Des manifestants et des grévistes en Iran revendiquent une vie meilleure et la fin de la répression

Les plus fortes protestations dans les nationalités opprimées

Seth Galinsky
le 6 février 2023
Jubilados de Haft Tappeh y Pars Paper en Shus, Juzestán, Irán, protestan el 22 de enero, para exigir protec-ción contra inflación, fin a la discriminación. Cartel dice: “¡No a la humillación!”
SYNDICAT DES TRAVAILLEURS DE LA CANNE À SUCRE HAFT TAPPEHÀ Shus, au Khouzistan, une province de l’Iran, des retraités de l’usine Haft Tappeh et Pars Paper manifestent le 22 janvier pour exiger une protection contre l’inflation et la fin de la discrimination. La pancarte à droite dit : « Non à l’humiliation ! »

Des retraités et d’autres travailleurs ont manifesté devant au moins une douzaine de bureaux gouvernementaux à travers l’Iran le 22 janvier pour demander une augmentation substantielle du salaire minimum et des pensions.

Appelés par le Syndicat des travailleurs de la canne à sucre Haft Tappeh, le Comité de coordination pour aider à construire les syndicats, les Retraités de la Sécurité sociale du Khouzistan et le Groupe des syndiqués retraités, les travailleurs prévoient de nouvelles actions dans tout le pays chaque dimanche.

Les travailleurs qui luttent pour améliorer leurs conditions de travail et défendre les droits des travailleurs sont devenus plus confiants après les trois mois de protestations qui ont suivi la mort de Zhina Amini, le 16 septembre. La jeune femme kurde avait été arrêtée à Téhéran par la « police des mœurs » pour avoir prétendument enfreint le code vestimentaire.

L’annonce par le gouvernement qu’il allait augmenter de 20 % les salaires des travailleurs du secteur public est en réalité une annonce qu’il les réduira, a expliqué la coalition, car l’inflation atteint près de 50 % par an. La crise capitaliste est exacerbée par le coût des interventions militaires du régime en Irak, au Liban, en Syrie et au Yémen et par l’impact des sanctions des États-Unis et de l’Union européenne. La valeur de la monnaie iranienne par rapport au dollar américain a chuté à un niveau record le 22 janvier.

Les travailleurs ont besoin d’un salaire minimum mensuel de 25 millions de tomans (556 dollars US), souligne la déclaration, « pour défendre leur vie et celle de leurs familles et de leurs proches ».

À Téhéran, des dizaines d’enseignants retraités, des femmes pour la plupart, ont scandé : « Prix élevés, inflation, désastre pour la vie des gens ». Des manifestations ont eu lieu au Kurdistan, à Yazd, au Khouzistan, à Gilan, à Isfahan et dans d’autres provinces.

Les officiels de la République islamique prétendent défendre les intérêts des travailleurs, mais un dirigeant des protestations a dit que le conseil suprême gouvernemental du Travail, qui fixe le salaire minimum, agit dans « les intérêts des propriétaires capitalistes et rien d’autre ».

« Les travailleurs ne peuvent exercer leur pouvoir et prendre les décisions dans leur propre intérêt de classe qu’en créant des organisations syndicales indépendantes, c’est-à-dire indépendantes du gouvernement, des patrons et des partis politiques », a écrit le retraité Ali Nejati sur le site du Syndicat des travailleurs de la canne à sucre.

Si le régime bourgeois-clérical a tué plus de 500 manifestants et en a arrêté des milliers depuis le début des protestations, il s’est montré plus prudent face aux luttes des travailleurs pour les salaires et les conditions de travail. Au cours des dernières années, bon nombre de dirigeants des syndicats d’enseignants et de chauffeurs d’autobus ont été emprisonnés sur la base d’accusations forgées de toutes pièces, mais la police n’est pas intervenue dans la plupart des plus récentes actions syndicales ou manifestations d’agriculteurs, signe que les dirigeants craignent le pouvoir de la classe ouvrière.

Des manifestations hebdomadaires se poursuivent au Baloutchistan, dont une de plusieurs milliers de personnes à Zahedan le 20 janvier, où vivent les Baloutches, majoritairement musulmans sunnites, et d’autres minorités opprimées.

Des proches alliés du guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, ont dénoncé Maulana Abdul-Hamid, le religieux sunnite le plus influent du pays, installé à Zahedan, pour avoir réclamé la liberté de culte, l’égalité pour les femmes, la suppression de la peine de mort, l’égalité des droits pour les Baloutches, les Arabes, les Azerbaïdjanais, les Kurdes et d’autres nationalités opprimées ainsi que la libération des prisonniers politiques.

Le gouvernement avait reconnu ses « défaillances » après que la police du Corps des gardiens de la révolution islamique et des bassidjis ont tué 80 manifestants pacifiques lors d’une manifestation organisée le 30 septembre à Zahedan. Mais, fin décembre, le gouvernement a nommé le général de brigade Mohammad Karami, du Corps des gardiens de la révolution, comme nouveau gouverneur de la province.

Les Gardiens de la révolution sont massivement détestés pour leurs agressions brutales dans le pays et leur rôle dans les guerres des dirigeants iraniens à l’étranger. L’opposition aux aventures militaires contrerévolutionnaires du régime bourgeois-clérical à l’étranger, qui cherche à étendre sa présence réactionnaire au Moyen-Orient, a été une caractéristique de la vague de protestations depuis fin 2017.

Le régime peine à faire respecter le code vestimentaire

Après la mort de Zhina Amini, le régime a retiré la « police des mœurs » des rues de Téhéran, espérant ainsi éviter de provoquer de nouvelles protestations. Des milliers de femmes dans cette ville, et dans une moindre mesure dans d’autres villes, ne couvrent pas leurs cheveux, tandis que d’autres continuent de le faire.

« Un simple voile est inapproprié, a déclaré Ali Khamenei le 3 janvier, mais cela ne doit pas nous amener à considérer cette personne comme étrangère à la religion et à la révolution. » Ce qui revient à reconnaître le défi auquel le régime est confronté.

À la mi-janvier, il a instauré de nouvelles règles selon lesquelles les femmes qui enfreignent le code vestimentaire, plutôt que d’être arrêtées, s’exposent désormais à des amendes, à la confiscation de leur véhicule et à un licenciement. Les entreprises qui les laissent entrer seront également sanctionnées par des amendes.

Lorsque trois lycéennes de Yazd sont montées dans un autobus récemment, une passagère et sa fille leur ont demandé de se couvrir et de mettre leur hijab. Elles ont menacé de dénoncer les élèves aux autorités scolaires.

« Cela ne vous concerne pas », a dit une étudiante, refusant de couvrir ses cheveux. La femme plus âgée a dit au chauffeur qu’il ne devrait pas laisser les femmes monter dans l’autobus sans hijab approprié.

Le chauffeur a répondu : « Ça ne me regarde pas. »