Le gouvernement canadien lance une nouvelle attaque contre les droits politiques

Steve Penner
le 18 mars 2024
La police antiémeute canadienne utilise du gaz poivré contre des camionneurs et d’autres manifestants à Ottawa, le 19 février 2022. Bien que la Loi sur les mesures d’urgence ait récemment été jugée illégale par un juge fédéral, le gouvernement de Justin Trudeau a entrepris une nouvelle attaque contre les droits politiques, la Loi sur les préjudices en ligne.
JUSTIN TANG/LA PRESSE CANADIENNE VIA APLa police antiémeute canadienne utilise du gaz poivré contre des camionneurs et d’autres manifestants à Ottawa, le 19 février 2022. Bien que la Loi sur les mesures d’urgence ait récemment été jugée illégale par un juge fédéral, le gouvernement de Justin Trudeau a entrepris une nouvelle attaque contre les droits politiques, la Loi sur les préjudices en ligne.

MONTRÉAL — Dans une nouvelle attaque majeure contre le droit à la liberté d’expression, le gouvernement du Parti libéral du Canada a présenté le Projet de loi 63, la Loi sur les préjudices en ligne. Il s’agit d’une législation radicale visant à renforcer les « lois contre la haine » existantes et à imposer la censure gouvernementale sur Internet, ainsi qu’à augmenter les peines d’emprisonnement jusqu’à la perpétuité pour toute personne dont un juge estime qu’elle a commis un délit « motivé par la haine » ou qui prône un « génocide ». Il prévoit également des peines pouvant aller jusqu’à 70 000 dollars.

Le premier ministre Justin Trudeau a cyniquement déguisé l’attaque en prétendant que l’objectif principal de la nouvelle loi est de protéger les enfants contre les prédateurs sexuels en ligne. « Mais ne vous laissez pas tromper », a averti Joanna Baron, directrice exécutive de la Canadian Constitution Foundation. « La majeure partie du projet de loi vise à restreindre la liberté d’expression. »

« Cette loi montre que le gouvernement est bien déterminé à intensifier les attaques contre les libertés politiques fondamentales, le droit à la liberté d’expression et de réunion ainsi que d’autres libertés dont les travailleurs ont besoin pour se défendre et défendre leurs syndicats », a dit au Militant le 1er mars Katy LeRougetel, candidate de la Ligue communiste à l’élection partielle fédérale de Montréal dans la circonscription de LaSalle-Émard-Verdun. « Nous devons lutter pour nos droits contre les attaques des dirigeants capitalistes. »

Le projet de loi permet à un juge d’assigner à résidence des personnes qui, bien que n’ayant commis aucun crime, sont susceptibles, selon lui, de commettre à l’avenir des crimes relevant de l’« incitation à la haine ». Ces personnes peuvent être contraintes de porter un bracelet électronique pour suivre leurs mouvements. On peut leur interdire de communiquer avec des personnes ou des organisations désignées par la Cour et les contraindre de fournir des échantillons aléatoires d’urine ou de sang pour vérifier la présence d’alcool ou de drogues. La violation de l’une de ces conditions peut entraîner une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans.

Noa Mendelsohn Aviv, directrice générale et avocate générale de l’Association canadienne des libertés civiles, a dit à la presse que la Loi sur les préjudices en ligne contient une autre menace contre sur les droits politiques : « le pouvoir considérable conféré à un nouvel organisme », la Commission de la sécurité numérique. Cette nouvelle agence d’espionnage serait composée de « personnes nommées par le gouvernement » qui seraient chargées « d’interpréter la loi, d’élaborer de nouvelles règles, de les faire appliquer, puis de servir de juge, de jury et de bourreau ».

La loi donnerait également à la Commission canadienne des droits de la personne, nommée par Ottawa, de nouveaux pouvoirs pour poursuivre et punir les discours considérés comme « haineux ». Le gouvernement affirme qu’il dispose de ce pouvoir parce que la Cour suprême du Canada « a maintes fois confirmé que les lois pour combattre les discours haineux constituent des limites justifiées à la liberté d’expression ».

Alors que s’accroît la résistance des travailleurs face à la crise économique et sociale croissante du système capitaliste, Ottawa et d’autres gouvernements capitalistes dans le monde s’efforcent d’exercer un contrôle accru sur nos vies par le biais de règles et de réglementations de plus en plus antidémocratiques.

Selon l’Association canadienne des libertés civiles, les « trop larges contraintes juridiques frappant le droit de parole contenues dans le projet de loi risquent d’entraver les échanges publics et de criminaliser le militantisme politique ». Elles contribueront également à « censurer la vive opposition aux autorités politiques » et à limiter « le débat et la dissidence sur les questions litigieuses ».

En vertu de la nouvelle loi, condamner le Hamas pour le pogrom du 7 octobre, qui a tué 1 200 Juifs en Israël, pourrait être considéré par un juge comme « susceptible de fomenter la détestation ou la diffamation » des Palestiniens, ce qui constituerait une violation du Projet de loi 63.

La loi donnerait également au cabinet fédéral le pouvoir de promulguer unilatéralement des règlements ayant force de loi et restreignant le contenu autorisé sur les sites de médias sociaux.

Ottawa a lancé ce nouvel assaut contre les droits politiques quelques semaines seulement après que le juge fédéral Richard Mosley a statué que l’imposition par Ottawa de la Loi sur les mesures d’urgence contre les camionneurs et d’autres personnes qui manifestaient en février 2022 était illégale et constituait une violation de la Charte des droits et libertés du Canada. L’administration Trudeau a fait savoir qu’elle ferait appel de la décision du tribunal et qu’elle poursuivait les procès sur la base d’accusations fabriquées des dirigeants du Convoi de la liberté et de nombreux autres manifestants arrêtés et inculpés après l’imposition de la Loi sur les mesures d’urgence.

Le Nouveau Parti démocratique a fait savoir qu’il soutenait le Projet de loi 63, garantissant ainsi son adoption. Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a déclaré que son parti, minoritaire au Parlement, s’y oppose parce qu’il n’est pas d’accord avec la « censure des opinions ».

« Les travailleurs et nos syndicats devraient s’opposer à la Loi sur les préjudices en ligne, exiger l’abrogation de la Loi sur les mesures d’urgence et demander l’abandon de toutes les accusations portées contre les participants au Convoi de la liberté », a dit la candidate de la Ligue communiste, Katy LeRougetel.