptent sur les cheminots syndiqués pour faire fonctionner quotidiennement les 7 000 trains de marchandises du pays. Ils ont affirmé qu’une grève coûterait plus de 2 milliards de dollars par jour aux employeurs.
Afin d’augmenter la pression en faveur d’un accord Joseph, Biden s’est joint aux négociations que le secrétaire du Travail Martin Walsh menait avec les syndicats et les patrons le 14 septembre, quelques heures avant la date limite de grève. Il était vital pour l’administration Biden, confrontée à la perspective de perturbations dans le transport et d’une nouvelle vague de hausses de prix potentielles, d’éviter une grève à l’approche des élections de mi-mandat en novembre.
Biden se vante d’être le président le plus pro-syndicat de l’histoire.
La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a clairement indiqué qu’elle était prête à ordonner au Congrès de mettre fin à toute grève qui serait déclenchée. Elle a déclaré que le Congrès avait « promulgué des lois dans ce but dans le passé » et « qu’il est dans l’intérêt national de maintenir les services de transport essentiels ».
Elle faisait référence à l’imposition d’un retour au travail des syndicalistes par le Congrès lors de la dernière grève nationale des chemins de fer en 1991 et lors d’un lockout en 1992 par les patrons du rail.
La lutte n’est pas terminée
La presse patronale agit comme si tout était réglé, que les contrats étaient signés et que les choses pouvaient « revenir à la normale ». Cependant, la plupart des travailleurs n’ont pas encore voté, beaucoup n’ont même pas encore vu les pactes proposés.
Pour l’instant, personne ne sait si d’autres membres des syndicats du rail se joindront aux machinistes et voteront contre leurs ententes. De nombreux travailleurs sur le terrain expriment leur colère et leur frustration face aux conditions de travail brutales et au harcèlement continu par les patrons.
Quels que soient les résultats des votes sur la convention collective, la lutte des travailleurs du rail contre les attaques des patrons se poursuivra. Et les efforts de lutte des travailleurs du rail sont l’une des raisons pour lesquelles un sondage Gallup du 2 septembre a rapporté que 68 % des répondants approuvent les syndicats, le taux le plus élevé enregistré par ce sondage depuis 1957.