MONTRÉAL – Les deux principaux chemins de fer du Canada – le Canadien national et le Canadien Pacifique Kansas City – ont tous deux déposé un « avis de différend » auprès du gouvernement fédéral le 16 février, indiquant clairement que les patrons du rail ont l’intention de mener une lutte combinée contre les 9 300 membres de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, qui luttent pour obtenir des conditions de travail plus sécuritaires et des horaires de travail viables. Cette lutte inclut les chefs de train, les mécaniciens de locomotive, les travailleurs de la cour de triage et 90 contrôleurs de la circulation ferroviaire du Canadien Pacifique Kansas City.
Les travailleurs organiseront des votes de grève dans les deux chemins de fer du 8 avril au 1er mai. Le syndicat pourrait légalement déclencher une grève le 22 mai. Des grèves conjointes ont été menées par les travailleurs du Canadien national et du Canadien Pacifique en 1966 et en 1950. Lors de la grève de 1950, 138 000 travailleurs des différents métiers du rail ont lutté pour la semaine de travail de 40 heures et l’ont obtenue.
« La question est simple : la sécurité au travail », a déclaré au Militant Eugen Bernard, chef de train au CN à Montréal depuis neuf ans. « Ils veulent faire le plus d’argent possible et nous obliger à travailler le plus souvent possible. »
« Chaque année, le Canada est aux prises avec des centaines de déraillements, d’incendies, d’explosions, de collisions et de cas de trains qui partent à la dérive. Des marchandises dangereuses sont souvent impliquées dans ces accidents », a écrit François Laporte, président de Teamsters Canada, en juillet dernier, à l’occasion du 10e anniversaire de la catastrophe de Lac-Mégantic, où un train stationné a dévalé une colline, explosé et mis le feu au centre-ville, tuant 47 personnes. Depuis Lac-Mégantic, « 21 employés des chemins de fer sont morts et 110 ont été gravement blessés au travail. Des travailleurs ferroviaires fatigués partout au pays conduisent des trains alors qu’ils devraient se reposer. »
Les patrons du Canadien pacifique et du Canadien national ont fait parvenir leurs propositions directement aux membres, sans passer par le syndicat. « L’objectif de l’employeur en envoyant ces communications était de saper la viabilité du syndicat aux yeux de ses membres », a répondu la Conférence des Teamsters, en omettant des « informations cruciales » et en ne décrivant pas « tous les changements radicaux qu’il cherche à obtenir », qui détruiraient « vos conditions de travail. »
« Je pense qu’ils essaient d’obtenir un vote majoritaire de la part des plus jeunes en leur offrant beaucoup d’argent dès maintenant, mais ils ne disent pas quelles seront les conséquences à l’avenir », a dit Jourdain Dumont, chef de train à la Canadian national à Montréal depuis deux ans. Dans sa lettre, la CN affirme qu’elle offre une augmentation de 20 % en moyenne pour chaque travailleur, sans préciser que cela signifie une baisse de salaire pour nombre d’entre eux, puisque les travailleurs du rail perçoivent des augmentations différentes selon les postes qu’ils occupent.
« Il est tentant de se voir offrir autant d’argent en plus. C’est une belle augmentation sans qu’il soit besoin d’attendre 10 ans » pour pouvoir occuper les emplois les mieux rémunérés, a-t-il dit.
« Dans l’état actuel des choses, nous sommes déjà fatigués lorsque nous travaillons 10 heures, et en plus, la compagnie met beaucoup de temps avant de nous ramener à la maison. Maintenant, ils veulent que nous travaillions 12 heures avec seulement 10 jours de congés par an, ce qui constituerait une détérioration de la qualité de notre équilibre entre vie professionnelle et vie privée », a dit au Militant un chef de train de la Canadian national de Melville, en Saskatchewan, qui a demandé que son nom ne soit pas utilisé par crainte de représailles de la part de l’entreprise.
« Si nous faisons grève, le gouvernement pourrait nous obliger à reprendre le travail aux conditions du CN, a dit Bernard. Mais nous devons comprendre que nous avons du pouvoir entre nos mains. Si nous sommes faibles, nous serons des esclaves toute notre vie. »
Il a cité l’exemple de la grève des mineurs de Betteshanger en 1942 dans le Kent, en Angleterre. En pleine Seconde guerre mondiale, confrontés à une législation anti-grève draconienne, les mineurs ont décidé de débrayer en raison des conditions de travail dangereuses et de la retenue de leurs salaires par les propriétaires de la mine. « Mille quatre-vingt-cinq travailleurs ont été licenciés et beaucoup ont été emprisonnés, mais en se battant, ils ont fini par gagner, a-t-il dit. Et tout le monde a été réintégré. »
« La lutte des cheminots pour la sécurité au travail est un enjeu majeur pour les travailleurs et leurs syndicats, ainsi que pour les agriculteurs et les autres petits producteurs », a dit Katy LeRougetel, candidate de la Ligue communiste à l’élection partielle de LaSalle-Emard-Verdun, au Militant. « Il s’agit également d’une lutte vitale pour la sécurité des centaines de milliers de personnes qui vivent à proximité des voies ferrées et qui sont confrontées chaque jour au risque d’un nouveau Lac-Mégantic. »
« Le mouvement syndical dans son ensemble doit défendre le droit de grève des cheminots. C’est le principal outil dont disposent les travailleurs pour lutter pour de meilleurs salaires et conditions de travail et pour défendre leurs droits, a-t-elle ajouté. Et tous les travailleurs doivent se préparer à les soutenir par une large solidarité syndicale. »