Les débardeurs votent sur leur contrat sous la menace d’une intervention du gouvernement

John Steele
le 7 août 2023
Ligne de piquetage des membres de l’International Longshore and Warehouse Canada à Vancouver, en Colombie-Britannique, le 1er juillet. Les travailleurs exigent une augmentation des salaires pour couvrir l’inflation et la sécurité d’emploi.
LE MILITANT/NED DMYTRYSHYNLigne de piquetage des membres de l’International Longshore and Warehouse Canada à Vancouver, en Colombie-Britannique, le 1er juillet. Les travailleurs exigent une augmentation des salaires pour couvrir l’inflation et la sécurité d’emploi.

MONTRÉAL – Sous la menace du gouvernement fédéral à Ottawa, qui dit envisager « toutes les options » pour mettre fin à la grève des 7 400 débardeurs de la Colombie-Britannique dans les installations portuaires de la côte Ouest, le comité pour le contrat de l’International Longshore and Warehouse Union Canada (ILWU) a décidé le 21 juillet de recommander aux débardeurs d’accepter les propositions de contrat soumises par un médiateur du gouvernement. Les patrons se sont déjà prononcés en faveur de ces propositions.

Les débardeurs discuteront du contrat proposé lors de « réunions d’arrêt de travail » le 25 juillet, puis voteront les 27 et 28 juillet.

Le comité pour le contrat, composé de 100 membres du syndicat élus, est revenu sur la décision qu’il avait prise le 18 juillet de rejeter les recommandations du médiateur, ce qui avait conduit les travailleurs à cesser le travail pour la deuxième fois après une grève de 13 jours, du 1er au 13 juillet.

Les travailleurs réclamaient un contrat de deux ans, avec des augmentations de salaire couvrant l’inflation et la sécurité d’emploi contre la volonté de la BC Maritime Employers Association (BCMEA) de sous-traiter davantage d’emplois syndiqués et de recourir encore plus à l’automatisation.

Le rapport du médiateur a proposé un contrat de quatre ans avec une augmentation salariale composée de 19,2 %.

Avant que le comité pour le contrat ne revienne sur sa décision, le président de l’ILWU Canada, Rob Ashton, a expliqué que le syndicat « ne pensait pas que la recommandation [du médiateur] pouvait protéger nos emplois, maintenant ou dans le futur », et que « les employeurs n’ont pas abordé les problèmes liés au coût de la vie auxquels nos travailleurs ont été confrontés au cours des deux dernières années, comme tous les autres travailleurs ».

Cinq des plus grandes entreprises représentées par la BC Maritime Employers Association ont déclaré des bénéfices de 103,3 milliards de dollars l’année dernière.

Les associations patronales de tout le pays, dont la BCMEA, la Chambre de commerce du Canada, le Conseil canadien du commerce de détail et les Manufacturiers et exportateurs du Canada, ont appelé le premier ministre Justin Trudeau à convoquer à nouveau le Parlement après les vacances d’été afin d’adopter une loi de « retour au travail » pour mettre fin à toute grève. Elles ont été soutenues par une campagne antigrève massive dans les médias capitalistes.

« Si le gouvernement fédéral intervient pour nous imposer une loi, à nous ou à tout autre travailleur d’ailleurs, les employeurs n’ont pas besoin de négocier avec les travailleurs, a ajouté Rob Ashton. Il faut empêcher que cela se produise dans ce pays. »

L’État menace d’intervenir

Après la reprise de la grève, le Conseil canadien des relations industrielles, prétendument « indépendant », dont les membres sont nommés par le gouvernement fédéral, a jugé que la grève était « illégale » en prétextant que le syndicat n’avait pas donné un préavis de grève de 72 heures. Il a ordonné aux travailleurs de reprendre le travail.

La décision du conseil a été suivie d’une réunion à huis clos du Groupe d’intervention en cas d’incident du gouvernement canadien, un groupe de ministres et de hauts fonctionnaires qui ont traité dans le passé de situations que le gouvernement fédéral considérait comme des urgences nationales.

Ce groupe d’intervention a été convoqué en février 2022 pour discuter des moyens à prendre pour mettre fin à l’occupation du centre-ville d’Ottawa par les camionneurs et leur convoi de la liberté. Il s’agissait d’un prélude à la toute première utilisation de la Loi sur les mesures d’urgences, une loi draconienne qui a été utilisée pour organiser une mobilisation sans précédent de milliers de policiers lourdement armés dans le but de mettre fin à l’action des camionneurs.

« Introduire la Loi sur les mesures d’urgence crée un précédent qui pourrait être utilisé contre le mouvement syndical lorsqu’il organisera des manifestations à l’avenir », avait alors dit dans un communiqué de presse, le 17 février 2022, le conseil exécutif du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario. « Historiquement, le mouvement ouvrier a souvent été la cible de lois visant à réprimer son opposition au gouvernement, y compris alors que les travailleurs exigeaient de meilleures conditions de vie en organisant des grèves. »

« Tous les travailleurs et l’ensemble du mouvement ouvrier doivent lutter contre les menaces du premier ministre Trudeau et de ses ministres d’envisager « toutes les options » pour déclarer la grève des débardeurs illégale et d’utiliser la force répressive de l’État capitaliste contre les grévistes et leur syndicat », a dit au Militant  Steve Penner, organisateur de la Ligue communiste le 20 juillet.

« La solidarité de la classe ouvrière et le pouvoir des syndicats peuvent empêcher les dirigeants d’utiliser des lois comme celle-ci contre les travailleurs et nos syndicats. C’est la leçon de la lutte victorieuse des 55 000 travailleurs de l’éducation de l’Ontario, membres du Syndicat canadien de la fonction publique », a-t-il dit. En novembre 2022, avec le soutien de l’ensemble du mouvement syndical, ces travailleurs ont défié le projet de loi antigrève 28 du gouvernement de l’Ontario, forçant son abrogation.

« Des milliers de travailleurs ont vu jusqu’où les patrons et leurs partis iront pour défendre leurs profits, a poursuivi Steve Penner. C’est pourquoi les débardeurs de la Colombie-Britannique ont gagné une si large solidarité, y compris de la part de syndicats aux États-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande et ailleurs.

« Cela peut aider à créer les conditions pour que les travailleurs voient la nécessité de rompre avec les partis des patrons et de forger un parti des travailleurs basé sur les syndicats afin de lutter pour prendre le pouvoir politique. »