MONTRÉAL — « Le procès de Tamara Lich et Chris Barber est un coup monté. Il s’agit de la plus récente attaque contre les manifestations du Convoi de la liberté en février 2022 à Ottawa par des camionneurs et d’autres personnes opposées aux mandats de vaccination qui interdisaient à des camionneurs de faire des voyages à destination et en provenance des États-Unis », a dit la Ligue communiste dans une déclaration publiée le 12 septembre. Ce procès constitue une importante attaque contre les droits démocratiques et politiques, contre la liberté d’expression et le droit de manifester.
« Les syndicats et tous les défenseurs des droits démocratiques doivent exiger la fin immédiate du procès et le retrait de toutes les accusations contre Tamara Lich et Chris Barber et contre d’autres participants aux protestations. »
Tamara Lich a dit que le résultat de son procès créerait un précédent pour les autres manifestants du convoi dont le procès n’a pas encore commencé. « C’est pourquoi je ne me laisse pas faire sans lutter », a-t-elle dit.
Elle est une ancienne dirigeante du parti Maverick, qui promeut l’indépendance des provinces de l’Ouest canadien. Chris Barber est un chauffeur de camion de la Saskatchewan qui dirigeait l’entreprise CB Trucking.
Ils ont été arrêtés et inculpés plusieurs jours après que le premier ministre Justin Trudeau a invoqué, pour la première fois, la Loi sur les mesures d’urgence contre des milliers de manifestants à Ottawa, le 14 février 2022.
Ces arrestations ont été suivies par l’un des pires actes de répression gouvernementale de l’histoire moderne du Canada. Plus de 3 000 policiers, utilisant des armes de calibre militaire, des véhicules blindés, des tireurs d’élite, des gaz lacrymogènes et d’autres armes, ont mis fin aux manifestations. Plus de 200 participants ont été arrêtés, des camions ont été saisis et de nombreux comptes bancaires ont été gelés.
Le gouvernement Trudeau a frauduleusement prétendu que les manifestations constituaient une « urgence nationale d’ordre public ». Le véritable objectif du gouvernement était de transformer en un geste criminel toute protestation politique légitime contestant les politiques gouvernementales.
« Dans le contexte de l’approfondissement de la crise économique, sociale et politique du système capitaliste, le recours à la Loi sur les mesures d’urgence contre les camionneurs était un coup préventif, calculé et sans précédent, contre la résistance croissante de la classe ouvrière et contre l’utilisation du pouvoir syndical pour défendre les intérêts des travailleurs », a dit la Ligue communiste.
Lors de ces évènements, le comité exécutif du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario a publié une déclaration condamnant le recours à cette loi par le gouvernement et prévenant que « l’introduction de la Loi sur les mesures d’urgence crée un précédent qui pourrait être utilisé à l’avenir contre le mouvement syndical lorsqu’il organisera des manifestations dans le secteur public ».
Encouragés par leur capacité de briser les manifestants du Convoi de la Liberté, les dirigeants capitalistes ont intensifié leurs attaques contre les droits des travailleurs et des syndicats. En novembre dernier, le gouvernement de l’Ontario a imposé le projet de loi 28 contre 55 000 travailleurs de soutien du système scolaire en Ontario, membres du Syndicat canadien de la fonction publique. Ce projet de loi déclarait illégale la grève que les travailleurs avaient planifiée. Ceux-ci ont débrayé malgré la loi et ont forcé le gouvernement à reculer.
Huit mois plus tard, 7 400 travailleurs, membres de l’International Longshore and Warehouse Union Canada (ILWU), fermaient les ports de la côte Ouest du Canada. Les associations d’employeurs de tout le pays ont exigé que le gouvernement impose une loi de retour au travail.
Justin Trudeau, qui avait précédemment déclaré que « toutes les options » étaient sur la table pour mettre un terme à la lutte des débardeurs, a menacé d’imposer un arbitrage gouvernemental obligatoire.
La liberté d’expression est une « activité criminelle »
Tamara Lich et Chris Barber ont été libérées dans des conditions draconiennes de liberté provisoire, perdant ainsi leur droit à la présomption d’innocence. Lich a passé 49 jours derrière les barreaux bien qu’elle n’ait jamais été condamnée pour un acte criminel. Lors de sa deuxième enquête sur cautionnement, lorsqu’elle est arrivée au tribunal, elle était menottée pour donner l’impression qu’elle était une criminelle déjà condamnée. Un juge de la Cour supérieure, scandalisé, a ordonné qu’on lui retire les menottes et qu’elle soit libérée.
Le droit à la liberté d’expression a été bafoué lorsqu’on a interdit à Tamara Lich d’utiliser les médias sociaux pour quelque raison que ce soit, de contacter les autres dirigeants du convoi ou de participer à des activités s’opposant à l’obligation de vaccination.
Chris Barber a été libéré contre un cautionnement de 100 000 dollars, après avoir accepté de quitter Ottawa et de ne plus jamais participer à des manifestations similaires. On lui a interdit de communiquer avec les autres dirigeants du convoi. Barber est en fait assigné à résidence jusqu’à la fin du procès.
Tous deux sont accusés de méfait, d’intimidation et d’obstruction à la police. Chris Barber est également accusé d’avoir conseillé à d’autres personnes de désobéir à une décision de justice : une myriade de chefs d’accusation dans l’espoir qu’au moins l’un d’entre eux sera retenu.
Dans sa déclaration d’ouverture au tribunal, le procureur Timothy Radcliffe a cyniquement affirmé que les accusations portées contre Tamara Lich et Chris Barber n’avaient rien à voir avec leurs opinions politiques ou leur droit de les exprimer, mais qu’elles concernaient l’utilisation de « moyens illégaux » pour faire pression sur Ottawa afin qu’il modifie ses politiques en matière de COVID-19. Il a affirmé que la manifestation était « tout sauf pacifique ».
Les avocats de la défense ont rétorqué qu’aucun incident violent n’avait eu lieu pendant les trois semaines qu’a duré la manifestation, à laquelle ont participé des milliers de personnes. Les efforts des organisateurs pour négocier un accord avec la police afin de réduire l’impact perturbateur de l’action sur les citoyens d’Ottawa ont été repoussés. Les négociateurs de la police ont déclaré avoir reçu l’ordre de ne pas faire de concessions « d’un pouce » au convoi, mais ils ont refusé de dire si ce sont des représentants du gouvernement qui ont donné cet ordre.
Dans son témoignage aux audiences de la Commission sur la Loi sur les mesures d’urgence tenues en novembre 2022, Justin Trudeau a clairement indiqué que le gouvernement considérait ces manifestations comme illégitimes. Les manifestants « ne voulaient pas simplement être entendus. Ils voulaient que nous changions la politique de santé publique », a-t-il déclaré.
Depuis quand est-ce illégal ? L’objectif de la plupart des manifestations est de faire pression sur les gouvernements capitalistes pour qu’ils modifient les politiques que les manifestants considèrent comme néfastes. C’est ce que l’accusation appelle l’« intimidation » du gouvernement, l’un des chefs d’accusation retenus contre Tamara Lich et Chris Barber.
La vice-première ministre Chrystia Freeland a justifié le recours à la Loi sur les mesures d’urgence par le gouvernement Trudeau en déclarant à la Commission que la manifestation mettait « profondément en péril » l’économie capitaliste. Ce langage pourrait être utilisé contre n’importe quelle grève, renforçant ainsi l’avertissement du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario concernant l’utilisation potentielle de la Loi sur les mesures d’urgence contre les travailleurs en grève.
Le juge Heather Perkins-McVey préside le procès et, en l’absence de jury, se prononcera sur la culpabilité de Tamara Lich et Chris Barber.
D’autres manifestants subiront également un procès.
La Ligue communiste exhorte les syndicats et d’autres groupes à dénoncer également cette attaque contre les droits politiques.