ÉDIMBOURG, Écosse — Des centaines de personnes se sont rassemblées devant le Parlement écossais ici le 21 décembre pour protester contre l’adoption d’un projet de loi fondé sur des notions antiscientifiques selon lesquelles « hommes » et « femmes » ne sont que des catégories subjectives qui peuvent être modifiées à volonté. Avec de telles idée, il devient plus difficile de reconnaître le fait que l’oppression des femmes est fondamentale dans une société de classe. Cela entrave sérieusement la lutte pour les droits des femmes.
Le gouvernement écossais a adopté le lendemain son Projet de loi sur la réforme de la reconnaissance du genre, abaissant de 18 à 16 ans l’âge auquel une personne peut demander un certificat reconnaissant légalement un changement de sexe. Pour la plupart des candidats, le projet de loi réduit à trois mois le temps qu’il leur faut avoir « vécu dans le sexe qu’ils ont acquis » et il n’exige plus des demandeur qu’un médecin signe leurs papiers de changement de sexe.
La semaine précédente, la plus haute cour d’Écosse avait statué que le « sexe » ne se limite pas au sexe biologique ou à la naissance mais inclut les personnes possédant un certificat de reconnaissance du genre. Cette décision et le projet de loi s’appuient sur d’autres attaques qui permettent à un homme qui déclare « vivre en tant que femme » d’avoir accès à des espaces réservés aux femmes. Depuis 2014, le Service écossais des prisons héberge les prisonniers en fonction de leur identité de genre et non de leur sexe, y compris les hommes condamnés pour viol.
Organisée par l’organisation Pour les femmes en Écosse, la manifestation a attiré des femmes de tout le pays. Elles tenaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « Sauvez nos espaces non mixtes », « Les femmes sont en colère : Ignorez-nous à vos risques et périls ! » et « Je n’ai pas d’identité de genre ». Il y avait aussi des pancartes destinées à la première ministre écossaise Nicola Sturgeon, qui est également la chef du Parti national écossais. Une bannière disait : « Sturgeon, destructrice des droits des femmes », une autre : « Le cadeau de Sturgeon aux prédateurs ».
« Je travaille dans une maison de retraite », a expliqué au Militant Catherine Gibson, membre du syndicat Unite. « Les femmes âgées là-bas voudront que ce soit une femme qui leur fasse prendre leur bain et les vêtisse. Mais qu’arrivera-t-il si c’est un homme qui dit qu’il est une femme ? C’est une question de dignité et de respect. » Les autorités de la santé à Lothian ont déjà déclaré qu’un homme qui dit qu’il est une femme pourrait s’occuper des patientes qui exigent d’être soignées par des femmes seulement.
Shereen Benjamin, chargée de cours en enseignement primaire à l’Université d’Édimbourg, s’est jointe à l’action. Elle a raconté au Militant qu’elle et d’autres défenseurs des droits des femmes de l’université font face à des attaques contre la liberté d’expression. Elle a aidé à organiser une présentation du film documentaire Femelle humaine adulte, qui défend les droits des femmes. Lorsque les participants sont arrivés, ils se sont retrouvés face à un groupe d’opposants à leurs points de vue qui bloquaient l’entrée. Les gardes de sécurité de l’université ont dit aux spectateurs qu’ils ne pouvaient pas garantir leur sécurité. La projection du film a été annulée.
« L’université devrait soutenir les personnes trans, mais ne devrait pas approuver qu’on empêche les discussions », a dit Shereen Benjamin au Militant.
Ash Regan, députée du Parti national écossais (SNP), a démissionné de son poste au gouvernement à cause du projet de loi. « Une femme n’est pas un costume », a-t-elle affirmé lors du rassemblement organisé lors de la manifestation. « Ce n’est pas un sentiment. C’est une réalité matérielle fondée sur la biologie. » Le projet de loi crée « une hiérarchie de droits dans laquelle les droits des femmes sont relégués au deuxième rang. »
Pete Clifford, un dirigeant de la Ligue communiste à Manchester, en Angleterre, a participé à l’action et a parlé avec Alex Buchanan, un employé du conseil municipal à la retraite, qui lui a expliqué que la dernière fois qu’il est venu au Parlement écossais, « c’était lors de son ouverture, pour célébrer. Je suis maintenant ici face à un recul. Je ne comprends pas pourquoi le SNP et la gauche soutiennent cette question d’identité de genre ».
« C’est un coup porté à tous les travailleurs, car les gains obtenus pour les droits des femmes ont renforcé notre unité », a affirmé Pete Clifford. À mesure que s’intensifieront les luttes syndicales, « la défense des droits des femmes deviendra plus essentielle ».
L’auteure J. K. Rowling, basée à Édimbourg, a envoyé un message à une vigile de protestation devant le Parlement plus tôt dans la semaine. « Que ce projet de loi soit adopté ou non, la bataille n’est pas finie, a-t-elle écrit. Je suis avec vous jusqu’au bout. Nous sommes les femmes qui ne se [« wheesht »] tairont jamais. »
Il n’est pas certain que le gouvernement du Royaume-Uni, qui s’oppose au projet de loi, prenne des mesures juridiques pour le bloquer.
Cherchant à détourner l’attention du fait que ce qui est au cœur de la nouvelle loi, c’est une attaque contre les droits des femmes, Shona Robinson, la secrétaire du gouvernement écossais à la Justice sociale, a indiqué que ce qui était en jeu, ce sont les droits nationaux de l’Écosse et que toute initiative du gouvernement britannique minerait « la volonté démocratique du Parlement écossais ».
Keir Starmer, chef du Parti travailliste, dans l’opposition au Royaume-Uni, a annoncé qu’un futur gouvernement travailliste adopterait une loi similaire à celle adoptée en Écosse.