La Ligue communiste fait campagne
sur fond de crise politique au Canada

Steve Penner
le 3 février 2025
Philippe Tessier, l’un des deux candidats de la Ligue communiste aux prochaines élections fédérales, dans la région de Montréal, prend la défense de la souveraineté de l’Ukraine à Toronto en mars 2022, quelques semaines après l’invasion par la Russie.
the Militant/Tony DiFelicePhilippe Tessier, l’un des deux candidats de la Ligue communiste aux prochaines élections fédérales, dans la région de Montréal, prend la défense de la souveraineté de l’Ukraine à Toronto en mars 2022, quelques semaines après l’invasion par la Russie.

MONTRÉAL — « Au moment même où [le Canada] a besoin d’un leadership stable et crédible », alors qu’un conflit commercial avec Washington est imminent, « il est au contraire accablé par la longue agonie d’un gouvernement minoritaire », se sont plaints les rédacteurs du Globe and Mail. Le 6 janvier, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé qu’il prévoyait de démissionner, qu’il suspendait le Parlement et qu’il ouvrait la course à la direction du Parti libéral pour le remplacer. 

Ces événements provoquent une grave crise pour les dirigeants capitalistes du Canada et suscitent un débat parmi les travailleurs sur la meilleure façon de défendre nos propres intérêts de classe.

Affirmant que les conditions des échanges commerciaux entre Washington et le Canada, ainsi qu’avec le Mexique, nuisent injustement aux producteurs américains, le président Donald Trump a menacé d’imposer des droits de douane de 25 % sur toutes les importations en provenance des deux pays. Ottawa a déclaré qu’il répondrait de la même manière. Près de 80 % des exportations canadiennes — 548 milliards de dollars canadiens (384 milliards de dollars) de produits — sont allées aux États-Unis en 2023. La question centrale des prochaines élections législatives fédérales est de savoir quel dirigeant pourra défendre le plus efficacement les intérêts des dirigeants canadiens dans le conflit commercial en cours.

Depuis quelque temps, le soutien au gouvernement Trudeau est en chute libre. Cela témoigne de la colère des travailleurs face à l’incapacité d’Ottawa à les protéger contre l’aggravation de la crise capitaliste. Les travailleurs sont confrontés à la hausse des prix, à la stagnation des salaires, à un taux de chômage élevé, à des logements inabordables et à la menace croissante de nouvelles guerres. Les politiques « woke » de Trudeau, telles que la taxe carbone sur l’essence et le mazout domestique, et le mépris méritocratique de son gouvernement pour les travailleurs, provoquent également l’effondrement de son soutien.

Au cours de l’année écoulée, des centaines de milliers de travailleurs ont mené des luttes syndicales pour obtenir des salaires qui compensent la hausse des prix, des conditions de travail sûres et des horaires de travail qui permettent de consacrer du temps à la vie de famille, à l’activité syndicale et aux loisirs. Depuis le mois d’août, le gouvernement Trudeau a soutenu l’offensive des patrons en imposant des ordres de reprise du travail à près de 70 000 grévistes des chemins de fer, des ports et des postes.

Les dirigeants d’Ottawa ont également lancé une attaque majeure contre les droits des travailleurs immigrés, qui a conduit à l’expulsion de milliers d’entre eux. Leur objectif est d’approfondir les divisions au sein de la classe ouvrière.

Certains travailleurs se tournent vers Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur, dans l’espoir d’un peu de répit. Ce dernier fait campagne pour gagner le soutien de la classe ouvrière et des syndicats. Il se présente comme un « moindre mal » par rapport aux libéraux et arrive largement en tête dans les sondages. Les deux partis sont organisés pour défendre la richesse et le pouvoir de la classe dirigeante.

Les syndicats doivent emprunter une voie indépendante

Au lieu de mobiliser les syndicats pour qu’ils rompent avec les partis patronaux et qu’ils organisent un parti des travailleurs basé sur les syndicats, le Congrès du travail du Canada organise des conférences dans tout le pays, centrées sur l’idée de vaincre les conservateurs. L’objectif est de soutenir les libéraux, éventuellement dans le cadre d’une coalition avec le Nouveau Parti démocratique. Au Québec, de nombreux hauts responsables syndicaux soutiennent le Bloc québécois, un parti capitaliste pro-souveraineté du Québec.

Dans le cadre de cette stratégie de collaboration de classe sans issue, des syndicats comme le Syndicat des Métallos et Unifor se joignent aux patrons et aux politiciens capitalistes au sein du Conseil commercial Canada-États-Unis nouvellement créé. Leur objectif est de soutenir Ottawa dans la guerre commerciale avec les États-Unis.

Le 17 janvier, Justin Trudeau a convoqué la première réunion du Conseil sur les relations canado-américaines, une nouvelle instance réunissant les syndicats, les patrons et le gouvernement. Trudeau a affirmé : « Vous êtes tous des patriotes. Vous croyez en la lutte pour le Canada. »

Alternative de la Ligue communiste

« Mais le Canada est une société divisée en classes », a dit au Militant, le 16 janvier, Philippe Tessier, l’un des deux candidats de la Ligue communiste dans les prochaines élections fédérales, dans la région de Montréal. Philippe Tessier est un travailleur du rail et membre du syndicat des Teamsters.

« Au lieu de mobiliser les syndicats pour défendre notre droit de grève et lutter pour de meilleurs salaires et conditions de travail, les responsables syndicaux ont rejoint “Équipe Canada”, mise en place par les familles milliardaires dirigeantes du pays pour défendre leurs industries et leur système de profit.

« Il n’y a pas d’avenir pour les travailleurs si nous soutenons la classe qui exploite notre travail et qui attaque nos droits dans ses conflits commerciaux et militaires contre ses concurrents capitalistes. »

Katy LeRougetel, l’autre candidate de la Ligue communiste, a souligné que « les guerres commerciales mènent à des conflits militaires. C’est ce qui s’est passé avant les Première et Deuxième Guerres mondiales impérialistes, qui ont coûté la vie à des dizaines de millions de travailleurs. Ces conflits montent les travailleurs d’un pays contre ceux d’un autre pays ». Katy LeRougetel est membre du Syndicat International des Travailleurs et Travailleuses de la Boulangerie, Confiserie, Tabac et Meunerie.

« Les propositions selon lesquelles les syndicats devraient se battre pour défendre les emplois “canadiens” au détriment des travailleurs américains sont un piège mortel, a-t-elle affirmé. Ils ne sont pas nos ennemis, mais nos alliés les plus importants et les plus puissants. Dans les deux pays, les travailleurs doivent se battre pour des emplois pour tous et pour un statut de résident permanent pour tous les immigrants.

« Les employés des hôtels de Las Vegas, aux États-Unis, sont en grève et ont besoin de solidarité, tout comme les 600 employés lockoutés de l’hôtel Queen Elizabeth, ici. J’encourage tout le monde à les rejoindre sur leur piquet de grève.

« Le mouvement ouvrier a besoin d’une politique étrangère indépendante, qui défende les travailleurs du monde entier. »

« À partir de ces luttes, les travailleurs peuvent cesser de soutenir l’un ou l’autre des partis capitalistes comme un “moindre mal” et forger leur propre parti, un parti des travailleurs basé sur les syndicats, a dit Philippe Tessier, afin d’organiser les travailleurs par millions pour arracher le pouvoir aux dirigeants capitalistes, mettre fin à l’exploitation capitaliste, arrêter la marche de l’impérialisme vers le fascisme et la troisième guerre mondiale et rejoindre la lutte pour construire un monde socialiste. »