MONTRÉAL — Quelque 9300 chefs de train, agents de triage, mécaniciens de train et répartiteurs des deux plus grandes compagnies ferroviaires du Canada — la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) et le Canadien Pacifique Kansas City Southern (CPKC) — se battent pour obtenir des conditions de travail sécuritaires et des horaires de travail décents. Leur contrat a expiré le 31 décembre. Depuis lors, ils débattent et votent sur la possibilité de déclencher une grève. Le vote des membres de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada se termine le 1er mai.
Une grève ou un lock-out pourrait survenir dès le 22 mai. Le 11 avril, la compagnie a publié une « offre » sur son site web, contournant ainsi le comité de négociation du syndicat. « C’est une offre faite pour diviser les travailleurs », a dit Juan Garcia, chef de train au CN à Montréal depuis 10 ans.
Les patrons du CN exigent une série de concessions, notamment que les membres du syndicat soient disponibles pour travailler 12 heures par quart de travail. Le contrat actuel permet aux travailleurs d’arrêter de travailler après 10 heures s’ils sont trop fatigués pour continuer. Les patrons veulent réduire le nombre de jours de congé pour raisons personnelles de 10 à 5, tout en accordant à la plupart des travailleurs une semaine de vacances supplémentaire.
Les travailleurs disposent ainsi de beaucoup moins de flexibilité pour répondre à leurs besoins, puisqu’ils peuvent prendre leurs jours de congé personnel quand ils en ont besoin, alors que les dates pour pouvoir aller en vacances sont présentées au début de l’année et sont déterminées par ancienneté. « Ils veulent contrôler nos congés et s’assurer qu’ils ont toujours assez de travailleurs disponibles. Ils veulent obtenir encore plus de nous que ce qu’ils ont déjà », a affirmé Loupca Fournelle, chef de train à Montréal depuis un an et demi.
La compagnie « garantit » qu’il n’y aura pas de licenciements pour les travailleurs employés au moment de la signature du contrat, créant ainsi un système à deux vitesses pour les nouveaux employés. Elle demande également que les travailleurs licenciés puissent être contraints d’accepter un emploi ailleurs que dans leur terminal, n’importe où au pays, en cas de pénurie de main-d’œuvre.
L’entreprise propose une série de mesures qui obligeraient les équipes qui arrivent à un terminal à rester sur place et à réaménager leurs trains selon les destinations. En vertu de l’accord actuel, les équipes qui arrivent vont se reposer et les équipes régulières de triage mettent les wagons en ordre. Ce changement signifierait des suppressions d’emplois, ont expliqué Juan Garcia et Loupca Fournelle.
Les patrons des chemins de fer font miroiter un montant forfaitaire de 5000 $ canadiens (3650 $ US) aux travailleurs pour qu’ils signent le contrat.
Il semble qu’il n’y ait pas d’autre choix que faire la grève
« Il semble que nous n’ayons pas d’autre choix que de faire la grève », a dit au Militant Damien Venne, chef de train du Canadien National à Montréal depuis cinq ans. Les demandes de la compagnie signifient également « une réduction de salaire pour tous les trains longue distance, en plus de tout ce que nous perdrions ».
Au Canadien Pacifique Kansas City, deux options ont été envoyées aux membres du syndicat le 28 février, contournant également leur comité de négociation. Alors que le vote de grève est toujours en cours, le CPKC a décidé de modifier les conditions de travail et d’obliger les équipes des trains longue distance à prendre des jours de congé loin de leur domicile, sans rémunération. En vertu de la législation canadienne, les dispositions contractuelles antérieures sont censées être respectées jusqu’à la signature d’un nouveau contrat. La compagnie refuse désormais de couvrir les frais de chiropractie et de massothérapie.
« L’exécutif de votre syndicat prend les mesures appropriées pour mettre fin à cette action odieuse et à cette violation des droits de nos membres », indique un bulletin syndical daté du 28 mars. Nous demandons à l’employeur « d’assumer ses responsabilités et d’évaluer pleinement les risques et les préjudices subis par les membres qui sont soumis à des escales ridiculement longues, loin de leur terminal d’origine, souvent dans des endroits très isolés ».
Le Canadien National possède environ 50 % des voies ferrées du pays, le Canadien Pacifique Kansas City, 30 %. Au Canada, 70 % des échanges interurbains de marchandises et 50 % des exportations internationales se font par rail. Les deux compagnies ferroviaires s’étendent d’un océan à l’autre. La fusion du Canadien Pacifique et du Kansas City Southern en 2021 en a fait la seule compagnie ferroviaire qui va du Canada au Mexique.
Plus de 3000 chefs de train et agents de triage du Canadien National ont fait une « grève pour la sécurité » en 2019. Ils ont été suivis par 750 travailleurs de la signalisation et des communications, membres de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité, en 2022. Enfin, quelque 240 syndiqués d’Unifor ont débrayé à l’Autoport du Canadien National en Nouvelle-Écosse en mars. Au CPKC, 3000 membres des Teamsters ont débrayé en 2018 et en 2022.
Au moment où se poursuit cette lutte, 3000 préposés à l’entretien des voies du CN, membres du Syndicat des Métallos, luttent également pour obtenir un nouveau contrat. Le comité de négociation a conclu un accord de principe avec les patrons du chemin de fer le 1er mars. Le résultat du vote n’est pas encore connu. Les chauffeurs routiers syndiqués d’Unifor qui conduisent pour le Canadien National ont voté à 82 % pour donner un mandat de grève à leur direction. Ces deux contrats ont également expiré à la fin de l’année dernière.