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« Nous avons cette année une occasion inhabituelle : nous pourrons sortir directement de cette conférence pour faire campagne et mener d’autres activités axées sur les questions politiques et programmatiques centrales que nous discutons et que nous clarifions ici », a dit Jack Barnes, secrétaire national du Parti socialiste des travailleurs (SWP). Il s’adressait à quelque 350 personnes lors de la Conférence internationale des travailleurs actifs parrainée par le SWP, sur le campus de l’université Wittenberg, à Springfield, en Ohio, le 11 juin.
Le rassemblement annuel de cette année, le plus important depuis 2009, a regroupé des participants venant de 10 pays, y compris des membres et des sympathisants de ligues communistes sœurs au Canada, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et en Australie, ainsi que des participants venant de France, de Grèce, d’Islande, de Norvège et de Suède. La fin des confinements et des restrictions de voyage liés à la COVID a permis pour la première fois en trois ans d’organiser un rassemblement qui a été véritablement international et donc politiquement plus fort.
« Apporter aux travailleurs le programme du SWP ! Étendre l’influence des candidats, de la presse et des livres du parti. Joignez-vous au Parti socialiste des travailleurs ! », pouvait-on lire sur la bannière à l’avant de l’auditorium. Lors d’un rassemblement au dernier soir de la conférence, les travailleurs communistes ont parlé des faits saillants des campagnes de propagande du printemps, couronnées de succès, du travail syndical et de l’intention de poursuivre la campagne cet été.
Le travail ainsi projeté vise entre autres à obtenir des centaines de renouvellements d’abonnement parmi les quelque 1 700 nouveaux abonnés au Militant ; à mettre des livres de dirigeants du parti et d’autres révolutionnaires entre les mains de travailleurs et de jeunes ; et à utiliser les campagnes électorales et les candidats communistes pour expliquer le programme du parti. Un effort spécial sera fait en juillet pour avoir le nom de Chris Hoeppner, candidat du SWP pour le Congrès américain à Philadelphie, sur le bulletin de vote lors du scrutin fédéral en Pennsylvanie, pour la première fois depuis de nombreuses années.
Les intervenants à l’événement de clôture ont également décrit comment ils ont aidé à construire la solidarité avec les grèves très dures menées par les travailleurs et leurs syndicats.
Le SWP tiendra un congrès en décembre, a indiqué Jack Barnes. Sur la base de la discussion qu’auront les membres à partir des textes préparés par la direction du parti, les branches choisiront des délégués pour débattre et décider du cours du parti et de ses prochains pas ainsi que pour élire un Comité national.
Crise capitaliste, réponse des travailleurs
Toute la conférence a été organisée autour de quatre rapports présentés en séance plénière : sur les crises économique, sociale et morale croissantes du capitalisme ; sur l’aggravation des conflits entre les classes dirigeantes impérialistes et d’autres puissances ; et sur la plus grande réceptivité qui en découle parmi les travailleurs pour les perspectives du SWP et des organisations communistes d’autres pays.
Le rapport politique présenté par Jack Barnes a souligné l’accélération de l’inflation, la forte baisse de la production et du commerce et leurs impacts sur les conditions de vie et de travail des travailleurs et de nos familles. Les travailleurs font face à la propagation de drogues mortelles, à l’alcoolisme et à la dépendance au jeu, ainsi qu’à des taux croissants de maladie mentale, de suicide et de criminalité.
Dans ces conditions, a poursuivi Jack Barnes, la classe ouvrière a plus que jamais intérêt à défendre les droits constitutionnels, les protections et l’espace politique dont nous avons besoin pour nous organiser et lutter. Ces droits sont la cible d’attaques de la part du gouvernement et des partis politiques des patrons, les « progressistes » de la classe moyenne étant de plus en plus souvent en première ligne.
Mary-Alice Waters, membre du Comité national du SWP, a présenté un rapport sur « La famille et l’émancipation des femmes : ce que deux révolutions socialistes et notre propre expérience de lutte de classe nous ont appris ». Sa présentation a armé politiquement les participants à la conférence pour qu’ils puissent présenter plus efficacement une voix ouvrière dans le débat qui s’est ouvert plus tôt cette année sur la fuite d’une ébauche de décision de la Cour suprême des États-Unis qui annulerait la décision Roe c. Wade de 1973 sur l’avortement.
Il y a eu aussi une présentation sur « La guerre de Moscou contre l’Ukraine ouvre une nouvelle étape dans la crise de l’ordre impérialiste mondial », par le rédacteur en chef du Militant John Studer, ainsi qu’un rapport sur le travail du parti dans les syndicats et le mouvement ouvrier par Mary Martin, la dirigeante du travail syndical du SWP.
Les présentations ont été complétées par deux séances de questions et de discussion sur les présentations, ainsi que par quatre cours : « Action politique indépendante de la classe ouvrière contre la collaboration de classe : Leçons de la lutte pour la libération des Noirs » ; « Le SWP et les agriculteurs exploités : des alliés dans la lutte pour le pouvoir de la classe ouvrière » ; « Lénine, le Bund et la formation du Parti bolchevik » ; et « En défense du marxisme : l’orientation prolétarienne du parti et notre programme communiste ».
Plus d’une douzaine de panneaux soigneusement préparés, illustrant les thèmes de la conférence, couvraient un côté de l’auditorium, attirant les participants intéressés avant et après chaque session.
Un grand nombre de tables couvertes de livres accueillaient les participants, qui se sont procuré 620 livres. Parmi les plus populaires, il y avait : plus de 50 exemplaires de divers numéros du magazine Nouvelle Internationale avec des articles explorant les racines des crises et des guerres d’aujourd’hui, et une série de livres en anglais, dont L’émancipation des femmes de Vladimir I. Lénine, « La voie lutte de classe vers l’égalité des noirs », publié par le SWP en 1957, Le marxisme et les producteurs agricoles, ainsi que le plus récent titre des éditions Pathfinder, également disponible en français et en espagnol, Le travail, la nature et l’évolution de l’humanité.
Des discussions animées à l’heure des repas et des activités sociales en soirée ont couronné les journées.
Crises et guerre
En plus de la flambée des prix et d’un prochain ralentissement économique, a dit Jack Barnes, le monde d’aujourd’hui est marqué par de brusques changements dans « l’ordre mondial » impérialiste imposé par les vainqueurs de la seconde guerre. Ces conflits, considérablement aggravés par la guerre de Moscou contre le peuple de l’Ukraine, s’enveniment depuis des années.
La concurrence acharnée pour les profits déchire la soi-disant Union européenne, un assemblage disparate d’États capitalistes plus forts et plus faibles. Ces conflits se font au mépris total du travail, de la vie et de l’intégrité physique des travailleurs. Tout cela annonce des guerres monétaires et commerciales qui mèneront à des conflits armés. Moulé par le stalinisme, le régime expansionniste de Beijing défie de plus en plus Washington en Asie, dans le Pacifique et ailleurs.
La crise de l’économie capitaliste cause une baisse des taux de natalité et une augmentation des pressions pour que les familles s’occupent de parents vieillissants.
La cible principale des nantis et de leurs porteurs d’eau privilégiés au sein de la classe moyenne, ce sont les travailleurs, ceux-là mêmes qu’Hillary Clinton a appelé avec mépris, durant la campagne présidentielle de 2016, les « déplorables », que les dirigeants capitalistes non seulement méprisent profondément, mais qu’ils redoutent de plus en plus. C’est cette crainte qui provoque la crise et le factionnalisme qui secouent leurs partis jumeaux, les démocrates et les républicains, ainsi que d’autres institutions politiques et étatiques américaines.
Mais, a expliqué Jack Barnes, ce sont précisément ces « déplorables », venant de tous les milieux et régions, de toutes couleurs de peau, des deux sexes, de la ville et de la campagne, « que le SWP tente de gagner. Ce sont eux que nous voulons former et dont nous voulons développer la conscience de classe. Ce sont d’eux que nous apprenons ».
Cette peur et ce dédain pour la classe ouvrière, parmi les libéraux et la gauche radicale, expliquent en grande partie leur panique, réelle ou exagérée, au sujet de la fuite d’une ébauche de décision de la Cour suprême. Les « guerriers de la justice sociale », qui insistent pour dire que ce sont les travailleurs et les autres petits producteurs qui sont à l’origine de tout préjugé et de tout comportement réactionnaire et non le système capitaliste d’exploitation et d’oppression, répandent la notion tout à fait fausse selon laquelle le renversement de Roe c. Wade ouvre une « voie dangereuse » qui menace tous les gains durement acquis pour les opprimés au cours du dernier demi-siècle.
Selon les sondages, a souligné Jack Barnes, le pourcentage de ceux qui appuient le droit au mariage entre personnes du même sexe a augmenté pour maintenant atteindre plus de 70 % de la population. Le soutien aux droits de deux personnes de races différentes de se marier est encore plus élevé.
Il y a toujours un large appui aux « droits de Miranda », qui restreignent la capacité des policiers de piéger quelqu’un. Il n’y a pas de remise en question importante de l’accès à la contraception ni de mouvement vers le rétablissement des « lois sur la sodomie », qui briment les gais.
Des centaines de millions de personnes reconnaissent et soutiennent aujourd’hui ces droits conquis par les luttes précédentes. Il ne sera pas facile de les abroger, a ajouté Jack Barnes, et aucune force importante ne tente de le faire aujourd’hui.
Ces changements majeurs d’attitude se reflètent également dans un appui croissant aux syndicats, a-t-il expliqué. Un récent sondage révèle que le nombre de travailleurs qui voient les syndicats d’un bon œil est plus élevé aujourd’hui que depuis de nombreuses décennies.
On ne peut en dire autant de l’attitude des gens à l’égard de l’avortement depuis l’adoption de Roe c. Wade en 1973. Cette décision a miné la lutte pour les droits des femmes. Au cours du demi-siècle qui a suivi, l’opinion publique concernant le droit de choisir un avortement est devenue plus partagée et polarisée que jamais.
Jack Barnes a ajouté que les droits constitutionnels, le système fédéral de pouvoirs et contrepouvoirs, et d’autres mesures pour limiter et restreindre les pouvoirs gouvernementaux, qui ont été ratifiées il y a environ 230 ans par les familles dirigeantes afin d’atténuer les divisions entre elles, servent mieux le besoin des travailleurs de s’organiser et de combattre indépendamment de nos exploiteurs et de nos oppresseurs que ne le font les listes interminables et pompeuses de droits « accordés » par les constitutions en France, au Canada, en Afrique du Sud et par d’autres régimes « éclairés ».
Mieux vaut pour les travailleurs d’avoir des mesures de protections contre l’État des patrons que des « droits » qui nous sont (conditionnellement) « accordés » par l’État.
Les dirigeants américains, a-t-il expliqué, cherchent à masquer les maux sociaux engendrés par leur système de profit en transformant ces maux en leur contraire. Il a donné l’exemple de la publicité dans le métro de New York selon laquelle, lorsqu’utilisée « correctement », la drogue peut être « libératrice ». Il a aussi donné l’exemple du maire de New York, Eric Adams, qui a célébré la légalisation de la marijuana dans l’État comme une affaire lucrative qui pourrait attirer des investissements pour les administrateurs de la ville.
Jack Barnes a signalé que feu le sénateur américain de New York, Daniel Patrick Moynihan, un politicien du Parti démocrate, membre des administrations de Lyndon Johnson et de Richard Nixon et un partisan à tendance sociale-démocrate du capitalisme, a inventé une expression juste pour ce phénomène : « Approuver ce qui était vu comme une conduite déviante. » Cela décrit bien, a soutenu Moynihan, comment, face à des maux sociaux grandissants, certains responsables et personnalités publiques « y gagnent en caractérisant le problème comme étant essentiellement normal ».
Les branches du SWP et d’autres sympathisants, a-t-il dit, s’organiseront pour étudier cet article de Patrick Moynihan, qui décrit comment, dans les conditions contemporaines, la famille est le seul espace où les travailleurs peuvent solliciter de l’aide lorsqu’ils font face au chômage, aux inégalités sociales et à d’autres crises qu’on nous impose.
Jack Barnes a insisté sur le fait que l’avenir des travailleurs aux États-Unis demeure lié à la révolution socialiste à Cuba, qui a constitué un renouvellement de la direction communiste dans les Amériques et au-delà. La conquête du pouvoir d’État par les travailleurs cubains, sous la direction de Fidel Castro et de l’armée rebelle, a fourni aux travailleurs aux États-Unis un exemple percutant de ce que nous sommes capables d’accomplir en construisant un parti ouvrier révolutionnaire dans ce pays.
Défendons l’Ukraine ! Moscou hors de l’Ukraine maintenant !
« Aucune organisation politique n’est mieux préparée que le Parti socialiste des travailleurs pour expliquer l’importance pour les travailleurs d’une défaite de l’invasion de l’Ukraine par Moscou », a dit John Studer, rédacteur en chef du Militant et membre du Comité national du SWP dans son rapport à la conférence. Il a lui-même dirigé trois équipes de reportage en Ukraine après le soulèvement populaire de la classe ouvrière de Maïdan, en 2014, qui a renversé le régime soutenu par Moscou. Ces équipes ont décrit les conditions auxquelles sont confrontés les travailleurs et leur lutte pour l’indépendance nationale.
Depuis l’invasion de Moscou au début de l’année, les membres du parti ont fait campagne avec une déclaration du Comité national du SWP, qui explique que le parti mobilise ses candidats « pour qu’ils utilisent leur campagne électorale de 2022 afin de diffuser le plus possible la vérité et présenter une politique étrangère de la classe ouvrière : une politique étrangère qui part des intérêts des travailleurs au niveau national et international ». Cette déclaration offre un soutien inconditionnel à la lutte pour l’indépendance et la souveraineté de l’Ukraine et exige la fin immédiate des opérations et de l’occupation militaires de Moscou.
Elle revendique la suspension de toutes les sanctions économiques, bancaires et commerciales des États-Unis contre la Russie, qui frappent principalement les travailleurs russes, ce qui réduit la solidarité entre les travailleurs et les soldats des deux pays. Cette déclaration exige également que Washington retire toutes ses armes nucléaires et ses forces armées d’Europe.
John Studer a cité des documents rédigés par Vladimir I. Lénine durant les premières années de l’Union [volontaire] des républiques socialistes soviétiques pour expliquer que le soutien du SWP à l’autodétermination de l’Ukraine s’enracine dans la continuité politique du parti avec la révolution russe et l’Internationale communiste dirigées par les bolcheviks.
Les membres du parti ont mis le Militant, la seule source ouvrière de nouvelles sur la guerre et ses conséquences, entre les mains de collègues de travail, aux portes de leurs maisons ou sur les piquets de grève, et entre les mains de petits agriculteurs.
John Studer a décrit l’intérêt pour les numéros de la revue Nouvelle Internationale parmi les participants aux récents salons du livre à La Havane, à Téhéran, à Los Angeles et ailleurs aux États-Unis. Ces numéros expliquent les causes profondes des guerres à l’époque impérialiste et comment les dirigeants américains ont émergé de la seconde guerre mondiale au sommet de la hiérarchie impérialiste.
Mais le soi-disant « siècle américain » a brusquement pris fin, après avoir à peine commencé, avec les défaites de Washington dans les guerres de Corée et du Vietnam et avec une érosion relative de la domination économique américaine.
Avec l’effondrement de l’Union soviétique au début des années 1990, les États-Unis avaient perdu la guerre froide, contrairement à ce qu’ont initialement claironné bon nombre de leurs apologistes politiques, militaires et universitaires, qui ont prétendu qu’ils l’avaient gagnée. Ce fait s’est reflété dans les guerres sans issue ou perdues par Washington : en Irak, en Libye, en Afghanistan et ailleurs.
Ce résultat pour l’impérialisme américain ne s’est toutefois pas accompagné de la montée d’une nouvelle puissance capitaliste qui aurait pu le remplacer, a dit John Studer. L’impossibilité historique qu’une autre puissance puisse remplacer le dernier empire mondial a été exprimée avec justesse il y a 35 ans dans la résolution du SWP « Ce que le krach de 1987 a annoncé », publiée dans le numéro 5 de Nouvelle Internationale : « Même si la concurrence pour les profits s’est accrue sur le marché mondial, les classes dominantes nationales rivales restent enchaînées les unes aux autres et gardent les dirigeants capitalistes U.S. à leur tête. »
Aujourd’hui, provoquées par l’invasion de Moscou, les puissances capitalistes rivales s’empressent de préparer les conflits futurs. Les travailleurs peuvent mieux voir dans quelle direction avance le capitalisme, soit vers le fascisme et une guerre mondiale, comme cela a été horriblement confirmé au cours du siècle dernier.
« L’avenir de l’humanité dépend de l’organisation politique indépendante des travailleurs du monde entier, a expliqué John Studer. Il nous incombe d’enlever aux exploiteurs le pouvoir de faire la guerre et de prévenir les calamités vers lesquelles l’impérialisme avance en titubant.
« Mais avant ces événements catastrophiques, la classe ouvrière d’ici aura sa chance. Nous pouvons forger un parti prolétarien révolutionnaire de masse capable de mobiliser et de diriger des millions de personnes pour faire une révolution socialiste et conquérir le pouvoir d’État. »
Après le rapport de John Studer, une session de questions et réponses animée a eu lieu au cours de laquelle un participant a demandé si un candidat du SWP élu au Congrès soutiendrait l’envoi d’armes aux Ukrainiens par le gouvernement américain.
« Nous ne nous opposons pas à la façon dont les Ukrainiens obtiennent des armes pour se défendre contre les assauts de Moscou, a répondu John Studer. Mais la position internationaliste prolétarienne de longue date du mouvement communiste est et reste : « Pas un sou, pas un soldat pour les dirigeants américains et leur machine de guerre ! Aucune confiance politique dans le gouvernement des patrons ! »
Dans tout ce qu’ils font, les dirigeants américains ne font rien d’autre que de promouvoir leurs propres intérêts capitalistes. S’ils accordent une aide militaire, elle est assortie de conditions éhontées. Qui plus est, des couches croissantes de la classe dirigeante américaine, ainsi que les dirigeants de France, d’Allemagne, d’Italie et d’ailleurs, manœuvrent aujourd’hui pour faire pression sur le gouvernement ukrainien afin qu’il cède, qu’il s’entende avec Moscou et qu’il fasse des concessions territoriales et politiques substantielles. Ces voix impérialistes veulent mettre fin à une guerre qu’elles considèrent de plus en plus comme une menace pour leurs propres intérêts.
« Les décisions concernant le déclenchement et l’arrêt des guerres sont des décisions de classe. Pour les travailleurs, la seule façon d’avancer est de lutter pour unir les travailleurs en Russie et en Ukraine, ainsi qu’aux États-Unis et ailleurs, afin de repousser l’invasion de Moscou. »
La famille et les droits des femmes
En 1973, le Militant a salué comme une victoire la décision de la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Roe c. Wade, qui annulait les lois de 46 États limitant l’accès des femmes à l’avortement pendant les trois premiers mois de la grossesse.
« Cinquante ans d’expérience dans la lutte des classes nous ont appris que cette appréciation était inexacte », a dit Mary-Alice Waters, dirigeante du SWP, au début de son rapport à la conférence. « Il est vite apparu que cet édit du tribunal a fait reculer la lutte pour l’abrogation de toutes les lois criminalisant ou restreignant l’avortement. »
Ce jugement, que la Cour suprême a rendu sur une base politique et non constitutionnelle, « a freiné l’élan de la lutte politique qui se développait pour amener une majorité de la classe ouvrière, hommes et femmes, à reconnaître que le droit d’une femme à décider de mener ou non une grossesse à terme est une condition préalable à l’égalité des femmes. Et pour comprendre que la fin du statut de « deuxième sexe » des femmes est au cœur « du programme pour lequel la classe ouvrière doit se battre sur la voie de l’émancipation ».
Personne n’a mieux résumé cette voie que Friedrich Engels, l’un des fondateurs du communisme moderne, a dit Mary-Alice Waters. « La véritable égalité entre les hommes et les femmes, écrivait-il en 1885, ne peut devenir une réalité que lorsque l’exploitation des uns et des autres par le capital aura été abolie et que le travail privé à la maison aura été transformé en une industrie publique. »
L’accès à l’avortement dans des conditions médicalement sûres a fortement diminué par rapport à son point culminant peu après le jugement de 1973, a noté Mary-Alice Waters. La direction méritocratique de groupes comme l’Organisation nationale des femmes « est devenue un simple appendice électoral du Parti démocrate, qui s’intéresse peu aux questions familiales auxquelles la classe ouvrière est confrontée. Cela a permis aux opposants à l’avortement de s’enrouler dans le drapeau du « droit à la vie ».
Au lieu de sanctifier ce qui a été dès le départ un mauvais décret de la Cour suprême, a dit Mary-Alice Waters, « nous devons plutôt partir du fait qu’il ne peut y avoir de voie vers la libération des femmes sans tenir compte des crises sociales plus larges qui pèsent sur la famille ouvrière ni aborder les défis et les responsabilités qui incombent aux femmes en tant que porteuses d’une nouvelle vie ».
Lors de la séance de questions et réponses qui a eu lieu plus tard dans la journée, une participante a exprimé son désaccord avec l’affirmation de Mary-Alice Waters selon laquelle un renversement de Roe c. Wade serait positif. Elle lui a demandé ce qu’elle voulait dire lorsqu’elle a affirmé dans son rapport que « le SWP est le parti de la vie, pas de la mort ».
« Écarter Roe du chemin permettra aux travailleurs de discuter ce dont nous avons besoin, a répondu Mary-Alice Waters. Les tribunaux n’ont pas à imposer de législation », comme ils l’ont fait dans cette affaire, « mais à faire respecter les droits et les protections qui ont été arrachés à la classe dirigeante dans des luttes remontant à la Déclaration des droits. » Le jugement de 1973 a nui à la lutte pour l’accès à des avortements sûrs et sécuritaires, qui n’est qu’une partie de la lutte plus large de la classe ouvrière pour les femmes ainsi que les hommes d’aujourd’hui, a-t-elle dit.
Il faut absolument « répondre à ceux qui cachent leurs attaques contre les droits des femmes, y compris contre la décriminalisation de l’avortement, sous un manteau « pro-vie ». Le parti de la classe ouvrière qui se bat pour la libération de l’humanité est un parti de la vie. Nous devons reprendre cette bannière. C’est la nôtre ».
Au cours de sa présentation, Mary-Alice Waters a tiré des leçons cruciales des révolutions socialistes en Russie en 1917 et à Cuba en 1959. La révolution menée par les bolcheviks « a été la première occasion pour un gouvernement de la classe ouvrière de mener une lutte pour l’égalité des femmes ».
Elle a rappelé comment le dirigeant communiste Vladimir I. Lénine a décrit l’esclavage domestique auquel étaient confrontées les femmes en Russie, il y a un siècle. Ces conditions dégradantes ne changeront, a dit Lénine, « que lorsque commencera une lutte totale (menée par le prolétariat exerçant le pouvoir d’État) contre cet esclavage domestique mesquin ou plutôt lorsque commencera sa transformation totale en une économie socialiste à grande échelle ».
Comme l’a expliqué Léon Trotsky, un autre dirigeant bolchevique, il fallait, pour y arriver, équiper les appartements et les habitations rurales d’eau courante et d’électricité. Il fallait des écoles, des emplois, des blanchisseries et des garderies. Il fallait éradiquer l’analphabétisme et lutter contre l’ivrognerie et la violence domestique.
Les progrès réalisés en Union soviétique sous la direction de Lénine et défendus par Trotsky ont été anéantis par la contre-révolution dirigée par Staline, l’une des plus grandes défaites que la classe ouvrière ait jamais connues, a poursuivi Mary-Alice Waters.
Dans son livre de 1936, La révolution trahie, tirant les leçons de l’expérience soviétique, Trotsky a écrit : « On ne peut pas « abolir » la famille, il faut la remplacer. » On ne peut s’acquitter de cette tâche, a expliqué Mary-Alice Waters, qu’en éliminant la contrainte économique provenant du capitalisme et sur laquelle se fonde la famille.
Les femmes à Cuba
La deuxième grande révolution socialiste du siècle dernier a eu lieu à Cuba. Dès le début, Fidel Castro et d’autres dirigeants révolutionnaires étaient déterminés à renforcer la participation des femmes à tous les aspects de la vie sociale, en éliminant les obstacles qui les empêchaient d’assumer des responsabilités politiques pour faire avancer la révolution. Fidel a insisté pour qu’une organisation de femmes soit créée afin de diriger ces efforts. C’est ainsi qu’est née la Fédération des femmes cubaines. Ces énormes réalisations sont consignées dans : Les femmes à Cuba : La genèse d’une révolution au sein de la révolution, un livre édité par Mary-Alice Waters et qui est paru en anglais, en espagnol et en grec.
Le centre de la lutte pour l’émancipation des femmes aujourd’hui n’est pas l’avortement, a conclu Mary-Alice Waters. C’est la famille. Cela fait partie de la démarche qui consiste à développer « la lutte de la classe ouvrière pour conquérir le pouvoir d’État, pour créer les conditions matérielles et sociales qui permettront aux femmes et aux hommes de réaliser les conditions essentielles de notre humanité. Cela signifie la pleine participation au travail social et la capacité de prendre des décisions conscientes, en bénéficiant des progrès de la science médicale, tant en matière de reproduction que de production.
« C’est la voie non seulement vers l’émancipation de la classe ouvrière, a-t-elle dit, mais aussi vers l’éradication des racines historiques de l’oppression des femmes. »
Le travail syndical du SWP
Les membres du SWP sont actifs dans leurs syndicats et effectuent un travail dans l’ensemble du mouvement ouvrier, a dit Mary Martin, dirigeante du travail syndical du parti. « Les travailleurs montrent ce qu’ils peuvent faire en construisant la solidarité avec les luttes des uns et des autres. »
Elle a cité plusieurs grèves menées l’année dernière par des membres du Syndicat International des Travailleurs et Travailleuses de la Boulangerie, Confiserie, Tabac et Meunerie (BCTM) chez Frito-Lay, Nabisco, Kellogg’s et Jon Donaire. Les travailleurs ont lutté pour rejeter les « quarts de travail suicidaires » qui détruisent la vie de famille et mettent en danger la santé et la sécurité des travailleurs. Ils ont obtenu des gains et une solidarité importante.
Le SWP a créé des groupes de membres du parti, appelés fractions, au sein du BCTM partout où le parti a une branche, ainsi que des fractions dans les syndicats du transport ferroviaire de marchandises dans six villes. Il a également élargi les types d’emplois que les membres du parti peuvent occuper dans les lieux de travail organisés par le BCTM, ouvrant ainsi la vie syndicale et politique à un plus grand nombre de cadres du parti.
Mary Martin a passé en revue certaines expériences récentes dans les syndicats. Les membres du parti se sont joints à leurs collègues de travail et à d’autres personnes pour apporter leur soutien au syndicat des Mineurs unis, qui est en grève contre Warrior Met Coal à Brookwood, en Alabama, depuis plus d’un an.
Ils ont aidé à gagner le soutien de travailleurs et d’agriculteurs en faveur d’une grève de deux jours des cheminots du Canadien Pacifique en mars.
Et ils ont fait connaître la vérité, dans les pages du Militant et par les canaux syndicaux, sur la mort de deux ouvriers de boulangerie dans des emplois non syndiqués en Caroline du Nord.
Les membres du SWP participent en même temps aux campagnes de propagande du parti auprès de leurs collègues sur le lieu de travail, tout comme ils participent chaque semaine aux activités de la branche afin de faire connaître le programme du parti aux travailleurs sur le pas de leur porte, sur les lignes de piquetage, lors de manifestations sociales et de rassemblements politiques.
Ce rapport de Mary Martin sur le travail syndical et politique a été suivi, le dernier soir de la conférence, d’un rassemblement dynamique, avec les interventions de 13 participants à la conférence venus des États-Unis, du Canada, du Royaume-Uni et de Nouvelle-Zélande.
Maggie Trowe, membre de la branche de Cincinnati, a décrit les efforts qu’elle et d’autres membres du BCTM ont fait pour soutenir les mineurs de l’Alabama.
John Hawkins, membre du parti à Chicago, a parlé du travail accompli récemment par les membres du SWP pour obtenir le soutien d’agriculteurs américains en faveur d’un message de solidarité aux agriculteurs cubains à l’occasion du 63e anniversaire de la réforme agraire radicale réalisée à Cuba et du 61e anniversaire de l’Association nationale des petits agriculteurs (ANAP). L’alliance entre les travailleurs et les agriculteurs qui a rendu possible la révolution socialiste cubaine s’est fondée sur la réforme agraire.
Osborne Hart, candidat du SWP au Sénat américain pour la Pennsylvanie, a décrit les ouvertures qui existent pour mener des campagnes, dont celle très courte qui allait commencer juste après la conférence pour faire signer une pétition afin de placer le candidat du parti, Chris Hoeppner, sur le bulletin de vote à l’élection au Congrès américain pour Philadelphie.
Le rassemblement s’est achevé par un appel de fonds, qui a permis de récolter 44 769 dollars pour le travail du parti, et par un chant enthousiaste de « L’Internationale », l’hymne de combat de la classe ouvrière du monde entier.
« J’ai apprécié le cours sur la politique indépendante de la classe ouvrière », a dit au Militant Jacob Pirro, de Montréal, qui participait à sa première conférence. « Pendant le mouvement pour les droits civiques, le Parti communiste des États-Unis a enjoint ses membres d’aider à faire élire des démocrates.
« Contrairement au PC, Malcolm X et le SWP ont enseigné aux combattants pour les droits des Noirs : « Ne faites pas confiance à votre oppresseur. » Cette même question se pose aux combattants qui tentent de changer le monde aujourd’hui, a-t-il dit.
« Je veux en apprendre davantage sur l’histoire du SWP et sur sa continuité, qui remonte aux bolcheviks », a affirmé Vincent Auger, de Seattle, également présent à sa première conférence du parti.
Le lendemain de la conférence du SWP, les partisans organisés du mouvement communiste du monde entier se sont réunis avec les dirigeants du parti pour planifier le travail de l’année à venir. Les partisans du mouvement communiste organisent la production, l’impression et la distribution des livres de dirigeants du SWP et d’autres révolutionnaires publiés par les éditions Pathfinder et ils travaillent systématiquement pour recueillir des fonds que le SWP utilise pour son travail politique.
Cette année, les partisans ont organisé un espace dans l’auditorium pour montrer aux participants le travail qu’ils ont accompli en réalisant la proposition du parti, fin 2021, de commencer à produire des livres dans plusieurs formats accessibles aux aveugles et aux malvoyants, du livre audio au braille. Ce fut l’un des stands les plus visités durant la conférence.