UNE DIRIGEANTE DU PARTI SOCIALISTE DES TRAVAILLEURS PREND LA PAROLE LORS D’UNE RÉUNION PUBLIQUE À LA HAVANE

« Une véritable révolution signifie diriger des millions de personnes »

La lutte des classes aux États-Unis aujourd’hui, la révolution cubaine et la construction d’un parti des travailleurs

le 12 juin 2023
La Havane, le 25 avril, au siège de l’Institut cubain d’amitié avec les peuples. Photo du bas : Mary-Alice Waters (à gauche) et Noemí Rabaza, dirigeante de l’ICAP, qui a dit qu’à Cuba, le gouvernement représente les intérêts de classe des travailleurs et non ceux des capitalistes. « Ce que dit Noemí est important », a noté Mary-Alice Waters. La révolution socialiste à Cuba est un exemple pour les travailleurs du monde entier, y compris ceux des États-Unis. « Seuls, nous serons vaincus. En luttant ensemble, nous pouvons gagner », a conclu Mary-Alice Waters.
THE MILITANT/ MARTÍN KOPPELLa Havane, le 25 avril, au siège de l’Institut cubain d’amitié avec les peuples. Photo du bas : Mary-Alice Waters (à gauche) et Noemí Rabaza, dirigeante de l’ICAP, qui a dit qu’à Cuba, le gouvernement représente les intérêts de classe des travailleurs et non ceux des capitalistes. « Ce que dit Noemí est important », a noté Mary-Alice Waters. La révolution socialiste à Cuba est un exemple pour les travailleurs du monde entier, y compris ceux des États-Unis. « Seuls, nous serons vaincus. En luttant ensemble, nous pouvons gagner », a conclu Mary-Alice Waters.

Nous publions ici les commentaires de Mary-Alice Waters, le 25 avril à La Havane, lors d’une présentation du livre Le creux de la résistance ouvrière est derrière nous : Le Parti socialiste des travailleurs regarde vers l’avant, de Jack Barnes, de Steve Clark et de Mary-Alice Waters. Cette dernière est membre du Comité national du Parti socialiste des travailleurs et présidente des éditions Pathfinder.

Cet événement, qui s’est déroulé au milieu des préparatifs à La Havane et à travers Cuba pour célébrer le 1er mai, Journée internationale des travailleurs, était parrainé par le Comité central du Parti communiste de Cuba. Il s’est tenu au siège national de l’Institut cubain d’amitié avec les peuples (ICAP). Les participants ont été accueillis par Leima Martínez, directrice de l’ICAP pour l’Amérique du Nord. Noemí Rabaza, première vice-présidente de l’ICAP, a pris la parole avec Mary-Alice Waters et a présidé la réunion (voir l’article dans le no du 22 mai du Militant).

Droits d’auteurs © 2023 des éditions Pathfinder. Présente reproduction autorisée.

MARY-ALICE WATERS

Merci Noemí et Leima pour votre accueil chaleureux et vos remarques introductives.

Rassemblement de cheminots pour un contrat national, le 13 décembre 2022 à Washington. Une augmentation des moyens de pression, faible mais importante, résulte du fait que les travailleurs luttent contre des conditions de travail intolérables et dangereuses et des quarts de travail inhumains, pas seulement pour obtenir des gains salariaux face à la hausse de l’inflation.
AP Photo/Jose Luis MaganaRassemblement de cheminots pour un contrat national, le 13 décembre 2022 à Washington. Une augmentation des moyens de pression, faible mais importante, résulte du fait que les travailleurs luttent contre des conditions de travail intolérables et dangereuses et des quarts de travail inhumains, pas seulement pour obtenir des gains salariaux face à la hausse de l’inflation.

Et un merci sincère à tous nos compañeros et compañeras ici à l’ICAP pour avoir organisé cet événement spécial aujourd’hui. Au nom des éditions Pathfinder et de la direction du Parti socialiste des travailleurs, je tiens également à exprimer notre gratitude aux camarades du Comité central du parti qui sont ici et dont les initiatives et les efforts ont rendu cette réunion possible.

C’est un privilège d’avoir l’occasion de discuter de la lutte des classes aux États-Unis et du cours révolutionnaire qui s’ouvre à nous avec un public comme celui-ci, composé de jeunes, de travailleurs et de dirigeants communistes. Nous attendons avec impatience vos observations, questions et opinions.

Le livre que les éditions Pathfinder présentent ici cet après-midi, Le creux de la résistance ouvrière est derrière nous : Le Parti socialiste des travailleurs regarde vers l’avant, dont les auteurs sont Jack Barnes, Steve Clark et moi-même, traite des manifestations politiques de la lutte des classes, qui s’intensifie aux États-Unis aujourd’hui. La pièce maîtresse du livre est un texte rédigé il y a six mois par la direction du Parti socialiste des travailleurs. Après trois mois de discussions, les membres du parti dans les branches à travers le pays ont voté sur ce texte, qui a finalement été adopté en décembre 2022 par les délégués au 49e Congrès constitutionnel du parti.

Le livre est maintenant utilisé de l’Atlantique au Pacifique, ainsi qu’à l’échelle internationale, pour éduquer les travailleurs et les jeunes et les gagner à une ligne de conduite ouvrière révolutionnaire.

L’époque impérialiste

La lutte des classes aux États-Unis, comme dans tous les pays, ne commence pas avec ses particularités historiques, culturelles et politiques. Elle commence comme partie intégrante du monde.

Nous commençons par les conséquences du fait que nous vivons à l’époque impérialiste, à un moment où l’apparente stabilité de l’ordre mondial imposé par les vainqueurs de la deuxième guerre mondiale continue de diminuer. La première grande guerre terrestre en Europe depuis près de huit décennies accélère cette déstabilisation. Les guerres commerciales et monétaires, les guerres pour les capitaux, qui annoncent souvent des conflits armés à venir, se sont aggravées. Une nouvelle course aux armements, y compris aux armes nucléaires, a commencé. La haine des juifs est de nouveau en hausse dans le monde entier, en paroles et en actes. La puissance impérialiste dominante décline relativement, sans qu’un remplacement soit en vue.

Au milieu des ruptures, des conflits et des guerres qui viennent, une seule chose est certaine : à moins que la classe ouvrière et ses alliés ne deviennent plus confiants et plus conscients que nous devrons arracher le pouvoir de faire la guerre des mains des dirigeants capitalistes aux États-Unis et dans le monde, il y aura une autre guerre mondiale. Une guerre aux conséquences inimaginables.

Pour le Parti socialiste des travailleurs, cette vérité historique n’est pas une raison de désespérer. Une telle catastrophe n’est pas inévitable. Cela dépend de ce que feront la classe ouvrière internationale et son avant-garde politique. Cela dépend de nous, de nous tous.

De plus, nous avons aujourd’hui un avantage important sur les générations précédentes. La révolution socialiste victorieuse à Cuba, rendue possible par les travailleurs et les agriculteurs sous la direction de Fidel, nous donne un exemple vivant dont nous pouvons apprendre. Fidel avait compris dans l’action, à partir de janvier 1959, que pour effectuer une véritable révolution et construire une direction communiste, il fallait rallier beaucoup plus que les milliers d’hommes et de femmes en uniforme de l’armée rebelle et du Mouvement du 26 juillet. Il fallait diriger les millions de personnes gagnées à la révolution. Il fallait organiser et mobiliser ceux dont les uniformes, comme l’a dit Fidel, « étaient les chemises de travail des travailleurs et des agriculteurs et les autres hommes et femmes du peuple ».

Depuis Lénine et les bolcheviks, aucune direction n’a compris et agi à partir de cette réalité avec autant de confiance et de fermeté que la direction de la révolution socialiste à Cuba. D’abord et avant tout, Fidel.

Ce sont des faits historiques qui guident le cours politique du Parti socialiste des travailleurs.

Réponse à la plus grande exploitation

Je voudrais brièvement souligner quatre jugements politiques au centre de ce livre.

Premièrement. Comme le titre l’affirme, nous avons assisté au cours des deux dernières années à une augmentation faible mais importante du nombre et de la dispersion géographique des grèves industrielles, des actions syndicales et des actes de solidarité prolétarienne. Cependant, ce qui les motive est plus significatif que leur taille et leur nombre.

Colón, Cuba, le 7 janvier 1959. La foule accueille la caravane de la liberté et les combattants de l’armée rebelle qui se sont arrêtés dans une ville après l’autre à travers l’île à la suite du renversement de la dictature soutenue par les États-Unis. Comme Lénine et les bolcheviks, Fidel Castro a agi en tenant compte du fait qu’une véritable révolution et la formation d’un parti communiste exigent de mobiliser, d’organiser et de diriger les millions de travailleurs et d’agriculteurs qui ont été gagnés à cette perspective.
AP Photo/Harold ValentineColón, Cuba, le 7 janvier 1959. La foule accueille la caravane de la liberté et les combattants de l’armée rebelle qui se sont arrêtés dans une ville après l’autre à travers l’île à la suite du renversement de la dictature soutenue par les États-Unis. Comme Lénine et les bolcheviks, Fidel Castro a agi en tenant compte du fait qu’une véritable révolution et la formation d’un parti communiste exigent de mobiliser, d’organiser et de diriger les millions de travailleurs et d’agriculteurs qui ont été gagnés à cette perspective.

Dans de nombreux cas, ce qui pousse les travailleurs en grève, ce n’est pas seulement, ni même principalement, la question des salaires. Ils exigent des changements dans les conditions de travail intolérables et dangereuses qui pèsent de plus en plus lourdement sur la santé et les relations familiales.

  • Les questions de sécurité au travail, par exemple, lorsque les patrons désactivent ou refusent d’installer des dispositifs de protection sur les machines et qu’ils exigent que les travailleurs effectuent des tâches pour lesquelles ils n’ont pas reçu de formation adéquate.
  • Des journées de travail intenses de 12 heures avec peu de pauses, parfois six ou même sept jours par semaine.
  • Des contrats qui pénalisent les travailleurs s’ils s’absentent ne serait-ce qu’un jour pour cause de maladie.
  • Des heures supplémentaires obligatoires et des horaires irréguliers qui ne laissent aucun temps pour la famille, le repos, la récréation, les activités syndicales ou sociales. Les travailleurs les appellent les « équipes de divorce » et les « équipes de suicide ».

Pour appeler un chat un chat, il faut dire que cette réalité résulte du fait que les propriétaires intensifient l’exploitation du travail. Vous trouverez dans ce livre certains graphiques qui illustrent les conséquences sociales de cet assaut motivé par la quête de profits.

Les salaires, compte tenu de l’inflation, n’ont pratiquement pas changé depuis un demi-siècle et ils ont même recommencé à baisser au cours des trois dernières années. L’espérance de vie aux États-Unis est tombée à son plus bas niveau en un quart de siècle. Le taux de natalité est à moins de la moitié de ce qu’il était en 1950. Le taux de suicide a grimpé en flèche chez les adolescents, les agriculteurs et les vétérans des guerres menées par Washington en Afghanistan, en Irak et ailleurs. La consommation de drogue est désormais la principale cause de décès chez les hommes dans la force de l’âge, tandis que l’alcoolisme progresse à nouveau et que la dépendance aux jeux atteint des sommets inégalés.

Fonder et entretenir une famille est de plus en plus hors de portée des jeunes hommes et jeunes femmes de la classe ouvrière et des couches moyennes les plus exploitées et défavorisées. Les loyers des appartements et le remboursement des prêts hypothécaires augmentent, tout comme les prix de la nourriture, de l’essence, des soins de santé, de la scolarité, de la garde d’enfants et autres nécessités.

Le déraillement d’un train de marchandises en février dernier à East Palestine, en Ohio, qui a été largement couvert dans les médias ici à Cuba et ailleurs dans le monde, illustre de nombreux éléments de la catastrophe sociale actuelle : des centaines de milliers de litres de produits chimiques toxiques ont été déversés sur une vaste zone, mettant en danger la vie et les moyens de subsistance de plusieurs milliers de familles de travailleurs et d’agriculteurs. Ce n’était pas un « accident ». Il n’était dû à rien d’autre qu’à la volonté des propriétaires de chemins de fer d’augmenter leur taux de profit. L’un des dispositifs de sécurité, un détecteur de chaleur qui aurait pu permettre aux membres de l’équipage d’arrêter le train s’ils en avaient été avertis à temps, avait été calibré de manière à le rendre inutile.

Face au pouvoir déchaîné des propriétaires capitalistes, de plus en plus de travailleurs disent : « Ça suffit ! ». Ils se découvrent les uns les autres de plus en plus prêts à riposter et désireux de discuter comment gagner. L’idée que la sécurité et les conditions de travail, des questions de vie ou de mort, devraient être sous le contrôle des travailleurs eux-mêmes obtient une plus grande écoute.

Dire que le creux de la résistance ouvrière est derrière nous n’est pas prédire le rythme ou l’ampleur des nouvelles batailles qui se profilent à l’horizon. Cela nous indique ce qui s’est déjà passé, les opportunités politiques qui s’ouvrent et ce à quoi il faut se préparer.

Leesburg, Virginie, juin 2021. Des parents ont affronté des responsables d’école dans lesquelles on sépare les enfants selon la couleur de leur peau et où on enseigne aux élèves blancs, comme ceux sur la photo, qu’ils sont racistes de naissance.
AFP/Andrew Cabellero-ReynoldsLeesburg, Virginie, juin 2021. Des parents ont affronté des responsables d’école dans lesquelles on sépare les enfants selon la couleur de leur peau et où on enseigne aux élèves blancs, comme ceux sur la photo, qu’ils sont racistes de naissance.

Je donnerai un autre exemple concret des changements qui sont survenus. Le week-end dernier, des membres du Parti socialiste des travailleurs ont participé à la foire annuelle du livre de Los Angeles, qui attire des dizaines de milliers de travailleurs et de jeunes. En deux jours, ils ont vendu près de 90 abonnements à notre hebdomadaire, le Militant, et quelque 235 livres. Le livre le plus vendu a été celui dont nous discutons aujourd’hui ici, à La Havane. En bref, ils ont vendu autant de livres et d’abonnements en deux jours qu’ils en avaient vendu en deux mois un an plus tôt. Et les chiffres auraient été plus élevés si nous n’avions pas manqué de livres et de journaux.

Des divisions de classe croissantes

Deuxièmement. On assiste aux États-Unis à une polarisation sociale et politique croissante sur de nombreuses questions. Ces divisions reflètent avant tout des divisions de classe croissantes. La méritocratie des professionnels bien rémunérés et de la classe moyenne fait pression pour imposer ses valeurs de classe et elle rencontre une forte résistance de la part de larges couches de travailleurs. Pour ne citer que quelques exemples :

  • Le fardeau des maux sociaux engendrés par les capitalistes pèse souvent plus lourdement sur les femmes, en particulier au sein des classes exploitées. Il ne peut y avoir de voie pour mettre fin à l’oppression des femmes sans s’attaquer aux crises sociales qui frappent les familles de la classe ouvrière et s’occuper des défis et des responsabilités que les femmes assument pour le soin des membres de leur famille et en tant que porteuses d’une nouvelle vie. Cependant, les dirigeantes bourgeoises et petites-bourgeoises de gauche des organisations qui prétendent défendre les droits des femmes obscurcissent les racines de l’oppression des femmes dans la société de classe. Elles ignorent les questions familiales et sociales qui doivent être abordées et réduisent essentiellement la lutte pour l’égalité des femmes à l’accès à l’avortement. Elles la réduisent encore davantage à une question électorale dans l’espoir de gagner des voix pour le Parti démocrate. L’émancipation des femmes — qui est impossible sans l’accès des femmes à un contrôle médicalement sûr et légal de la reproduction — est inséparable de la lutte de la classe ouvrière pour créer les conditions matérielles et sociales qui permettront aux femmes et aux hommes de réaliser leur pleine humanité. C’est cette bataille politique que nous devons gagner.
Des travailleuses de garderies manifestent à Sacramento, en Californie, en février 2020, dans le cadre d’une lutte de reconnaissance syndicale. Il n’y a pas de voie pour mettre fin à l’oppression des femmes, a expliqué Mary-Alice Waters, sans faire face aux crises sociales dont souffrent les familles de la classe ouvrière et aux responsabilités assumées par les femmes.
Service Employees International Union Local 99Des travailleuses de garderies manifestent à Sacramento, en Californie, en février 2020, dans le cadre d’une lutte de reconnaissance syndicale. Il n’y a pas de voie pour mettre fin à l’oppression des femmes, a expliqué Mary-Alice Waters, sans faire face aux crises sociales dont souffrent les familles de la classe ouvrière et aux responsabilités assumées par les femmes.
  • Alimentés par d’horribles fusillades qui ont eu lieu ces dernières années dans des écoles, des églises, des synagogues et des centres commerciaux, beaucoup de ceux qui se disent « progressistes » reprochent aux travailleurs et aux agriculteurs « arriérés » de s’accrocher à leurs armes à feu. Ils font campagne contre la possession individuelle d’armes à feu, qu’ils considèrent comme la cause des fusillades de masse, et ils exigent de nouvelles restrictions ou l’interdiction pure et simple de l’achat et de la possession d’armes à feu. Mais les armes ne sont pas la cause de ces événements, qui proviennent des crises sociales engendrées par le capitalisme et des tensions qui déchirent des dizaines de millions de familles.
  • De vives confrontations ont lieu entre parents et administrateurs d’école à propos de l’imposition de programmes scolaires qui séparent les enfants selon la couleur de leur peau et enseignent à ceux dont la peau est blanche qu’ils sont racistes de naissance. Sur le panneau à l’avant, montrant des photos du livre dont nous discutons, vous trouverez une image de deux enfants arborant des pancartes avec l’inscription : « Je ne suis pas un oppresseur ! » Cela illustre le contenu politique et l’intensité de ces affrontements.
  • Une autre source de conflit, c’est l’expansion, dès la maternelle, de l’enseignement aux enfants de la « fluidité du genre ». On leur enseigne que le sexe qui leur a été prétendument « assignés » à la naissance n’a aucune importance. On leur dit qu’ils ne sont ni hommes ni femmes et qu’ils peuvent choisir ce qu’ils veulent être parmi une longue liste de « genres ». Les adolescents qui connaissent les affres de la misère sexuelle de l’adolescence sont incités à subir une chirurgie et une hormonothérapie de « réassignation sexuelle ». Les confrontations autour des athlètes transgenres mâles en compétition dans les sports féminins sont aussi devenues un champ de bataille. Quiconque défend la réalité biologique de l’existence de deux sexes risque d’être la cible d’une certaine canaille dans les médias sociaux et de se faire traiter de « transphobe ».
  • Ces conflits, et bien d’autres, ne sont pas avant tout une expression des divergences au sein de la politique bourgeoise, bien qu’ils soient souvent exploités par des politiciens bourgeois dans l’espoir de détourner l’attention des questions fondamentales et de récolter des votes. Ainsi que le souligne la résolution du SWP à propos de ces antagonismes, « [p]eu importe leur camouflage, ils reflètent en fin de compte des divisions de classe ».

Défendre les libertés constitutionnelles

Troisièmement. « Défendre et étendre les libertés protégées par la Constitution américaine », comme l’explique la résolution du SWP, « est au centre de la lutte des classes aujourd’hui. » Ces protections, aujourd’hui attaquées par le gouvernement fédéral, sa police politique, y compris le FBI, et les deux partis politiques dirigeants, représentent des libertés remportées par les travailleurs dans des batailles de classe depuis deux siècles et demi, y compris l’une des guerres civiles les plus sanglantes de l’histoire.

La Constitution des États-Unis est venue de la constitution d’une république mercantile bourgeoise. L’avant-garde de la classe ouvrière ne la défend pas ni ne la soutient politiquement. Cependant, cette constitution comporte des protections écrites durement gagnées contre les abus et la restriction d’un certain nombre de libertés par l’État capitaliste.

Le premier amendement de la Constitution stipule que « le Congrès ne doit adopter aucune loi concernant l’établissement d’une religion ni interdire la pleine liberté de culte ; ni restreindre la liberté d’expression ou de la presse ; ni le droit du peuple de se réunir pacifiquement et de présenter une demande au gouvernement pour obtenir réparation de griefs ».

« Une milice bien réglementée étant nécessaire, spécifie le deuxième amendement, le droit du peuple de garder et de porter des armes ne sera pas lésé. »

D’autres amendements garantissent le « droit de chacun d’être en sécurité au niveau de sa personne, de sa maison, de ses papiers et de ses effets contre des perquisitions et des saisies déraisonnables ». Quant aux procédures pénales, le sixième amendement garantit le droit de chacun à un procès par un jury de ses pairs, le droit à un avocat de la défense, le droit de confronter ses accusateurs et le droit de voir les preuves présentées contre soi.

La candidate du Parti socialiste des travailleurs pour le Sénat américain en Californie, Laura Garza, fait campagne lors d’un rassemblement syndical le 26 mai à Los Angeles. Le SWP explique que les travailleurs ont besoin d’un parti ouvrier basé sur les syndicats, c’est-à-dire sur leurs organisations de classe fondamentales, qui conmptent des millions de membres. Un parti qui rompt avec ceux des patrons capitalistes, les démocrates et les républicains, et qui agit politiquement au nom des travailleurs au pays et à l’étranger.
Militant/Deborah LiatosLa candidate du Parti socialiste des travailleurs pour le Sénat américain en Californie, Laura Garza, fait campagne lors d’un rassemblement syndical le 26 mai à Los Angeles. Le SWP explique que les travailleurs ont besoin d’un parti ouvrier basé sur les syndicats, c’est-à-dire sur leurs organisations de classe fondamentales, qui conmptent des millions de membres. Un parti qui rompt avec ceux des patrons capitalistes, les démocrates et les républicains, et qui agit politiquement au nom des travailleurs au pays et à l’étranger.

Les travailleurs qui possèdent une conscience de classe doivent se faire entendre chaque fois que ces libertés sont bafouées, peu importe que la cible soit un ancien président américain ou un propriétaire de petit commerce familial persécuté pour affirmer ses croyances religieuses. Peu importe qui est visé au départ, l’histoire nous enseigne que le précédent créé par toute violation de ces protections sera utilisé tôt ou tard pour porter atteinte aux syndicats, aux travailleurs en grève, aux partis ouvriers et aux organisations des opprimés.

Dans les années 30, lorsque de véritables forces fascistes ayant des liens internationaux se développaient aux États-Unis et qu’ils exigeaient le droit de réunion, le Parti socialiste des travailleurs a défendu leur droit. Et quand 20 000 partisans nazis ont occupé le Madison Square Garden à New York en février 1939, quelque 50 000 travailleurs ont répondu à l’appel lancé par le SWP pour faire face à cette menace, non pas en renforçant les illusions dans les tribunaux capitalistes et les organes législatifs, mais en action et dans la rue.

En ce moment, contrairement à ce que certaines personnes de gauche prétendent de manière frivole, il n’existe pas de mouvement fasciste en expansion aux États-Unis. Aujourd’hui, les libertés protégées par la Constitution sont attaquées par-dessus tout par l’État capitaliste, ainsi que par des couches professionnelles et de la classe moyenne privilégiées, mais relativement précaires, qui se considèrent comme des « progressistes ».

Les campus universitaires se sont transformés en terrains fertiles pour des activités visant à réduire au silence les étudiants et les professeurs qui expriment des points de vue opposés. Que ce soit sous la bannière de la « culture d’annulation », de la « théorie critique de la race », du mouvement antijuif « Boycott, Désinvestissement et Sanctions » ou autre chose, ce sont des forces réactionnaires étrangères à la classe ouvrière et à ses alliés.

L’espérance de vie aux États-Unis, de 1980 à 2021. L’épidémie d’abus de drogues est l’une des principales raisons pour lesquelles l’espérance de vie a diminué. Photo d’arrière-plan, un magasin de marijuana à New York, où le gouvernement promeut son utilisation.
Source: National Center for Health StatisticsL’espérance de vie aux États-Unis, de 1980 à 2021. L’épidémie d’abus de drogues est l’une des principales raisons pour lesquelles l’espérance de vie a diminué. Photo d’arrière-plan, un magasin de marijuana à New York, où le gouvernement promeut son utilisation.

Un indice additionnel de la polarisation de classe et de l’effritement de la primauté du droit bourgeois est la pénalisation des divergences politiques au sein de la classe dirigeante et de ses partis politiques. La majorité démocrate de la Chambre des représentants a voté deux fois pour destituer Donald Trump au cours de son mandat présidentiel. On vient de déposer le premier, sans doute, de beaucoup d’actes d’accusation contre Donald Trump pour différents présumés délits ou pour des poursuites civiles. La Chambre des représentants, contrôlée actuellement par les républicains, se prépare à se venger du président Joseph Biden et de membres de sa famille. Et cela ne s’arrêtera pas là. Ces dernières années, nous avons vu les conséquences de cette pénalisation des opposants dans la politique bourgeoise ailleurs dans le monde. L’exemple le plus connu par la plupart d’entre nous est celui du Brésil.

Construire une avant-garde ouvrière

Quatrièmement. Forger un parti prolétarien.

Une jeune visiteuse avec qui je discutais au stand des éditions Pathfinder à la Foire du livre de La Havane, il y a deux mois, m’a demandé : « Pourquoi accordez-vous tant d’importance à la classe ouvrière ? N’est-ce pas exclusif ? Est-ce que ça ne diminue pas l’importance de la lutte contre le racisme, le patriarcat, la transphobie, la destruction de l’environnement ? »

La réponse que je lui ai donnée n’était pas compliquée.

La classe ouvrière est elle-même la formation sociale la plus inclusive aux États-Unis ou dans tout autre État capitaliste. Des dizaines de millions de travailleurs sont victimes de racisme, de sexisme et/ou de tous les autres préjugés et formes d’oppression entretenus par la société capitaliste et utilisés pour nous diviser et nous monter les uns contre les autres. Les travailleurs agissent quotidiennement pour se défendre eux-mêmes et d’autres sur le lieu de travail et en dehors du travail.

Mais ce n’est qu’un début de réponse. Seule la classe ouvrière, créée par le système capitaliste même, a le poids social, le pouvoir économique — et l’absence de tout intérêt de classe dans l’exploitation et la domination capitalistes — pour diriger la lutte politique nécessaire pour prendre le pouvoir d’État et établir un gouvernement qui défend les intérêts des travailleurs, la vaste majorité de l’humanité.

Seule la classe ouvrière, à la tête de ses alliés, « los humildes », pour reprendre les mots de Fidel, peut construire de nouvelles fondations économiques pour toutes les relations sociales. Des fondations qui, pour la première fois depuis des millénaires, ne reposent pas sur la propriété privée de la terre et des moyens de production, ni sur l’exploitation et l’oppression par une petite minorité de riches familles dirigeantes. C’est le cours présenté dans Le travail, la nature et l’évolution de l’humanité : une vision longue de l’histoire, un ouvrage  récemment en complément du livre dont nous discutons aujourd’hui.

Et, comme l’a confirmé la révolution socialiste réalisée par les travailleurs et les agriculteurs à Cuba, une avant-garde de millions de personnes ne pourra se forger que dans des luttes de classes titanesques pour arracher le pouvoir des mains des dirigeants actuels et entamer la transformation de la société. Ce n’est que sur cette voie que des millions d’êtres humains, façonnés par la société capitaliste, se transformeront, en luttant pour transformer leur monde.

Le plus grand défi que les travailleurs devront relever, c’est de nous défaire de la vision de nous-mêmes que la société capitaliste nous inculque depuis notre naissance. Comme l’a dit Malcolm X, nous n’avons pas besoin qu’on nous éveille à notre oppression. Nous devons prendre conscience de notre valeur. De ce que nous pouvons accomplir.

Une révolution socialiste aux États-Unis est inconcevable sans que les travailleurs s’organisent pour construire, étendre et renforcer les organisations de défense de base de notre classe, les syndicats. Elle est impossible sans apprendre à utiliser ce pouvoir syndical pour défendre les intérêts des travailleurs. Elle est impossible sans une lutte pour transformer les syndicats en instruments de lutte de classe, que peuvent utiliser les travailleurs dotés d’une conscience de classe et testés dans la lutte.

Pour favoriser cette prise de conscience, la classe ouvrière n’a pas seulement besoin de démocratie et de solidarité syndicales. Par-dessus tout, nous devons rompre avec notre subordination aux partis du capital — aux États-Unis, les partis démocrate et républicain avant tout — et trouver notre propre voix politique. Nous avons besoin d’un parti ouvrier fondé sur les syndicats. Un parti qui promeut également une politique étrangère de la classe ouvrière, une politique qui ne repose pas sur la collaboration de classe avec l’un ou l’autre des États capitalistes en conflit, mais sur les besoins de notre classe chez nous et à l’étranger.

Ce ne sont pas des tâches pour l’avenir. Ce sont des tâches pour maintenant, qui ne peuvent être accomplies que par un parti qui est prolétarien dans sa composition et son milieu social, ainsi que dans son programme et sa direction.

La continuité communiste

Ce n’est pas le Parti socialiste des travailleurs qui a inventé ce cours. Celui-ci remonte à la fondation du mouvement ouvrier moderne. Notre continuité est enracinée dans la dialectique matérialiste et la perspective historique de Marx et d’Engels et dans la façon dont ils ont dirigé la classe ouvrière à partir de 1847. C’est une continuité qui passe par la lutte de Lénine pour diriger la révolution d’octobre et les premières années de la Troisième Internationale. Une continuité défendue par Trotsky dans son travail pour maintenir le cours de Lénine, en forgeant un mouvement communiste mondial fondé sur la vérité et non le mensonge face au renversement par Staline de la politique ouvrière indépendante et de l’internationalisme prolétarien.

Cette continuité s’est maintenue à travers la révolution socialiste à Cuba dirigée par Fidel et grâce aux dirigeants des masses laborieuses comme le Che, Maurice Bishop et Thomas Sankara, qui ont suivi cet exemple. Elle est demeurée vivante à travers les leçons que nous avons-nous-mêmes tirées d’un siècle d’expériences dans la lutte de classe aux États-Unis, depuis la fondation du premier Parti communiste en 1919 jusqu’à aujourd’hui.

Pour nous, la défense de Cuba et de la révolution socialiste à Cuba n’est pas seulement un acte de solidarité ouvrière internationale, aussi important soit-il. On ne peut la séparer de notre cours révolutionnaire aux États-Unis. Nous devons gagner des secteurs substantiels de la classe ouvrière qui vivent dans le bastion impérialiste et leur faire comprendre que la haine, la peur et les mensonges des patrons à l’égard de la révolution cubaine sont en fait une extension de leur haine, de leur peur et de leurs mensonges à l’égard des travailleurs aux États-Unis.

Les capacités révolutionnaires des travailleurs et des agriculteurs aux États-Unis sont aujourd’hui aussi totalement ignorées par les familles dirigeantes qui contrôlent Washington que l’étaient celles des travailleurs cubains qui les ont vaincus à la baie des Cochons, sur les rives de Playa Girón. Une leçon qu’ils ne pardonneront jamais ni qu’ils oublieront.

Le creux de la résistance ouvrière est derrière nous : le Parti socialiste des travailleurs regarde vers l’avant contribue à organiser et mobiliser ces capacités révolutionnaires en action.