MONTRÉAL — Le gouvernement canadien du premier ministre libéral Justin Trudeau a déposé les projets de loi 70 et 63 devant le Parlement. S’ils étaient adoptés, ils porteraient de nouveaux coups aux droits politiques des travailleurs.
Ces attaques sont les plus récentes mesures prises par les dirigeants capitalistes du Canada pour réduire l’espace politique dont les travailleurs ont besoin pour se défendre contre l’impact de la crise économique et sociale capitaliste mondiale actuelle. Elles sont dans le prolongement de l’utilisation par Ottawa en février 2022 d’une loi draconienne, la Loi sur les mesures d’urgence, pour écraser le mouvement de protestation des camionneurs du Convoi de la liberté dans la capitale.
Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a déposé le projet de loi 70 le 6 mai. Il établirait un registre des « agents étrangers » et érigerait en crime — passible d’une peine pouvant aller jusqu’à la prison à vie — le fait de se livrer à une « conduite sournoise ou trompeuse » sous la direction d’un gouvernement étranger dans le but de « nuire aux intérêts canadiens ».
Cela fait suite à des mois de controverse pour déterminer s’il y a eu ingérence étrangère lors des dernières élections fédérales de 2019 et de 2021.
Pendant des décennies, les combattants ouvriers dans de nombreux pays capitalistes ont fait face à des attaques similaires contre leurs droits politiques. À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, les dirigeants impérialistes de Washington ont adopté la Loi pour l’enregistrement des agents étrangers et l’ont utilisée contre le mouvement ouvrier et les groupes antiguerre.
Des lois similaires sont utilisées par le régime de Vladimir Poutine en Russie contre les opposants à sa guerre en Ukraine. Certaines viennent d’être adoptées par le gouvernement géorgien, qui est aligné sur Moscou.
Washington a utilisé sa loi pour attaquer des organisations comme le Parti communiste et le Parti socialiste des travailleurs lors de la chasse aux sorcières anticommuniste de McCarthy dans les années 1950.
En 1998, cinq révolutionnaires cubains qui surveillaient les émigrants contrerévolutionnaires cubains planifiant des attaques contre Cuba socialiste depuis les États-Unis, ont été arrêtés par le FBI et accusés d’être des « agents étrangers non déclarés ». Les cinq Cubains ont passé jusqu’à 16 ans dans des prisons fédérales pour cette affaire et d’autres accusations avant d’être libérés après une campagne internationale pour obtenir leur liberté.
Le projet de loi 70 comprend également une nouvelle infraction pénale à l’encontre de toute personne soupçonnée d’entraver l’accès ou le fonctionnement des « infrastructures essentielles », telles que les chemins de fer, les ports et les autoroutes. L’Association canadienne des libertés civiles prévient que cela pourrait être utilisé pour « réprimer les manifestations » et que cela constitue « un risque sérieux pour la liberté d’expression ».
Les associations de grandes entreprises du Canada réclament à cor et à cri qu’Ottawa prenne des mesures pour empêcher les travailleurs des chemins de fer et des ports, comme ceux du Canadien National et du Canadien Pacifique Kansas City, de faire grève. Les cheminots ont voté la grève à plus de 97 % et les travailleurs du port de Montréal ont récemment rejeté une proposition de contrat à 99,5 %.
Lorsque le premier ministre Trudeau a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence contre les camionneurs qui avaient installé un campement à Ottawa pour protester contre les obligations fédérales de vaccination contre la COVID qui menaçaient leurs emplois, les ministres du gouvernement ont fait valoir que la « sécurité nationale » du Canada était menacée par l’impact économique de la manifestation.
Dans une importante victoire pour les droits des travailleurs, le juge de la Cour fédérale Richard Mosley a statué le 23 janvier que l’utilisation par Ottawa de la Loi sur les mesures d’urgence était illégale. Ottawa fait appel de cette décision devant la Cour suprême.
Malgré la décision de la Cour, le gouvernement poursuit ses procès contre les dirigeants du Convoi de la liberté, notamment Tamara Lich, Chris Barber et Pat King.
De nouvelles attaques contre les droits politiques
Le projet de loi 70 vient s’ajouter au projet de loi 63, la Loi sur les préjudices en ligne, introduit en février sous le prétexte cynique de protéger les enfants contre la pornographie. Cette loi contient des mesures radicales visant à renforcer les « lois contre la haine » existantes et à imposer la censure gouvernementale sur l’internet. Elle prévoit des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à la perpétuité pour toute personne reconnue coupable d’un délit « motivé par la haine ».
Le 10 avril, le gouvernement québécois du premier ministre François Legault a présenté le projet de loi 57, une loi « visant à protéger les élus et à favoriser l’exercice sans entraves de leurs fonctions ». Cette loi rend illégal le fait d’entraver « l’exercice des fonctions d’un fonctionnaire […] en le menaçant, en l’intimidant ou en le harcelant », sous peine d’amendes pouvant aller jusqu’à 1500 dollars canadiens (1095 dollars US).
Les quatre fédérations syndicales du Québec ont réagi en dénonçant le fait que le projet de loi contient « plusieurs articles [qui] posent des menaces sérieuses à la participation citoyenne, à l’action politique, à la liberté d’expression et au droit de manifester. ».
« Historiquement, le mouvement syndical a souvent été la cible de lois visant à réprimer la dissidence antigouvernementale, y compris lorsque les travailleurs ont exigé de meilleures conditions de vie par des actions de grève », a déclaré le Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario, plusieurs jours après qu’Ottawa a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence contre la manifestation des camionneurs.
« Pour protéger l’espace politique dont nous avons besoin pour nous organiser afin de défendre nos intérêts de classe, les syndicats doivent prendre la tête d’une lutte menée par tous les partisans des droits politiques afin d’empêcher que ces lois antiouvrières soient adoptées », a déclaré Katy LeRougetel, candidate de la Ligue communiste à l’élection fédérale partielle de Montréal. « Nous devons exiger que les procès pour coups montés des dirigeants du Convoi de la liberté cessent et que toutes les accusations portées contre les participants à la manifestation des camionneurs soient abandonnées. »