MONTRÉAL — Le 9 août, le Conseil canadien des relations industrielles a finalement levé sa suspension de trois mois du droit à un arrêt de travail par le syndicat des Teamsters ou par les patrons des chemins de fer, déclarant qu’il n’y avait « aucun danger immédiat et sérieux » pour la santé ou la sécurité publique. Il a également ordonné une période de réflexion de 13 jours avant le début de tout arrêt de travail, ce qui signifie qu’une grève pourrait commencer le 22 août.
Les deux compagnies ferroviaires canadiennes, le Canadien National et le Canadien Pacifique Kansas City, ont immédiatement réagi en menaçant de mettre en lock-out les 9 300 chefs de train, mécaniciens et répartiteurs du CPKC le 22 août, à moins que leur syndicat, la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, n’accepte de recourir à un arbitrage contraignant. Ils ont également annoncé leur intention de commencer à mettre l’embargo sur les marchandises dangereuses et d’interrompre progressivement le reste du transport de marchandises. Le Canadien National demande au ministre canadien du Travail d’intervenir.
« Depuis le tout début, les travailleurs du rail n’ont cherché qu’à obtenir un accord juste et équitable », a réagi Paul Boucher, président de la Conférence ferroviaire de Teamsters du Canada. « Malheureusement, les deux compagnies ferroviaires exigent des concessions qui pourraient briser des familles et mettre en péril la sécurité ferroviaire. Les travailleurs ferroviaires se battent depuis des décennies pour une industrie plus sécuritaire et plus humaine, et nous n’accepterons pas un retour en arrière. »
« Le CPKC veut vider la convention collective de toutes les dispositions relatives à la fatigue, critique pour la sécurité. Le résultat final signifierait que les équipes de train seraient obligées de rester éveillées encore plus longtemps, ce qui augmenterait le risque de déraillements et d’autres accidents, a ajouté le syndicat. Le CPKC a aussi refusé de remédier au manque de contrôleurs de la circulation ferroviaire.
« Le CN a l’intention de mettre en place un programme de délocalisation forcée, qui obligerait les travailleurs à se déplacer dans tout le pays pendant des mois pour combler des pénuries de main-d’œuvre. Le CN veut également prolonger les journées de travail dans toutes les provinces à l’ouest de l’Ontario. »
Les travailleurs du rail ont accueilli favorablement la décision de la commission des relations de travail de reconnaître leur droit de grève. « Cela a pris trop de temps. Cela fait des mois que notre convention collective est échue », a dit le chef de train du CN Juan Sebastian Santamaria au Militant. « J’attends la grève avec impatience. »
« Leur “offre” est scandaleuse », a dit Alexandre Jacob, chef de train du Canadien National depuis cinq ans. « Nous devons nous opposer à toute loi antigrève. Nous devons déclencher la grève. »
Le contrat des travailleurs a expiré le 31 décembre. Depuis, les membres de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada ont voté à deux reprises en faveur de la grève par plus de 98 %.
« Très bonne nouvelle ! Il était temps. Je préférerais qu’ils parviennent à une entente de principe, mais s’il faut faire la grève, je vais participer et construire la solidarité », a ajouté le chef de train du CN Giulio Archambault.
Quelque 110 groupes d’entreprises et chambres de commerce de partout au Canada, organisés par la Chambre de commerce du Canada, ont envoyé une lettre au premier ministre Justin Trudeau, à son ministre du Travail et au ministre des Transports, les exhortant à empêcher un arrêt de travail. Même s’ils versent des larmes de crocodile sur le bien-être des citoyens, leur véritable objectif est de défendre leurs profits excessifs.
La lettre demande au gouvernement de convoquer une réunion d’urgence avec les groupes d’entreprises dès que possible, afin de discuter de mesures gouvernementales à prendre « pour prévenir toute perturbation potentielle ».
« On dirait que nous avons un certain pouvoir de négociation », a souligné Eugen Bernard, chef de train du Canadian National depuis neuf ans. « L’arbitrage forcé proposé par l’entreprise est dégoûtant, mais nous avons beaucoup d’avantages. »
Philippe Tessier est chef de train au Canadien National et membre du syndicat des Teamsters.